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Vie de La Brochure
27 avril 2015

Démocratie et le double langage : exemple B. Barèges

Autant que le clientélisme étudié dans un article précédent, le double langage est inhérent à la démocratie. D’un côté il s’agit d’actes concrets, et de l’autre de discours. Le double langage tient aux contradictions propres à la politique entre la tactique et la stratégie, entre les fins et les moyens, entre le possible et le souhaitable, entre la compétence et l’incompétence.

Je vais prendre un exemple ordinaire à partir d’un propos de Brigitte Barèges aimablement interrogée par La Dépêche, le lendemain du second tour des municipales de 2001 :

« Je suis pas essence contre le cumul et aussi contre le renouvellement des mandats. La politique restera un passage passionnant de ma vie. Maire de Montauban, ça va suffire, professionnellement je me réorganise mais je ne mets pas mon métier entre parenthèse, je vais prendre un nouveau collaborateur. » La Dépêche Mardi 20 mars 2001.

 Une semaine avant toujours dans La Dépêche du 13 mars 2001 : « Je n’ai pas d’appétit politique. Je pense qu’il ne faut pas faire plus de deux mandats pour ne pas s’enraciner. Si je suis élue Maire de Montauban, ça sera à plein temps. On me parle déjà des législatives. Si dimanche, le score ne nous est pas favorable, je ne cache pas que ce rendez-vous m’intéresse, mais je ne me positionne pas dans cette perspective. »

 Depuis 2001, Brigitte Barèges est devenu députée en 2002 réélu en 2007, puis réélue à la mairie en 2008 et élue conseillère régionale en 2010. Le temps que cette dernière élection soit validée elle a occupé trois mandats pour ensuite se conformer à la loi en gardant celui de députée-maire. Rééelue à la mairie pour un troisième mandat. Comme souvent, elle a accepté celui de président de l’intercommunalité allant avec sa ville, le Grand Montauban.

 Etait-elle sincère en 2001 ? Là n’est pas la question. Le double langage n’est que secondairement un acte délibéré. Roland Garrigues, qu’elle bat en 2001, avait lui aussi dit en 1995 : « je serai un maire à temps plein » et s’était fait élire député en 1997 !

 « L’appétit vient en mangeant » dit le proverbe et c’est généralement vrai pour l’appétit de pouvoir. Tous les observateurs savent que pour gagner une élection il est préférable d’en avoir gagné une auparavant…

 Dans l’exemple que je donne, le but du discours est de faire valoir une compétence (la disponibilité) contre l’incompétence supposée de l’adversaire.

Le double langage a pris de l’ampleur au fur et à mesure que le langage de la vie perdait son sens ! C’est l’explosion publicitaire et celle du marketing qui a conduit à la promotion du double langage, par la priorité donnée à l’emballage sur le contenu, à l’image sur les idées, à la petite phrase sur l’argumentation. Dans une démocratie, le discours politique est le sismographe le plus clair, le plus parlant et le plus crucial de l’état du langage global. Quand les politiques usent à haute dose du marketing, en retour le marketing est validé comme activité globale dans la société. Le double langage politique est la justification majeure du double langage général ! En démocratie, les tares de la démocratie ont des conséquences dans tous les secteurs de la société.

Quand les politiques parlent « d’une équipe municipale », ils empruntent une image au sport qui en retour est doté d’une valeur générale, le bien fondé du travail en équipe. Le double langage n’est le signe distinctif d’aucun candidat, d’aucune morale.

Le candidat, mais l’élu aussi, ne va réussir que s’il sait user du double langage. Il s’agit de pouvoir dire tout et son contraire pour faire plaisir à un vaste public. Mais le discours politique ne peut s’arrêter là car alors il risque de friser le ridicule.

Pensons à François Mitterrand qui décide d’annoncer une mesure pas très populaire : l’abandon de la peine de mort. Il le dit, il le fait et ce n’est pas du double langage. Simplement, pour valider des éléments de double langage, le politicien astucieux se doit de tenir quelques éléments de vérité dans le discours.

 Il y a un discours classique utilisé par des candidats parfois opposés : « En votant pour moi, vous votez pour vous ! ». Là, il s’agit presque de démagogie et il faudrait étudier la distance qui sépare double langage et démagogie ou double langage et mensonge.

 Le double langage étant du domaine du discours, pour le limiter, le contrecarrer, le ridiculiser, il faudrait redonner aux études historiques toute leur place, et aux médias tout leur mordant.

 Prenons l’exemple du religieux. Si au moment du vote l’appartenance religieuse a de l’importance alors le candidat protestant va faire des promesses plus importantes à l’électorat catholique et inversement. Le double langage est un discours d’adaptation à une perception de la réalité, quand le fondement du politique consiste depuis longtemps à changer la dite réalité. En bien ou en mal c’est selon, mais dans tous les cas aucun candidat ne dira : « Votez pour moi et c’est sûr le droit à la retraite va baisser. » Ce candidat pourrait viser l’électorat jeune mais il est toujours dangereux de prendre le risque de gagner d’un côté, plus qu’on va perdre de l’autre. C’est ce que le conseiller en communication a le devoir d’analyser.

Il est entendu que l’opinion n’aime plus le cumul des mandats alors il faut se positionner contre… tout en sachant qu’il reste loin du mot à l’acte.

 Comme pour le clientélisme, à partir du moment où le double langage est étudié pour ce qu’il est, il est facile d’admettre la nécessités de lois qui peuvent seules, encadrer de telles tares de la démocratie. En se présentant pour ce qu’elle est, la démocratie peut devenir la démocratie.

Aujourd’hui avec l’ère des blogs qui sont le plus souvent « modérés » faites l’expérience en envoyant à un blog un commentaire que vous savez désobligeant par rapport aux idées prônées, pour y vérifier s’il est retenu. Ainsi vous pouvez pointer le double langage. Jean-Paul Damaggio

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Commentaires
P
Merci pour cette analyse, ces considérations dont il est agréable de se nourrir.<br /> <br /> Une petite anecdote au sujet de Barèges : j'étais montalbanais quand elle a décidé de se présenter aux législatives en 2002. Je me suis étonné et ai pu l'interroger par téléphone sur ce revirement, en lui faisant part de mon étonnement. Sa réponse fut très claire : c'est à Paris que tout se passe, et faire avancer les dossiers de Montauban ne peut se réaliser efficacement qu'en étant députée, donc à Paris. Je n'avais donc rien compris aux prérogatives et domaines d'interventions des députés, qui ne sont pas à l'assemblée pour proposer, discuter et voter les lois, mais pour faire avancer les affaires locales ! Cette réponse s'est accompagnée d'une question de Mme Barèges : qui vous envoie, de quelle organisation politique, syndicale ou autre êtes-vous le porte-parole ? Elle n'a sans doute jamais cru à ma sincérité quant à ma réponse toute simple : je vous interroge à ma seule initiative, représentant mon seul intérêt pour la chose publique. <br /> <br /> Une dernière considération personnelle. Je pense que la parole des politiques n'est pas soumise au quant-à-soi qui nous fait nous interroger sur la honte. Quand on n'est plus (ou pas) accessible au sentiment de honte que peut engendrer l'énormité, le ridicule, le mensonge, l'insincérité, tout devient possible. Ehonté et démocratiquement dangereux pourrait être des synonymes, et je serais bien aise si les élus pouvaient redevenir ordinaires en éprouvant de façon normale la honte que nous sommes nombreux à ressentir à leur place, si souvent.
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