Moretti, un traditionaliste

 Michele Serra, le 8 novembre 1985, interroge Nanni Moretti et à écouter ses réponses il lui demande : « N’as-tu pas peur d’être pris pour un traditionaliste ? »

Dans le même interview, Michele, ce militant bien connu de la gauche communiste, un humoriste qui a fondé Cuore rappelle au cinéaste qu’il vote communiste et pourquoi ?

Nanni Moretti était alors un communiste tendance Berlinguer car, par sa façon de parler, de s’habiller, de faire de la politique il n’était pas moderne sans guillemets…

Car Moretti est en effet un conservateur donc autant le dire un adversaire radical de Berlusconi !

Mais pourquoi un traditionaliste ?

Car il n’aime pas la vulgarité et d’abord celle des médias qui nous raconte ce qui n’est pas arrivé pour mieux faire oublier la réalité ! « Actualité est un mot dont j’ai horreur ».

Mais ceci étant traditionnaliste n’est pas le mot juste. Mais alors pourquoi, lui athée, as-t-il pris le costume d’un prêtre dans le film la messa è finita. Et d’un prêtre en soutane précise Moretti…

Est-il du côté de la tradition catholique ? « L’Italie est pleine de gens qui croient en Dieu mais pas dans les prêtres ! »

Chez les prêtres, Moretti retient l‘homme qui se met au service des autres.

Moretti, dans cette veine de la tradition, est un puritain. Une fois de plus évitons l’incompréhension.

Moretti a connu « el bel paese » qui n’était pas que beau mais au nom du progrès il a perdu même ce qu’il avait de beau !

Quand il tourne la messa è finita, c’est le bel paese qui est fini et il n’en fait pas une nostalgie.

 Michele Serra que j’admire commence ainsi son entretien :

« Elle me dérange »

Quoi ?

« La voix de cette femme à la table d’â côté. »

Ecoute Nanni, on est là depuis moins d’une demi heure et tu m’as déjà dit que les réalisateurs de télévision te dérangent, l’été romain, les journalistes, mes chaussures et les femmes qui écrivent sur le sport…

« Et j’ajoute que les hommes qui écrivent sur le sport ne plaisent pas davantage… »

Alors, c’est vrai, tu es un intolérant.

« Intolérant, non. Peut-être un peu maniaque. Regarde, dans le fond je suis bon. Seulement je suis un peu sévère. Je crois qu’il est juste d’être sévère. Avec les autres et surtout avec soi-même. »

 Nanni Moretti est aussi un traditionaliste car il est sévère. Il n’est pas du genre « il est interdit d’interdire » car il répondrait avec humour que c’est là un drôle… d’interdit. C’est comme ceux qui énoncent avec conviction cette vérité : « il n’y a pas de vérité ! »… sauf la leur !

 Alors la vulgarité c’est quoi : l’arrivisme, le cynisme et même les embouteillages.

 L’autre jour à la radio une femme interroge un savant quelconque et devance son mot en disant : « c’est vertical » et le savant quelconque de préciser, «oui c’est top-down». Insupportable, insupportable.

 Michele en arrive à ce constat : « Tu es étrange ». Nanni précise : « je suis personnel. Si tu veux une définition de mon cinéma, il est personnel. »

 Puis il termine : "Es-tu sûr de n’avoir rien oublié ? »

« Le jargon. Je ne supporte pas le jargon. C’est un signe de fermeture, de dépréciation envers les autres. Vous journaliste, vous l’utilisez toujours. A ce sujet, dimanche je te téléphone et tu me lis ce que tu as écrit. D’accord ? »

Non.

« Bien, alors c’est d’accord. Je te téléphone dimanche. »

 Moretti est vivant et nous rend vivant. Jean-Paul Damaggio

P.S. : A l'heure actuelle Michele Serra a sa petite chronique sur Repubblica, chroniques disponibles sur une page Facebook : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.397341043732451.1073741828.388541611279061&type=3