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Vie de La Brochure
18 février 2016

Louis Taupiac et le catholicisme social

photo expos taupiac

Un personnage de Daudet fait observer quelque part que parfois c’est en parlant qu’on arrive à penser. Le 17 février en parlant de Taupiac grâce à l’ASPC j’ai pu mieux penser le cas de ce personnage. J’ai rappelé qu’en France (il faudrait voir ailleurs) on a souvent assisté au face à face entre les traditionnalistes pour qui toute nouveauté est une atteinte aux valeurs qu’ils défendent, et les novateurs prêts à dénoncer le poids du passé[1]. Un face à face qui en politique opposerait les réactionnaires aux révolutionnaires, et qui aujourd’hui avec la mort du politique devient social : les jeunes personnifiant les dynamismes et ayant à supporter le poids des vieux.

Même si tout le monde sait qu’il n’y a d’avenir que grâce au passé, et que l’avenir peut redonner vie au passé, les faux débats occupent tout l’espace afin de masquer la réalité (le pourquoi les autorités veulent masquer la réalité est une autre question).

Louis Taupiac avait tout pour être un traditionnaliste : catholique convaincu, un bourgeois très aisé et un passionné d’histoire ancienne. Sauf qu’il a beaucoup fait aussi pour contribuer au renouveau de l’agriculture.

Quand, voici trente ans je me suis passionné pour son livre de 1868 : « Statistique agricole dans l’arrondissement de Castelsarrasin » je ne savais absolument pas qui il était. C’est seulement dernièrement que j’ai compris qu’il appartenait au « catholicisme social ». A étudier des personnages du dix-neuvième siècle en Tarn-et-Garonne j’en ai croisé au moins deux autres dans le même cas sans pour autant avoir eu l’occasion de s’épauler : l’abbé Marcellin et Hippolyte Detours.

Les trois ont une caractéristique surprenante : ils ont été jetés au plus profond des poubelles de l’oubli !

Les trois sont venus du courant légitimiste jusqu’au jour où, comme Lamennais, ils ont révolutionné leur point de vue après avoir pris conscience que la société avait été elle-même révolutionné.

Pour Taupiac, le plus méconnu en tant qu’homme, j’ai du mal à saisir le moment de ce tournant. Je fais donc cette hypothèse : c’est en se confrontant, à 25 ans, à l’histoire du génial mathématicien Fermat, qu’il se serait fixé comme double devoir : chercher la vérité historique et aider ses contemporains à vivre mieux.

Pour les trois hommes, le déclencheur de la mutation est produit par la monarchie de juillet et donc en fait par la Révolution de 1830.

Autour des années 1840 Taupiac fait donc la double expérience, sur sollicitation ministérielle, que Fermat était à la fois un inconnu en France et pourtant un génie ! Pourquoi a-t-il fallu attendre 1845 pour découvrir que Fermat était né à Beaumont le 20 août 1601[2]. Quand enfin en 1882 la statue de Fermat est installée dans sa ville, j’ai cru que Taupiac serait à l’honneur mais c’est l’autre historien majeur de la ville, le chanoine Pottier qui est monté sur l’estrade. En traditionnaliste méticuleux, de dernier a dirigé pendant presque 60 ans la Société archéologique qui n’aura pas un mot au décès de Taupiac en 1891, un des fondateurs avec Pottier, de la dite société.

 Je pourrais ajouter à ce trio le quatrième mousquetaire que fut Mary-Lafon qui comme Detour, Marcellin et Taupiac, a toujours eu une grande considération pour la langue romane, le patois du pays qui prendra, après eux, le nom d’occitan. Sur ce terrain aussi on assiste aux mêmes faux débats évoqués en introduction, entre partisans et adversaires de cette langue : le débat entre ceux qui défendent la langue d’oc combattue par la langue française, et ceux pour qui cette dernière est celle de toutes les vertus démocratiques se devant d'en finir avec les patois. Or la réalité, que ce soit pour le français, l’occitan ou l’anglais, c’est la CONCEPTION que l’on a de la langue. Opposer les mérites d’une langue à ceux d'une autre n’a qu’un seul intérêt pour les autorités : nous détourner de la réalité vivante. (le pourquoi les autorités veulent masquer la réalité est une autre question).

 Ce courant du catholicisme social (on peut y inclure Jaurès) a été mis à mal par le Second empire, mais il a joué un rôle important tout au long de l’histoire de France (et en Amérique latine bien après). Aujourd’hui pour lui, comme pour plusieurs d’autres courants sociaux, est venu l’heure de l’extinction[3] et j’attends qu’un de nos grands intellectuels médiatiques nous propose un beau livre sur le sujet afin d’aider à la construction d’une histoire nouvelle, généreuse, démocratique, et encore plus sociale. Mais je crains qu’ils ne veuillent pas déterrer les cadavres qu’ils ont tué tant de fois. La preuve ? J’ai cherché vainement une photo de Louis Taupiac (comme Taupiac a cherché vainement que Castelsarrasin signifie camp des sarrazins). Quant à la magnifique peinture représentant Mary-Lafon elle dort sagement dans les réserves du Musée Ingres. L’abbé Marcellin a préféré quelques jours avant sa mort brûler ses archives. Detours est le seul à avoir eu un peu de postérité à Moissac avec une plaque de rue. Jean-Paul Damaggio



[1] Pour sortir de ce faux débat Beaurepaire-Froment a consacré sa vie au traditionnisme.

[2] L'auteur sur Wikipédia de la bio de Fermat n'a visiblement rien su des travaux magnifiques de Taupiac !!!! Ce qui va m'inciter à faire encore plus pour le mathématicien.

[3] Et quand j'écris ce mot je pense aussitôt au roman fabuleux qui porte ce titre et qui est le "testament de Thomas Bernhard

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