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Vie de La Brochure
13 janvier 2015

Pourquoi l'islam politique ?

charlie

 Bien sûr, il est toujours difficile de fixer un point de départ mais l'islam politique a grandi dans les deux vides qui apparaissent au tournant des années 1980 : le capitalisme qui détruit tout, et le socialisme soviétique qui n'est plus une solution, du jour où il envahit l'Afghanistan (la phase terminale de sa crise). Auparavant, une forme d'islam politique a toujours eu pignon sur rue en Arabie Saoudite avec la bénédiction de quelques pays comme les USA.

L'histoire nouvelle se joue en Iran. Comme les Mollah chassent le Shah et donc les USA, ils obtiennent le soutien d'une partie de la gauche sans comprendre qu'il n'y a aucune alliance possible avec l'islam politique. Résultat si la dictature du Shah fut féroce, celle de l'islam politique le sera mille fois plus car ce n'est pas seulement les opposants qui sont emprisonnés (les membres du Parti communiste d'Iran qui avaient survécus furent tous éliminés) mais le pays tout entier.

Or il n'y avait aucune fatalité à la victoire de Khomeiny : la gauche iranienne était puissante mais peu solidaire et les nouvelles autorités surent en éliminer une partie (les Moudjahidine) puis l'autre (le parti Toudeh). Malgré cette situation toute une partie de la gauche française (y compris le Monde diplomatique) a classé l'Iran islamiste parmi les pays impérialistes alors que rien n'a été fait pour la justice sociale et encore moins pour la liberté.

Pour mieux faire la joie de l'islam politique, les USA ont décidé de s'appuyer sur lui pour chasser l'URSS d'Afghanistan. Et on sait ce qui s'est passé : cet islam politique s'est tourné ensuite… contre les USA. Il arrive souvent que les élèves veuillent dépasser les maîtres.

Après la chute de l'URSS des fous de dieu sont revenus dans leurs pays dont un, devenu fragile, l'Algérie. Et le scénario recommence au sein de la gauche : si l'islam politique gagne les élections, le pouvoir aurait dû s'incliner. En Algérie comme en Iran, la chute dans l'islam politique n'était pas inévitable : les manifestations qui ont fait tomber les militaires en 1988 étaient des manifestations pour la liberté. Les fous de Dieu n'ont pas été le produit du coup d'Etat militaire mais ont provoqué ce coup d'Etat.

Au même moment, en Palestine, Israël a décidé de soutenir indirectement le Hamas pour diviser les Palestiniens. A chaque fois qu'une solution de paix a pointé son nez, les extrémistes des deux camps se sont donnés la main. On sait très bien comment le Hamas a volé la bande de Gaza étant entendu que là aussi, les forces démocratiques autour de l'Autorité palestinienne n'ont pas su être à la hauteur (je pense à la corruption).

L'islam politique des années 90 s'est développé, s'est diffusé partout dans le monde sur la base d'une inversion de sens du mot liberté : la liberté c'est celle du renard dans le poulailler. Cette inversion était d'autant plus facile que sur le plan économique elle est celle du système appelé "Occident". La liberté de la presse c'est une valeur de l'Occident, les droits des femmes aussi, donc, contre ces valeurs, il faut en revenir à la liberté de base : la liberté c'est de pouvoir juger les musulmans dans des tribunaux islamiques, la liberté c'est de pouvoir voiler même les enfants.

 Les « fous de dieu », terme dont je me méfie, savent ce qu’ils veulent et où ils vont, mieux que leurs adversaires. Ils savent que dans le vide laissé par la crise générale, ils peuvent s’infiltrer plus facilement pour calmer les douleurs, pour soulager les inquiétudes ; ils peuvent cibler ou ne pas cibler leurs victimes, dans tous les cas ils suscitent le chaos des références, pour devenir les sauveurs. Car la vie n'a pour eux aucun intérêt.  Il faudrait dire les « sauveurs de dieu » plutôt que les « fous de dieu » car il est trop facile de les classer parmi les fous ou les monstres, pour se dire que finalement nous sommes le bon sens et la paix. Sans vouloir jouer du double sens de « sauver », je prétends que le fascisme commence quand on se sauve devant leurs menaces ! On se sauve et il devient « le sauveur » ! Hitler n’était ni un monstre, ni un fou. A Charlie ils étaient sans doute poussés à frapper fort quand ils constataient, jour après jour, la lâcheté ambiante qui était d'autant plus grave qu'elle était autant de droite que de gauche !

 Je ne vais pas faire la liste des différents que je peux avoir avec ce journal (elle est aussi longue qu'avec Le Figaro ou l'Humanité) mais ils ne peuvent me faire oublier qu'ils ont pratiqué la liberté d'expression dans la solitude. Les critiques sont toujours là :

- Ils ont dénigré Mahomet pour flatter une partie de l'opinion n'aimant pas l'islam. Comme cette partie vote plutôt FN c'est une collusion indirecte entre les deux extrêmes. Parce que le FN dénonce l'islam il ne faudrait pas dénoncer l'islam politique ? C'est alors au contraire laisser libre cours aux thèses du FN.

- ils ont dénigré Mahomet car ça faisait grimper leurs ventes.

- Ils ont dénigré Mahomet pour détourner les regards des vrais problèmes sociaux. Car les sauveurs de dieu eux, pensent aux problèmes sociaux ?

- Ils ont dénigré Mahomet au moment justement où il fallait se taire pour ne pas mettre de l'huile sur le feu. La France plutôt qu'une loi sur les signes religieux aurait dû voter une loi pour interdire le blasphème ! Pour l'islam politique, une seule loi votée dans leur sens, valide leur combat !

- Ils insultaient l'islam dans le confort de leur bureau, sous-entendu : s'ils vivaient dans les cités et leur misère ils auraient eu une autre regard. On sait depuis longtemps ce qu'il en a été du confort de leur bureau, des bureaux qui furent victimes des flammes sans aucun soutien. Au contraire, par le moyen de la justice on a tenté de les faire taire et si on fait le bilan des procès ils représentent en moyenne depuis la naissance de Charlie, un procès tous les six mois !

 Mais pourquoi, aujourd'hui, autour de Charlie le bal des hypocrites va bon train ?[1] Lesquels hypocrites ? Je fais confiance à Charlie de demain pour les dénoncer ! J'ai eu un exemple venu d'Italie : les dirigeants de la Ligue du Nord osent déclarer dans une vidéo qu'ils regrettent que l'Italie n'ait pas son Charlie car, eux qui ne connaissent pas le journal, croient qu'il a seulement dénoncé les fous d'Allah ! Olivier Manchon publie donc la vignette que je reprend en rappelant qu'en Italie le mot laïcité est pratiquement interdit ! Ce sont des musulmans qui demandent sans succès à ce qu'on enlève les crucifix des salles des écoles publiques ! Une forme de laïcité est cependant présente dans le quotidien FattoQuotidiano où on peut y écrire des chroniques contre et pour Charlie, une pratique qui permet à ce quotidien nouveau, d'exister. Il table sur l'intelligence des lecteurs qui peuvent se faire leur propre opinion quand, dans les journaux habituels, on tient des discours unilatéraux.

 Comme je n'attends aucun cadeau des défenseurs du système, ils ne me déçoivent jamais, par contre, les forces progressistes et leur lâcheté (je pense au film de Nadia El Fani qu'il a été de bon ton de juger trop sévère envers l'islam politique[2]) me semblent éloignées de valeurs populaires toujours ancrées dans la conscience citoyenne comme celle de la laïcité. Jean-Paul Damaggio


[1] Ce n'est pas parce qu'il y avait 50 chefs d'Etat que des millions de gens ont manifesté, mais c'est parce qu'il y avait des millions de manifestants que les 50 chefs d'Etat sont venus chercher un brevet de bonne conduite. A Toulouse les 150 000 manifestants c'était avant la manif de Paris.

[2] Je vais mettre un article à son sujet.

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Commentaires
L
Nous sommes dans un monde où toutes les questions traversent toutes les formations politiques. Le débat est d'autant plus vital pour se comprendre. Donc merci pour ce mot; Jpd
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A
Chapeau pour cette analyse. Nos amis de la gauche de la gauche et certaines brebis bêlantes du PS devraient lire votre article. Tout est dit. Cependant, méfions nous des petits coins que certains musulmans essaient d'enfoncer dans la laîcité. J'en ai assez d'entendre adjoindre des adjectifs au mot laîcité. Ce mot a un sens que certains feraient bien d'apprendre
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