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Vie de La Brochure
1 janvier 2016

Relire l’homme de ma vie

il uomo

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Dans ce polar de l’an 2000 qu’en France l’éditeur a sous-titré le retour de Carvalho il s’agit surtout du retour de deux femmes, Charo et Yes.

Involontairement Charo ramène d’Andorre toutes les théologies possibles et particulièrement la Théologie de l’Alimentation mais aussi, sans le savoir, la Théologie nationaliste.

Anfrúns ne fait-il pas observer à Pepe : « L’époque est à la théologie, Carvalho, tout ce qui peut se dire sur l’avenir est de la théologie, personne n’en ayant fait les plans, et le néo déterminisme capitaliste a tordu le cou à l’espérance, le futur en guise de religion, comme le proposait Bloch. C’est pourquoi la religion représente le grand marché du siècle à venir. »

Donc Pepe est invité à aider la Théologie de la sécurité, celles des nations sans Etats.

« -La Catalogne est une nation.

-Je n’en doute pas. Un sujet collectif, dirons-nous, collectif et virtuel. Vous aussi, vous êtes une nation. Tout le monde est une nation. Je suis sûr, en revanche, de ne pas être une nation. J’ai assez de mal comme ça à être un individu, et les peuples ne m’inspirent aucune confiance. Les individus peuvent avoir pitié, pas les peuples. Ça me compliquerait trop la vie d’être une nation. Mais j’adore les nations des autres. »

 Pepe désabusé va retrouver l’autre femme celle du boléro et du tango, celle de la vie encore possible mais il aura du mal à admettre cette vie encore possible car dans le monde des théologies le mal arrive à tout quadriller. Dans la corruption Pepe sait depuis longtemps que l’essentiel n’est pas le corrompu (qui fait la Une des journaux, haut-lieux de toutes les corruptions) mais le corrupteur (celui qui pratique la corruption préventive). Quand une « affaire » sort au grand jour, des journalistes se présentent en héros quand, en fait, ils bénéficient d’un tuyau des maîtres de la corruption préventive qui décident de l’heure et du jour où ils vont saccager la vie d’un homme au profit d’un autre.

 Pourquoi la Catalogne aurait besoin d’espions ? / Car les Basques ont des espions depuis longtemps ! / Et qu’espionnent les Basques en Catalogne ? / Ce que les Catalans voudraient espionner !

 Yes, la jeune femme que Carvalho avait envoyée, avec un jeune, à Katmandou vingt ans avant, mais contrairement à ce que veut l’époque, qui fait tout pour nous garder en enfance, elle a mûri. Elle savait que chez Pepe sa nature était le résultat d’une perpétuelle addition, une nature qui n’avait rien laissé tomber derrière elle, qui n’avait ni renoncé au passé, ni ne s’était raidie devant le présent et qui restait attentive devant un avenir quel qu’il soit. Et si la vie se terminait pas un boléro ?

 Si Pepe avait pu additionner, avec L’homme de ma vie est venu l’âge des soustractions qu’il craignait tant ! Et les soustractions allaient enfin renverser l’ordre des valeurs ! L’homme ancré dans Barcelone, qui part pour un tour du monde. L’homme qui se trouve à la remorque de son larbin. L’homme habitué à détricoter des énigmes, qui s’emmêle dans les fils d’une histoire qui lui échappe.

Millénaire oblige ?

Ce n’est pas le retour à la case départ mais le début d’un constat : il n’y a presque jamais eu de départ. Et tout est dans le presque !

 Pourquoi faut-il que ce soit deux femmes qui mettent Pepe au pied du mur ?

 Yes fut presque un départ. Toujours cette histoire de ce qui aurait pu être et qui n’a pas été, toujours ce constat que la vie n’existe que par les jours ouvrables qui ont toujours raison ce qui n’est pas le cas des jours de fête.

 D’où cette question : Le fils de Vazquez Montalban n’a qu’un livre à reprocher à son père, La joyeuse bande d’Atzavara, dont il pense qu’il fut une erreur. Pas en tant que témoignage sur une époque mais une erreur tout de même. Le livre qui me semble plus une erreur est César ou rien mais je veux bien comprendre l’opinion de David Vazquez-Sallès.

«L’écrivain Montalban s’est vengé de gens qui nous avaient ouverts leurs portes, leurs maisons et leurs vies, et avec le roman il a réglé ses comptes ce que je me permets de qualifier de vengeance de classe mal placée. »

Après le roman que le fils a lu dès les épreuves il y a eu des « dommages collatéraux » : la joyeuse bande a sorti l’écrivain et sa famille, de sa vie, et pour le jeune fils ce fut une rupture.

 N’ayant aucune connaissance des conditions pratiques du roman, j’en ai retenu ni la joyeuse bande mise au pilori, ni le témoignage sur une époque mais une belle confirmation de cette obsession : « les jours ouvrables ont toujours raison » qu’il traduit ainsi à la fin de la « joyeuse bande » : « elle aussi a découvert l’obscène déficience de la réalité. Ce qui n’empêche pas de devoir l’assumer, avec toutes ces conséquences, quand cela s’avère indispensable. »

Et quand se produit le plus, le devoir d’assumer la réalité, si ce n’est les jours ouvrables ?

Certes, Vazquez Montalban était un hédoniste, ou plus exactement il avait gagné à la sueur de son front la possibilité d’être hédoniste, il avait grand plaisir à goûter aux joies de la vie mais sur ce point comme sur celui de la fidélité, une distinction s’impose : la fidélité comme soumission, n’effacera jamais la fidélité comme insoumission, et l’hédonisme du vainqueur n’effacera jamais l’hédonisme du vaincu ! Et pour la joyeuse bande, est né, à un moment, l’indispensable besoin de rappeler que les vaincus ne sont pas forcément des êtres à la triste figure.

Jean-Paul Damaggio

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