Bayrou, Saint-Antonin, 1938

Voici un article utile. Pierre Bayrou a toujours été à la fois proche des socialistes et des communistes. En 1938 il est très présent dans la presse socialiste du Tarn et Garonne mais ici il est dans la presse communiste. Il est bien placé pour faire l'éloge de Saint-Antonin. Il est en fait le président de la société locale qui fait tant et plus pour sa commune. La Grotte du Bosc, c'est lui. Le musée c'est lui. L'Auberge de Jeunesse, c'est lui. Lui avec d'autres certes comme l'instit Paul Darasse déjà communiste.

Jean-Paul Damaggio

Regards 1 septembre 1938

Saint-Antonin

Il reste encore quelques coins de France, d'un pittoresque grandiose ou charmant, et dont la ruée des snobs n'a pas troublé l'originelle pureté. Parmi ces oasis de silence et de paix, nous recommandons vivement la petite ville de Saint-Antonin, en Tarn-et-Garonne. A 45 km. de Montauban, elle est située dans un évasement de l'âpre canon creusé par l'Aveyron dans les causses du Rouergue. Sur les hauteurs, ce sont les mornes étendues des « grèzes », mouchetées de genévriers, de buis, de chênes nains — de « chênes en quenouilles » comme dit Emile Pouvillon qui a tant aimé ce pays. Surplombant la rivière, ce sont les lisses falaises de calcaire qui s'allongent en frontons blancs, tel ce Roc d'Anglars, qui domine Saint-Antonin d'un abrupt de 200 m. Contrastant avec les vallons verts où l'alignement des peupliers en sveltes flammes domine les saules pensifs, ce sont les vallées sèches, toutes vibrantes de cigales, où luit parfois, si frais, si pur, le puits bleu d'une fontaine. C'est le pays des «igues » ou avens, des grottes dont quelques-unes sont célèbres — telle la grotte du Bosc, récemment découverte et aménagée par une société d'études locales, et qui compte au nombre des grottes-bijoux, ornée de concrétions d'une extrême magnificence.

Ceux qu'intéressent la pêche doivent savoir que l'Aveyron et ses petits affluents sont particulièrement poissonneux. Les collines escarpées, les fourrés impénétrables des penchants sont, à proximité des plateaux et des vallées fertiles, des réserves abondantes en perdreaux rouges lapins, lièvres — bécasses à la saison.

Les touristes curieux d'histoire savent certainement l'intérêt archéologique que présente la vallée où s'ouvrent tant d'abris-sous-roches, les plateaux qui portent tant de dolmens ou de tumuli, le bourg lui-même enfin, dont l'origine remonte au moins au IXe siècle, qui fourmille de souvenirs lapidaires de tous les âges, parmi lesquels brille le fameux Hôtel de Ville du XIIe siècle, que signalent tous les manuels d'histoire. Au reste, une société locale de spéléologie et d'archéologie y a installé un curieux musée aux remarquables collections de préhistoire, riche aussi en souvenirs du folklore local. Les membres de ce petit groupement sont à la disposition des visiteurs pour les informations de tout ordre.

Les amateurs de botanique verront se confronter ici, de part et d'autre de la vallée, des représentants inattendus des flores méditerranéennes et de montagne. Les géologues, qui rencontreront à St Antonin des confrères particulièrement informés, trouveront partout de quoi s'émouvoir et travailler.

Au bord de la rivière, à 2 kilomètres en amont de la ville, l'auberge de la jeunesse de Saleth offre l'asile de son silence et de ses ombres au pied d'un haut escarpement tout crépu de frondaisons. Ajoutons que le plateau d'Anglars, ou tragique « lapiez », où les pierres délavées, calcinées, blanchies, jonchant l'étendue comme d'antiques ossements, offre à l'amateur d'immobile silence l'occasion, de plus en plus rare, de féconds recueillements.

Venez donc, lecteurs, à Saint-Antonin. C'est un de ces lieux inspirés et encore intacts où vous découvrirez avec délices que, même matériellement, selon le mot du poète « il y aura toujours de la solitude sur la terre pour ceux qui en seront dignes".

Pierre BAYROU