Mottay et Damaggio à la Cave à lire

Aujourd'hui 26 février Emile Mottay présentait son livre "Le Bracelet", des souvenirs sur le débarquement en Normandie, avec Jean-Paul Damaggio qui présentait "L'Apostolat" de Raoul Verfeuil, au sujet du combat des pacifistes entre 1914 et 1918.

Le lien entre les deux tenait au fait qu'une guerre a entraîné l'autre, que Verfeuil en annonçant que le Traité de Versailles ne pouvait qu'alimenter l'esprit de revanche, avait raison. Ceci étant les deux guerres n'étaient pas de même nature. Et le pacifisme ne pouvait se répéter à l'identique.

En 1914-1918 des efforts de négociations, évoqués par les participants, ont pu avoir lieu et les accords entre la révolution russe et les dirigeants allemands ont prouvé que le drame aurait pu s'arrêter plus tôt. Entre 1939 et 1945 négocier avec Hitler était impossible. L'accord entre Hitler et Staline n'était qu'une façon pour l'URSS de reporter la guerre à plus tard, un intérêt pour la Russie qui cependant ne pouvait être bon pour la France. L'Angleterre qui aurait signé avec Hitler était sur une position différente.

Une participante a rappelé ce que beaucoup savent aujourd'hui : si les autorités politiques du monde (et surtout de France) avaient pris au sérieux le livre d'Hitler, l'histoire du monde aurait pu être différente. La France n'avait pas à suivre l'Angleterre dans la non intervention en Espagne.

 Etions-nous loin de la littérature ?

Emile raconte ses souvenirs d'enfants en1944. Verfeuil raconte ses souvenirs de militants entre 1914 et 1920. La littérature permet d'appréhender les grandes questions à partir de la chair qui est celle de chacun. Et la soirée a permis à chacun d'apporter sa propre "chair". Sans oublier l'actualité car s'il apparaît évident aujourd'hui que l'histoire est en partie un engrenage, surtout quand la violence s'en mêle car la violence appelle la violence, que peuvent engendrer les décisions politiques d'aujourd'hui ?

 Dans les deux cas chacun des deux livres veut témoigner en faveur de la paix mais qu'est-ce qu'un pacifiste ? Emile indique : "Face à la barbarie, on ne peut laisser faire". Comment décider entre le discours des "va-t-en guerre" et celui des "va-t-en paix" ? "Munich" a été à nouveau évoqué. Et le rôle de l'école qui avant 1914 a tout fait pour inciter à la haine envers les Allemands, et qui ensuite, pour ne pas répéter les mêmes erreurs a prôné une paix qui était une démission si bien que le syndicat des instituteurs en 1940 a célébré le Maréchal ?

 Très vivant également l'échange sur la vision que les USA avaient du débarque-ment. Emile a vu ce qu'il en a coûté à des milliers d'hommes d'affronter l'armée nazie. Mais en même temps la hiérarchie militaire nord-américaine se voyait prête à installer des gouverneurs qu'elle sortait de son chapeau par manque de confiance envers la Résistance, ou au contraire pour doubler la Résistance. Les stratèges des USA n'avaient qu'une idée : arriver à Berlin avant l'URSS et tant pis s'il fallait passer à côté de Paris ! L'écrivain Tony Hillerman, dans ses souvenirs, explique les idioties de l'Etat-major US tout en étant un admirateur de son pays.

 Emile précise que même avec l'horreur, son livre porte aussi l'humour. C'est moins le cas chez Verfeuil qui au cœur de la bataille a failli se faire lyncher parce qu'il appelait à la paix. Jaurès a payé de sa vie son engagement. Il n'a pas été tué par un homme mais par une opinion publique, celle qui voulait envoyer Dreyfus à la potence qu'il ait été ou non coupable. Celle qui était intoxiqué par "l'abrutissoir" de la presse. Qui peut aujourd'hui imaginer la création du journal pacifiste : Le Populaire ? Qui va même devenir quotidien ? Et la création par Pierre Brizon de La Vague ? Et ensuite la douleur de l'incompréhension entre les Soviétiques qui connurent la guerre après la guerre, et eux qui voulaient la paix et le socialisme ?

 C'était les dernières présentations des Editions La Brochure qui ont cessé de publier des livres (elles continueront pour des petites brochures et pour l'ASPC) et il faut ici remercier La Librairie Deloche qui a accepté de soutenir nos efforts.

Merci à la dizaine de participants. Jean-Paul Damaggio