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Vie de La Brochure
15 mai 2015

Guingouin, Limoges et quelques douleurs

guingouin

 Le vendredi j'élague mes archives et j'en sauve quelques pages. Celle-ci me renvoie à quelques douleurs - à cause du vendredi 13 ? - que j'évoque en commentaires. J-P Damaggio

 Humanité Vendredi 13 février 1998

Robert Hue à Georges Guinguoin :

«Nous mesurons le tort qui vous a été fait »

L'Humanité publie aujourd'hui une lettre de Robert Hue[1], adressée le 6 février, à Georges Guingouin, à Montgolfier, dans l'Aube où il réside. Ce courrier fait suite à l'intervention du secrétaire national, le 24 janvier, à l'occasion de l'ouverture des archives du PCF.

Georges Guingouin, «le préfet du maquis» , compagnon de la Libération, ancien maire de Limoges[2] (1945-1947), avait été exclu du PCF en novembre 1952. Jugeant cette mesure injustifiée, l'ancien instituteur[3], soutenu par plusieurs résistants et des intellectuels, demandait, depuis longtemps, réparation morale. Dans sa lettre, Robert Hue l'informe que la Commission nationale d'arbitrage, élue par le dernier congrès et dirigée par Francette Lazard, mène « un travail approfondi d'analyse sur les affaires et exclusions politiques ».

Le dirigeant communiste indique également au « chef du FTP du Limousin » que son parti «reconnaît la gravité du tort» qui a été fait à des femmes et des hommes comme lui[4]. Par ailleurs, « l'Humanité Hebdo », daté du 12 février, publie sous le titre « Moi, Georges Guingouin, premier maquisard de France, exclu du PCF », et sous la plume de Jack Dion, un long portrait de cet homme de quatre-vingt-cinq ans qui confie «Toute ma vie, j'ai souffert de la rupture entre les paroles et les actes au détriment de l'idéal proclamé.[5] »

Pour Christian Audoin[6], secrétaire de le fédération de la Haute-Vienne du PCF, qui s'exprime dans les colonnes de l'hebdomadaire communiste « L'ampleur et l'ambition de la mutation du communisme français se mesureront aussi à la qualité de l'acte de vérité historique et d'autocritique que le PCF doit au premier maquisard de France. »

Le 24 janvier, Robert Hue déclarait que « le temps n'efface pas les blessures »; que les communistes avaient « la responsabilité pressante de mettre en évidence ce qui s'est réellement passé, le poids des erreurs commises (...) »; que c'était pour eux « une obligation politique et morale ». C'est une question de «respect pour les personnes en cause», insistait le député d'Argenteuil, et une nécessité pour restituer «toute ses racines » à «la force communiste ».

« L'Affaire Guingouin » — comme on disait à l'époque en empruntant au vocabulaire des juges d'instruction — est l'une des plus obscures qu'ait connues le PCF. Informant de l'exclusion de celui qui était devenu pour tout le Limousin «le préfet du maquis », après avoir été « le Grand », « l'Humanité » du 11 novembre 1952, citant la fédération communiste de la Haute-Vienne, parlait de «désaccords politiques » et de «travail fractionnel ». Georges Guingouin était accusé « d'accepter sans protestation les éloges de toute la presse américanisée ». On insinuait, de plus, qu'il « tenait cachés des fonds importants ».

Ce n'était pas la seule « affaire » au PCF On en instruisait une autre contre deux dirigeants réputés, André Marty et Charles Tillon, dont Robert Hue a également évoqué les noms le 24 janvier. L'époque, il est vrai était trouble. L'armée française était embourbée en Indochine.---Cinq députés communistes étaient menacés d'être traduits devant un tribunal militaire à cause d'articles de « l'Humanité » soutenant «l'aspiration nationale du peuple algérién» L'Allemagne réarmait avec le soutien des Américains et de  leurs alliés. On craignait une troisième guerre mondiale, cette fois-ci -nucléaire.

Il était facile de justifier par «l'environnement» qu'on tranchât les désaccords par l'exclusion et l'insulte. A l'Est, d'ailleurs, Moscou animait une campagne contre le numéro un yougoslave, Tito[7], dont le parti avait été exclu du « Kominform » (1). La Hongrie et la Tchécoslovaquie étaient le théâtre de-terribles procès.

L'heure n'était nulle part à la transparence. Qu'y avait-il en cause, dans toutes ces «affaires » ? Quelle était la part de la politique et celle des hommes ? Sur quoi portaient les désaccords ? Quels enjeux, nationaux et internationaux, déterminaient chacun ? Quels mécanismes présidaient aux exclusions et jusqu'où allaient-ils ? Sur toutes ces questions, et d'autres, il faut faire la lumière. C'est le sens de la démarche qu'affirme poursuivre Robert Hue. «Dans le respect des fonctions spécifiques de la politique et de l'histoire.» Non pour que la première enterre la seconde, mais pour que la seconde donne à la première sa vérité.

BERNARD FREDERICK[8]

(1) Bureau d'information des partis communistes qui avait pris le relais de la III' Internationale dissoute pendant la guerre. Il cessera d'exister après le XXe Congrès du PCUS.

 La lettre du secrétaire national du PCF

« PARIS, le 6 février 1998,

Cher Georges Guingouin et, si vous me le permettez, cher ami,

« De nombreux communistes m'ont interpellé, notamment à la suite du discours que j'ai prononcé à Longlaville en présence de Maurice Kriegel-Valmiront[9], pour témoigner de votre histoire, celle du grand dirigeant de la Résistance, et des conditions de votre exclusion.

«J'ai été amené à dire, lors de l'ouverture des archives du PCF le 24 janvier dernier, l'obligation morale et politique que constitue pour les communistes la responsabilité de mettre en évidence ce qui s'était réellement passé en des périodes difficiles de l'histoire de notre parti. La Commission nationale d'arbitrage élue au congrès est en charge de mener un travail approfondi d'analyse sur les affaires et les exclusions politiques qui l'ont marquée afin que le Comité national s'exprime sur elles. C'est Francette Lazard, responsable de cette commission, qui est chargée de suivre ces questions et je tenais à vous en informer.

« Sans attendre les conclusions de ces travaux, je tiens à vous confirmer, à vous personnellement, combien le Parti communiste reconnaît la gravité du tort qu'il a ainsi fait à des femmes et à des hommes, et le tort qu'il s'est fait à lui-même. J'ai dit à Maurice Kriegel-Valmiront, et à travers lui à tous ceux qui ont vécu des épreuves identiques, que le PCF assume la totalité de son histoire et qu'il condamné sans appel les comportements qui ont douloureusement bouleversé la vie de nombre des siens. Nous savons quels procédés ont été utilisés et mesurons toute l'injustice que représente votre exclusion. Le reconnaître aujourd'hui n'efface certes pas les blessures mais je tenais néanmoins à vous le faire savoir, vous le chef des FTP du Limousin, et à vous exprimer ma très profonde considération.

« Persuadé que vous verrez dans cette démarche le témoignage de notre attachement au meilleur de l'idéal communiste, je vous prie d'agréer, cher ami, en mon nom et au nom de la direction du PCF l'expression de mes chaleureuses et sincères salutations.»

Notes ci-dessous de Jean-Paul Damaggio

[1] Robert Hue qui au nom de cet idéal communiste qu'il célèbre, avait ensuite proposé une liste "médiatique" aux européennes avec même Jean Ferrat ! Un échec comme celui de la présidentielle de 2002 aussi depuis, il est passé dans le camp de Baylet en tant que sénateur ! C'est beau...

[2] J'ai été trois fois à Limoges jamais pour faire la fête…

[3] Et oui, un instituteur….

[4] Et même à beaucoup de sans grades….

[5] Existe-t-il une souffrance plus grande ?

[6] Je l'ai entendu à Limoges et plus langue de bois que lui, ça doit être dur….

[7] Guingouin, un Tito français ?

[8] Son père achetait des légumes à mon père sur le marché de Caussade. En tant que journaliste il a eu des difficultés avec le PCF… et je me demande ce qu'il est devenu.

[9] Lui aussi a eu des problèmes avec le PCF. Je l'ai croisé parmi les rénovateurs communistes avec Claude Llabrès que j'ai croisé voici peu à l'oncopole de Toulouse..

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