Retour sur Sol le Québécois
Voici la dédicace de Sol sur le disque pour Marie-France.
La tragédie est plus souvent universelle que la comédie. J'ai pu le vérifier et particulièrement un jour où l'ami Jacques nous avait invité à voir une pièce de théâtre de Michel Trembay à Montréal : parfois le public riait et nous ne savions pas pourquoi.
Transposer le clown Sol en France ne pouvait qu'être tâche difficile. D'autant que Sol n'était pas d'abord un clown mais d'abord un conteur usant des techniques du clown. Le texte ci-dessous peut avoir trente ans, il est plus que jamais d'actualité. Il peut être joué sous l'angle tragique mais Sol le joue sous l'angle comique. Ayant déjà évoqué la question, Jacques a apporté quelques compléments. Il en ressort que Sol reste inoubliable et il avait pu venir en France à un moment où le Quebec y était fortement présent (ce fut ça aussi le cri de De Gaille : Vive le Québec libre).
Il m'est arrivé d'écrire sur le passage à Montauban d'un continuateur de Sol, Fred Pellerin : ICI.
Un livre sur le comique à la sauce québécoise serait un bel ouvrage. Mais il existe peut-être. J-P Damaggio
J-P Damaggio
Le crépuscule des vieux
Des fois j'ai hâte d'être un vieux:
ils sont bien les vieux
ils ont personne qui les force à travailler,
on est bon pour eux, on veut pas qu'ils se fatiguent
même que la plusspart du temps
on les laisse pas finir leur ouvrage
on les stoppe, on les interruptionne,
on les retraite fermée,
on leur donne leur appréhension de vieillesse et ils sont en vacances...
ah ils sont bien les vieux!
et comme ils ont fini de grandir
ils ont pas besoin de manger tant tellement beaucoup,
ils ont personne qui les force à manger,
alors de temps en temps
ils se croquevillent un petit biscuit
ou bien ils se ratartinent du pain
avec du beurre d'arrache-pied
ou bien ils regardent pousser leur rhubarbe
dans leur soupe...
ils sont bien.. Jamais ils sont pressés non plus,
ils ont tout leur bon vieux temps,
ils ont personne qui les force à aller vite,
ils peuvent mettre des heures et des heures
à tergiverser la rue...
Et pluss ils sont vieux, pluss on est bon pour eux,
on les laisse même plus marcher
on les roule...
d'ailleurs ils ont même pas besoin de sortir du tout,
ils ont personne qui les attendresse...
Et l'hiver, alors là, l'hiver
c'est là qu'ils sont le mieux, les vieux,
ils ont pas besoin de douzaines de quatorze soleils...
non
on leur donne un foyer,
un beau petit foyer modique
qui décrépite,
pour qu'ils se chaufferettent les mitaines...
Ouille oui, l'hiver ils sont bien
ils sont drôlement bien isolés...
Ils ont personne qui les dérange,
personne qui les empêche de bercer leur ennuitouflé...
et tranquillement ils effeuillettent
et revisionnent leur jeunesse rétroactive
qu'ils oubliettent à mesure
sur leur vieille malcommode
Ah ils sont bien!
Et sur leur guéridon
ils ont toujours une bouteille
petite bleue et quand ils ont des maux, les vieux,
des maux qu'ils peuvent pas comprendre,
des maux myxtères,
alors à la petite cuillère
ils les endorlotent et les amadouilletent...
ils ont personne qui les garde malades
ils ont personne pour les assister soucieux
ils sont drôlement bien…
Ils ont même pas besoin d’horloge non plus
pour entendre les aiguilles
tricoter les secondes
ils ont personne qui les empêchent d’avoir
l’oreillette en dedans
pour écouter leur cœur qui greline
et qui frilote
pour écouter leur cœur se débattre tout seul…
ils ont personne qui…
ils ont personne…
personne !