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Vie de La Brochure
11 septembre 2014

La mort est réactionnaire

viva la muerte

Est-ce seulement par anti-franquisme viscéral que Manuel Vazquez Montalban a répété cette phrase : la mort est réactionnaire ? Mais pourquoi certains se sont-ils mis à crier en 1936 : Viva la muerte ? Pour ces derniers, extirper le communisme (qui en 1936 était très faible en Espagne) méritait tous les sacrifices. Or les adeptes du sacrifice dépassent le cadre circonstanciel de la guerre d’Espagne prouvant par la même que la réaction de Manuel est beaucoup plus globale.

Précisons tout d’abord que l’écrivain catalan n’est en rien l’homme d’une posture. Quand il écrit que la mort est réactionnaire, il écrit aussi sa propre vie, son autobiographie qu’il veut si ordinaire qu’elle n’a qu’un intérêt, celle d’être la vie de tout un chacun. Sa phrase dit une façon concrète d’affronter la mort : suractivité et bonne chère, deux attitudes qui accélèrent… l’heure du décès.

Sur ce point Vazquez Montalban rejoint par exemple Jule Vallès. Quand Léon Cladel, victime de la même maladie que lui, l’implore de se soigner pour gagner le temps d’écrire un nouveau chef d’œuvre, Vallès lui répond que vivre ce n’est pas gagner du temps mais, bien utiliser son temps.

Pointons une différence entre Jules et Manuel : Vallès a pu fuir la France après le massacre de la Commune, mais la famille de Manuel n'a pu fuir l'Espagne après le massacre de Barcelone ? Il a donc été obligé de composer avec son adversaire !

Aussi, quand Montalban crée Pepe Carvalho, il crée un homme qui peut quitter l’Espagne très tôt, pour la Grèce, la France ou les USA (jusqu’à y devenir garde du corps de Kennedy) mais qui finalement revient dans son pays natal au moment où enfin le romancier peut partir pour la France !

 La question du rapport à la vie et à la mort nous conduit aux rapports avec les religions, où la question est là aussi contradictoire. D’un côté le suicide est interdit mais de l’autre le sacrifice est valorisé ! D’où l’adjectif « réactionnaire » appliqué à la mort pour dire que bien sûr l’essentiel, ce n’est ni la vie ni la mort, mais ce que l’on fait de sa vie… et de sa mort. Quand des fanatiques religieux peuvent se jeter dans la mort car ils se savent protégés pour le restant de leurs jours dans l’au-delà, « le bon vivant » devient une cible facile !

 Notre société capitaliste se trouve malade de son système économique qui engendre… la peur de la mort d’où, à mes yeux, ses rapports seulement intermittents avec le fascisme. Ce système du «confort» relatif devient, comme dans toutes les civilisations avancées (je n’entre pas ici dans les causes dramatiques de cet avancement), son lit de mort ! Le débat sur l’euthanasie devient symbolique de l’état du politique ! Si on appelle vivre le fait de devenir « un légume » (et sans le moindre mépris pour les légumes) alors la société introduit la mort au sein même de la vie, et aboutit à son propre suicide. Suicide qu’elle alimente par ailleurs en favorisant l’infantilisation générale !

 Vazquez Montalban a bénéficié des services de la médecine sans lesquels il serait mort sans doute plus tôt, mais il a en même temps souhaité conserver sa propre liberté d’usage de la médecine. Car finalement le statut du médecin est le symbole majeur d’une société, d’où le fait symbolique que chez Molière on trouve le Médecin malgré lui ou le Malade imaginaire. Une société finissante a tendance à en finir avec ses médecins ! Par deux moyens : elle ouvre la voie aux charlatans, elle fait du médecin celui qui doit soulager le mourant ! Et nous sommes alors au bord de la catastrophe car humainement les médecins sont dans le même bateau à la dérive !

 Pour lutter il faut alors en revenir à ce constat politique : « la mort est réactionnaire ! ». Constat qui peut conduire à plusieurs types d’hygiène de vie mais en aucun cas à celle de «l’écologie» florissante. Vazquez Montalban a été un écologiste de la première heure car il a vécu le fait qu’il était inutile d’expliquer au peuple le recyclage ! Tout est bon dans le cochon… Celui qui n’avait rien, pouvait faire quelque chose de ce rien ! Sauf que la société a évolué jusqu’à rendre obsolète le peuple lui-même, qui a fini par choisir comme passe-temps d’errer dans les supermarchés ! Pour en arriver à consommer toujours plus et mal, il fallait que le peuple ne sache plus faire quelque chose de rien ! Conséquence pratique : il est fabuleux de voir tout ce que les pays pauvres peuvent faire avec les déchets des pays riches, qui ont pourtant leurs pauvres, eux aussi ! Et, conséquence de cette évolution, pour des forces des gauches variées, la revendication : « il faut augmenter le pouvoir d’achat », revendication qui ne représente rien d’autre que le pouvoir de consommer une vie vidée de toute vie, une vie rendue à l’état de légume ! Non, je ne plaide pas pour le droit à la misère si magnifiquement exprimé par le proverbe le plus nul que je connaisse : « L’argent ne fait pas le bonheur ». Je plaide pour une lutte sur les deux plans : acheter et consommer !

Vazquez Montalban a été un écologiste de la première heure pour mieux refuser la dictature de l’hygiène de vie écologiste ! Dans le marxisme classique « augmenter le pouvoir d’achat » c’est prendre aux propriétaires des moyens de production la plus grande part possible de la plus-value créée par les ouvriers, et jusque là tout va bien, mais aujourd’hui il y a une question subsidiaire : pour faire quoi de ce pouvoir d’achat ? Les propriétaires des moyens de production sont devenus aussi forts pour exploiter le consommateur que le travailleur !

C’est parce que la mort est réactionnaire qu’il faut dénoncer le productivisme qui n’est qu’une vie frelatée avec par avance une date périmée de consommation ! Les associations de consommateurs, à qui se je rends hommage, sont une bonne chose pour diminuer les dégâts du système mais il reste à le changer !

 Vazquez Montalban a écrit, à tout bout de champ et à tout bout de chant, sans jamais rêver à une postérité si chère à tous les sacrifiés de la terre et de l’histoire. Dès sa jeunesse, il a pu s’unir avec des chrétiens qui pensaient de même, car il existe aussi un sens du religieux qui n’a que faire du sacrifice !

Dois-je en conclusion rapprocher « la mort est réactionnaire » de la formule du Front populaire : « la vie est à nous » ? C’est encore une autre aventure. Jean-Paul Damaggio.

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