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Vie de La Brochure
20 avril 2016

Les Scyris d'Equateur

Voici un document d'histoire qui évoque un élément archéologique que je n'ai pas su retrouver au sujet des Scyris. Le journal Le Magasin Pittoresque fut comme une encyclopédie tout au long du XIXéme siècle.

J-P Damaggio

Le livre de Juan de Velasco est disponible sur internet en espagnol. ICI

 

Le Magasin Pittoresque 1885

 AMÉRIQUE ANCIENNE. CIVILATION DES SCYRIS.

Le Siège de Manabi exposé au Muséum ethnographique du Trocadéro.

Qui se souvient aujourd'hui de la riche province de Manabi, fondée jadis par les Caran-Scyris, et dont se rendirent maîtres, au quinzième siècle, les Incas, subjugués eux-mêmes quelques années plus tard par les Espagnols, que commandait le terrible Ben-Alcazar ? Ce furent cependant les Scyris qui fondèrent jadis la grande ville de Quito et la vivifièrent de leurs œuvres, au point d'exciter l'envie d'un grand peuple, qui ne parvint à s'emparer de ses richesses qu'au moment même ou il allait succomber !

La province de Manabi, qui commence au nord-nord est de Guayaquil, a eu des traditions historiques dignes du plus haut intérêt, et très différentes de celles du Pérou proprement dit [1].

Les Caran-Scyris ont trouvé un patient et soigneux historien dans la personne d'un docte ecclésiastique, D. Juan de Velasco, qui, réfugié à Rome à la fin du siècle dernier, retraça à grands traits l'histoire du royaume de Quito, histoire, il est vrai, singulièrement, restreinte, sous le rapport archéologique[2]. Quelque preuve que cet ancien peuple ait donnée jadis de sa valeur et de son goût rudimentaire pour les arts, les preuves réelles de ses annales ne devaient être obtenues qu'au moyen d'aide-mémoire et à peu près analogues à celles que pouvaient transmettre ces fameux quipos péruviens, sur lesquels nous avons donné même une étude, il y a déjà bien des années. Les Scyris avaient, comme les Incas leurs vainqueurs, des interprètes dont le rôle était en tout pareil à ceux qu'on appelait, à Cusco, des quipos-camaïeucs ; mais ils opéraient sur des appareils infiniment plus durables que ceux employés par leurs voisins, c'est-à-dire qu'ils obtenaient des récits plus ou moins brefs qu'on expliquait au peuple d'après l'arrangement traditionnel de petites pierres diversement colorées, enchâssées dans des tables de bois ou de pierre, tandis que les Péruviens se servaient de cordelettes à nœuds de couleurs diverses, formant des espèces de franges commémoratives. D. Juan Velasco ne craint pas de donner le titre ambitieux d'archives au solide appareil employé par les Caran-Scyris pour la transmission de leurs annales. Pauvres archives, en effet, si on les compare aux katouns, les pierres parlantes des Mayas, ou bien aux peintures idéographiques des Toltéques, et même, aux simples peintures parfois phonétiques qu'employaient les contemporains de Montézuma ! Les Scyris cependant avaient atteint un degré remarquable de civilisation. Velasco prétend qu'ils se montraient inférieurs aux Péruviens dans la construction de leurs grands monuments, mais il donne à entendre en même temps qu'ils se montraient plus industrieux que leurs voisins dans certains détails de l'architecture civile ou de pure industrie; ils possédaient des ouvriers lapidaires taillant d'une façon admirable diverses pierres précieuses, et notamment l'émeraude, que l'on considérait chez eux comme l'emblème de la puissance souveraine. Ils avaient appliqué l'art d'élever des voûtes à certaines constructions d'un genre secondaire. Ils obtenaient par certains procédés de tannage des peaux élégantes et durables que leur enviaient leurs voisins. L'art de tisser le poil soyeux des guanacos n'avait rien d'inconnu pour eux, non plus l'ébénisterie, unie à la sculpture sur bois. Un voyageur français qui a séjourné sur l'ancien territoire qu'ils occupaient, M. Onfroy de Thoron, parle également de leur habileté particulière à traiter de l'amalgame des métaux, et il est bien certain que, ne possédant pas l'usage du fer comme différents peuples de l'antiquité, ils n'auraient guère pu produire certains ouvrages d'ébénisterie et de simple ornementation, dont la perfection nous frappe de surprise, s'ils n'étaient parvenus a donner aux outils en bronze qu'ils employaient, soit par la percussion répétée comme on l'a prétendu, soit par la combinaison du cuivre avec certains métaux, des instruments métalliques qu'ils employaient journellement. Que les Scyris, dont on ignore après tout la véritable origine, aient apparu dans l'océan Pacifique du huitième au neuvième siècle; qu'ils aient été les heureux vainqueurs des antiques Puruhas, à la suite d'une longue vie errante; qu'ils aient succombé sous les efforts belliqueux de l'habile Guayna-Capac dont la conquête définitive s'accomplit en 1495, il n'est plus douteux aujourd'hui que les vrais caractères de leur civilisation et même de leur langage les firent confondre, par les conquistadores castillans, avec leurs récent vainqueurs, les peuples incasiques. Comme eux ils avaient des temples consacrés à l'adoration du soleil ; comme eux, ils savaient construire d'importants édifices où des jeunes filles, choisies dans les familles d'élite de la nation faisaient des vœux sagement limités en l'honneur de l'astre puissant qui féconde la terre, mais qu'elles ne pouvaient transgresser sans encourir des peines sévères.

Comme la nation célèbre qu'anéantit si cruellement Pizarre, le Caran-Scyris étaient dans l'habitude de convoquer des assemblées plus ou moins nombreuses, dont les ruines qui subsistent encore attestent la fréquence et parfois la solennité. Ce qu'il y a d'assez curieux, c'est que ce ne sont pas ordinairement de simples bancs sans ornementation, s'élevant à quelques pouces du sol, qui attestent les consécrations particulières de ces assemblées, mais des sièges ornés démontrant l'entente d'un certain art, dont plusieurs sont parvenus jusqu'à nous. Tel est le siège de Manabi.

 

Ce fauteuil n'est pas un type unique de ceux qu'on a pu découvrir jusqu'à ce jour dans les régions de L'Equateur. Ces sortes de sièges, rencontrés çà et là en certain nombre dans des régions aujourd'hui complètement désertes où se tenaient jadis des assemblées probablement législatives, étaient taillés dans la pierre au moyen de ciseaux métalliques dont le bronze résistant est aujourd'hui bien connu, et indiquaient par leur caractère en quelque sorte monumental l'usage auquel la volonté du peuple les avait consacrés mais presque toujours ils tiennent à la roche où l'artiste indien leur a donné la forme qu'ils conservent. D'autres sont taillés dans le bois résistant, analogue au bois de fer, que produisent en si grand nombre les forêts de ces contrées; ils sont mobiles et peuvent se transporter aisément hors des plateaux où ils restent exposés aux intempéries des saisons[3].

Le siège antique dé Manabi est en grès d'un grain assez commun; il est supporté par une figure humaine appuyée sur les genoux et les coudes. C'est un don de M. le docteur A. Destinges. FERDINAND DENIS



[1]Voy. de Dr D. Manuel Villavicencio Geografia de la républica de Ecuador New Yrok 1858. Elle confine sur la côte Pacifique par le nord avec la province d'Esmeraldas; par le sud elle touche encore à Guyuaquil, au levant elle est voisine de la province de léon etc. Il y a une trentaine d'années ce petit royaume indien contenait encore 38 000 âmes.

[2] Voy l'importante collection de Ternaux-Compans t. 1 p. 21 Ce ivre parut pour la première fois en 1811

[3] Tels sont, par exemple, les grands sièges monolithes dont nous avons vu d'imposants spécimens dans les précieuses collections de M. Léonce Angrand, qui se trouvent encore à l'entrée de la maison de ville (cabildo) de Vitcas-Huaman, et qui proviennent du temple pyramidal qu'on remarque dans cette antique cité.

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