André Tabarly dit Tatave est mort
Ce copain de l'Ecole normale, je l'ai croisé très souvent car comme moi, il était attaché au Tarn et Garonne, après un séjour en coopération au Soudan pendant que j'étais aux USA.
Je ne sais pourquoi on l'appelait Tatave mais je sais que nous étions le produit du même moule, celui des fils de petits paysans à qui l'école offrait le métier qui pouvait le mieux leur coller à la peau, le métier d'instit. Il venait de Servanac où nous avions été nombreux à fêter son départ à la retraite, dans l'école de son enfance devenue salle des fêtes.
Et l'Ecole normale devenait un moule qui ne pouvait que confirmer les principes de base de cette génération populaire dont je crains qu'on ne comprenne jamais les mérites qui furent les siens.
Chaque génération, chaque moule a ses mérites comme celui créant des enfants d'enseignants, de médecins ou de musiciens. Pour des enfants de petits paysans, je prétends que les conditions premières de leur vie c'est celui de l'indépendance, de la pensée propre, de la méfiance vis à vis de toutes les hiérarchies. Pas pour tous bien sûr, car il n'y a aucune fatalité dans la vie, mais pour André et moi-même c'était le cas.
Et la vie a fait que nous nous sommes retrouvés instits remplaçants les collègues partant en stage. Avec la même inspectrice qui n'aimait pas notre façon de vivre, peu soucieuse de son existence, n'ayant de comptes à rendre qu'aux élèves que nous croisions.
Tatave a tant fait pour le Spiridon, cette association qui voyait dans le sport un univers loin de la folie de la compétition, non pas contre la compétition, mais promouvant d'abord la solidarité, la fraternité.
Tatave, à la retraite, est devenu un voyageur et c'est le plaisir d'un voyage en Equateur qui, suite à un accident, l'a conduit au tombeau. L'Equateur, ce pays si beau que j'aime tant !
Tatave était gentil, généreux, et il était la prudence même ce qui rend cet accident encore plus incroyable.
Comme souvent quand quelqu'un disparaît, il reste des regrets et pour moi celui-ci : je voulais savoir tout ce qu'il avait appris de tant de voyages fait sans le titre de globe-trotters et de toute façon sans titre aucun. Ce qu'il savait de la vie, il était le seul à la savoir car il a emprunté les routes qui n'étaient pas celles de l'aventure pour l'aventure mais celle des hommes pour les hommes.
Je n'arrive pas à y croire, il nous laisse orphelins !
Jean-Paul Damaggio