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Vie de La Brochure
28 août 2014

Radicaux-Bonapartistes / Socialistes-FN

Je refuse tous les anachronismes mais là le parallèle est si amusant ! Verfeuil avait 24 ans quand il écrivait partout où il le pouvait et en ce début janvier 1912 c'est au tour du Populaire du Centre de publier son Mea Culpa. Je vous laisse lire en notant cependant une différence de situation : le bonapartisme était en fin de parcours et donc peu dangereux, tandis que le FN est en début de course… Jean-Paul Damaggio

 14 janvier 1912 Le Populaire du centre rédacteur en chef Marcel Cachin

Mea Culpa !

Mea Culpa !... Mon père, je m'accuse... C'est ma faute, c'est ma très grande faute !...

Ceux de nos camarades qui sont allés, au moins une fois, étant enfants, à confesse se rappellent ces mots qu'ils débitaient, avec ou sans la foi, au prêtre tapi derrière le saint guichet. S'ils ne se les rappellent pas, les radicaux qui, quoique libres-penseurs et francs-maçons émérites, pratiquent en cachette ou subventionnent un culte quelconque, s'en souviennent assurément. Ces mots font partie de l'acte de contrition dont ils sont comme « le leitmotiv ».

Le pécheur avoue qu'il a offensé Dieu et en demande humblement pardon.

Or, il se pourrait bien que le parti radical ne tardât pas à prononcer les phrases sacramentelles que je cite plus haut et à se frapper avec humilité la poitrine. Il ne s'accuse pas encore de l'état de réaction politique et sociale que nous subissons mais il commence à ne plus le contester. Le jour où il avouera qu'il existe véritablement il sera bien obligé d'avouer aussi qu'il l'a provoqué et entretenu. Sans doute, les radicaux ne veulent pas encore donner ouvertement raison à ces maudits socialistes qui osent affirmer que la République bourgeoise actuelle ne vaut pas mieux que la monarchie et que les mesures répressives de ces dernières années ont dégoûté la classe ouvrière du gouvernement républicain. Mais ils reconnaissent tout de même dans le Rappel, par exemple, que » la désaffection de la République semble croître dans les classes populaires et c'est en cette désaffection elle seule que peut résider le danger.» Car il y a un danger. C'est le danger bonapartiste.

Les radicaux s'aperçoivent enfin que l'atmosphère politique est singulièrement délétère. Ils ont remarqué que dans la presse et dans la librairie on parle beaucoup de Napoléon dont le buste, à Paris, est dans toutes les vitrines. Et ils prennent peur, leur comité exécutif recommande à tous les comités adhérents au parti, en ce moment, "une vigilance particulière".

Ces gens-là font penser à l'excursionniste qui, malgré les observations de son guide, côtoierait sans cesse des précipices, frôlerait vingt fois la mort et se trouverait tout étonné d'avoir finalement roulé dans l'abîme et de s'être rompu les os.

Leur avons-nous assez crié, leur crions-nous encore assez à ces bons apôtres, qu'ils préparent le lit d'un nouvel empire ! S'imaginent-ils que c'est impunément qu'on poursuit, qu'on embastille, qu'on fusille les ouvriers, c'est-à-dire les meilleurs des républicains ? S'imaginent-ils que c'est impunément qu'on prodigue au prolétariat menaces, défis et coups ? S'imaginent-ils que c'est impunément qu'on traque les organisations syndicales, qu'on use du knout out du lebel et qu'éclatent scandales sur scandales, que se dévoilent infamies sur infamies ?

Ah ! vous vous effrayez de la propagande napoléonienne ! Il est bien temps. Il ne fallait pas, pas vos reniements, par vos turpitudes, par vos canailleries créer cette ambiance de scepticisme et de lassitude propice aux coups de force. Il ne fallait pas provoquer à l'égard du régime républicain cette désaffection que vous constatez enfin et qui en effet sera votre perte. Les prétendants s'agitent, deviennent dangereux. Si vous étiez restés honnêtes, ils seraient restés inoffensifs. Vous avez donné la nausée à tout le monde. Vous avez rendu indifférents les plus enthousiastes et avachi les plus énergiques. Vous avez fait de la République une caverne de voleurs. Vous vous êtes vendus à tous les escarpes pourvu qu'ils maniassent bien la cravache ou fissent abandon avec vous d'un passé trop vertueux et par conséquent trop compromettant. Vous avez piétiné vos plus solennelles promesses, déchiré vos plus authentiques engagements, renié vos paroles les plus sacrées. Si toutefois il y a jamais eu pour vous quelque chose de sacré. Ce n'est pas le règne de la démocratie, c'est celui du Vidangisme. Et vous êtes surpris qu'on se bouche le nez et qu'on demande à respirer de l'air pur !

Ah ! tenez ! si nous ne savions que les changements politiques ne changent au fond rien du tout et que nous serions sous un autre gouvernement, Gros-Jean comme devant; si nous n'avions d'autre part aucun remède à cette situation de jour en jour plus intenable ; si nous n'étions pas, en un mot, socialistes, nous souhaiterions presque la réapparition de ce petit chapeau qui effraie tant votre Comité exécutif.

Vous avez besoin d'un maître et d'un maître absolu, qui vous dompte, qui vous mate et qui débarrasse le pays de votre engeance malfaisante.

Vous vous plaignez de ce que les classes populaires aiment de moins en moins la République !

Pourquoi donc avez-vous ravalé la République au rang des plus détestables autocraties ? Est-ce la faute du Parti socialiste, est-ce la faute de la C. G. T. si, de déchéance en déchéance, vous en êtes arrivés à faire désirer, par un trop grand nombre, un dictateur ?

Vous parliez de liberté et vous avez étranglé toutes les libertés ; vous parliez d'égalité et l'égalité ne peut pas exister dans votre régime capitaliste qui est le régime de l'exploitation de l'homme par l'homme ; vous parliez de fraternité et votre fraternité s'est traduite par des massacres de travailleurs français ou d'indigènes asiatiques et africains ! La République devait être le gouvernement de la vertu et chaque jour voit éclore un scandale, du Panama au Paraguay en passant par Thérèse Humbert et les concessionnaires tunisiens pour aboutir à Flachon !

Ce qui nous surprend, nous, ce n'est pas que le peuple commence à en avoir assez ; c'est qu'il n'ait pas déjà jeté par dessus bord toute la séquelle qui l'opprime et le dévalise.

O radicaux de mon cœur, vous n'avez plus qu'une chose à faire : décamper, rentrer dans le néant, nous délivrer de votre pestilentielle présence. Ou bien alors faites votre examen de conscience. Et qu'il soit sincère. Reconnaissez toutes vos fautes, toutes vos trahisons, toutes vos lâchetés, tous vos crimes. Pieds nus, en chemise et la corde au cou, allez à Canossa. Mea Culpa ! Mea Culpa !

Il vous sera peu pardonné parce que vous avez trop péché.

Raoul Verfeuil

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Commentaires
M
non pas une supplique, ( à qui?) encore moins une prière, mais un souhait .... que ce texte soit lu par nos radicaux Tarn et Garonnais.
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