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Vie de La Brochure
2 janvier 2015

Une poésie de Maurice Rollinat ami de Cladel

La petite sœur

 

En gardant ses douze cochons

Ainsi que leur mère qui grogne,

Et du groin laboure, cogne,

Derrière ses fils folichons,

 

La sœurette, bonne d'enfant,

Porte à deux bras son petit frère

Qu'elle s'ingénie à distraire,

Tendre, avec un soin émouvant.

 

C’est l'automne : le ciel reluit.

Au long des marais de la brande

Elle va, pas beaucoup plus grande,

Ni guère plus grosse que lui.

 

Ne s'arrêtant pas de baiser

La petite tête chenue,

Sa bouche grimace, menue,

Rit à l'enfant pour l'amuser.

 

Elle lui montre le bouleau ;

Et lui dit : « Tiens ! ta belle glace ! »

Et le tenant bien, le déplace

Pour le pencher un peu sur l'eau.

 

Et puis, par elle sont épiés

Tous les désirs de ses menottes ;

Elle chatouille ses quenottes,

Elle palpe ses petits pieds.

 

Sa chevelure jaune blé

Gazant son œil bleu qui l'étoile,

Contre le soleil fait un voile,

Au baby frais et potelé.

 

Ils sont là, parmi les roseaux,

Dans la Nature verte et rousse,

Au même titre que la mousse,

Les insectes et les oiseaux :

 

Aussi poétiques à l'œil,

Vénérables à la pensée !

Double âme autant qu'eux dispensée

De l'ennui, du mal et du deuil !

 

Par instants, un petit cochon,

Sous son poil dur et blanc qui brille.

Tout rosâtre, la queue en vrille,

Vient vers eux d'un air drôlichon.

 

Il s'en approche, curieux,

Les lorgne comme deux merveilles,

Et repart, ses longues oreilles

Tapotant sur ses petits yeux.

 

Et puis, c'est un lézard glissant.

Ou leur chienne désaccroupie.

Eternuant, tout ébaubie,

Pendant son grattage plaisant.

 

Alors la sœur dit au petiot

Dont l’œil suivait un vol de mouche :

« Regarde-la donc qui se mouche

« Et qui s'épuce - la Margot ! »

 

Au souffle du vent caresseur

Chacun fait son bruit monotone

Ce qu'elle dit - ce qu’il chantonne

Même vague et même douceur !

 

Entre des vols de papillons

Leur murmure plein d'indolence

S'harmonise dans le silence

Avec la chanson des grillons.

 

Mais le marmot que le besoin

Gouverne encore, à son caprice

Crie et réclame sa nourrice

En agitant son petit poing.

 

Ses pleurs sont à peine séchés

Qu'il en reperle sur sa joue…

La sœurette lutine et joue

Avec ces chagrins si légers.

 

A mesure qu'il geint plus fort.

Que davantage il se désole

Sa patience le console

Avec plus de sourire encor.

 

Le tourment de l'enfant navré

A grossi les larmes qu'il verse…

Elle le berce - elle le berce.

Le pauvre tout petit sevré !

 

Elle l'appelle « son Jésus ! »

Le berce encore et lui reparle.

Tant qu'elle endort le petit Charles.

Mais l’âge reprend le dessus.

 

Elle est fatiguée, elle a faim.

Elle va comme une machine,

Renversant un peu son échine

Sous ce poids trop lourd à la fin.

 

L'enfant recommence à crier

Sa sœur met sa force dernière

A le porter - taille en arrière

Que toujours plus on voit plier.

 

C'est temps qu'il ne dise plus rien !

Sur sa capote elle le pose,

Et pendant qu'il sommeille, rose,

Elle mange auprès, va, revient,

 

D'un pied mutin, vif et danseur.

Et quand le petiot se réveille,

Il retrouve toujours pareille

La Maternité de sa sœur.

 

Maurice Rollinat

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