Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vie de La Brochure
1 août 2016

Campagnac et le nombre d'or

A lire les chroniques de Campagnac dans le Matin c'est une façon de saisir un pan d'histoire au quotidien. Ici il rend compte d'une expo sur science et art et ne peut donc éviter le fameux nombre d'or. JPD

 

Le Matin 13 août 1937

L'ART ET LA SCIENCE

Dans ce palais de la Découverte où chaque jour des milliers de personnes viennent admirer, sous leur forme scientifique, les utopies d'hier devenues les réalités vivantes d'aujourd'hui, les organisateurs ont consacré quelles salles aux rapports de l'art et de la science. Cette exposition artistique, dont l'organisation et la réalisation sont dues à MM. Léveillé, le dévoué collaborateur de M. Jean Perrin, Florissoone, attaché au musée du Louvre, et Lassaigne critique d'art, est moins la démonstration de l'influence de là science sur les arts que la preuve de certaines coïncidences fort curieuses. Il est, en effet, indéniable qu'il y a dans le monde des arts une atmosphère d'époque qui se traduit selon les tempéraments par des recherches scientifiques, plastiques et philosophiques qui ont souvent entre elles d'étranges analogies. Ce sont ces analogies entre les sciences et les arts que cette originale exposition a voulu souligner.

C'est avec raison que les organisateurs de l'Exposition ont demandé à Léonard de Vinci d'accueillir les visiteurs par une de ces sentences dont il était coutumier, sentence inscrite sur une pyramide exécutée selon la règle d'or : « Ceux qui s'abandonnent à la pratique sans la science sont commue des nochers qui se mettent en mer sans boussole.»

Et le palais de la Découverte rappelle aux artistes qu'ils ont à leur disposition une merveilleuse boussole : la section d'or. Mais qu'est donc cette fameuse section d'or que les artistes de la Renaissance se transmettaient dans le secret et qui n'est autre peut-être que le redoutable secret que les Compagnons du devoir se communiquaient dans leurs pérégrinations à travers la France ? La section d'or est une règle ancienne due au génie du philosophe Pythagore, c'est un canon de beauté qui peut être ainsi énoncé pour qu'une œuvre, d'art soit belle, harmonieuse, pour qu'un plan partagé en deux parties inégales paraisse beau, ce plan doit avoir, entre la petite partie et la grande, le même rapport qu'entre la grande et le tout. La section d'or est donc une règle d'harmonie et de là ses diverses appellations : proportion divine, proportion dorée, règle d'or, nombre d'or. Elle fut appliquée par les architectes des pyramides égyptiennes, par ceux du Parthénon et du dôme de Milan elle se trouve dans la Cène, de Vinci, dans la Dispute du saint sacrement, de Raphaël, et nous la retrouvons aussi, cette fameuse section d'or, dans la nature, dans le monde végétal, dans une fleur de tournesol, dans une pomme de pin, dans le monde animal, dans une coquille en spirale de nautilus pompillus, enfin pour l'espèce humaine elle se retrouve dans le corps humain. Si l'on prend en effet la moyenne des mesures d'un certain nombre d'hommes on trouve que le nombril partage le corps en deux parties inégales qui sont dans le rapport de la section dorée et l'architecte Vitruve déclarait déjà que le nombril est le centre de symétrie du corps humain. La section d'or est donc comme une espèce de dieu qui gouverne, ordonne équilibre l'ensemble d'une œuvre d'art.

Un autre problème qui passionna les artistes de la Renaissance fut celui de la perspective. Les artistes s'enthousiasmèrent pour cette nouvelle règle qui leur permettait d'établir des tableaux en profondeur, dont les lignes s'enfuyaient vers de lointains horizons et nous trouvons au palais de la Découverte une gravure de Dürer, Saint Jérôme dans sa cellule, dont le point de fuite est au bord extrême du tableau.

Enfin, l'influence de l'astronomie et de la géographie sur les arts n'a pas été oubliée. Les grandes découvertes, en effet, que ce soit celle de l'Amérique ou celle de divers instruments d'astronomie qui firent avancer considérablement l'étude du ciel bouleversèrent littéralement le monde sensible des artistes. Ils y entrevirent la fin des théories qui avaient bercé leur jeunesse et le proche avènement de nouveaux mondes plutôt devinés qu'entrevus. Voyez quelques détails symboliques de la fameuse Tentation de saint Antoine de Jérôme Bosch, où les poissons volants, les larves bizarres, les apparitions saugrenues veulent sans doute représenter tout un monde qui s'effondre et toutes les possibilités de mondes nouveaux où les bateaux à vapeur sillonneront les mers tandis que les avions viendront effrayer les grands oiseaux du ciel.

 

Pour montrer l'influence de la science sur les arts, une salle est réserve à la science anatomique. Nous savons aujourd'hui, que les peintres du moyen âge et même ceux de la Renaissance ne travaillaient point d'après des modèles nus si bien que la révélation de l'anatomie transforma complètement l'art. Cette influence nous est montrée par deux panneaux de photographies représentant les systèmes anatomiques et les proportions, humaines à trois époques différentes, d'après, Albert Durer, Léonard de Vinci et d'après les délicates aquarelles d'un artiste contemporain, Jean Bernard.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les rapports, au XIXe siècle de la peinture et des sciences nouvelles : l'optique et la chimie industrielle ; mais la place me manque. Qu'il me soit seulement permis de dire en terminant que si l'exposition artistique du palais de la Découverte nous montre l'influence de la science sur les arts, elle nous montre aussi de quelle utilité est l'art pour la science, lorsque celle-ci veut parler aux foules. Sans nul doute la découverte scientifique a été le facteur principal et peut-être le facteur unique du progrès humain et nous savons tout ce que nous devons aux génies bienfaisants qui se nomment : Volta, Ampère, Faraday mais pour mettre en valeur le rôle de ces génies à qui fallait-il s'adresser si ce n'est à ces artistes dont les magnifiques décorations sont venues nous dire la merveilleuse histoire des grandes découvertes ? J'ai nommé Poncelet, Antral, Gromaire, Laglenne, d'Espagnat et ce subtil André Lhote, disciple de Pythagore et fervent adepte de la section d'or. Edmond Campagnac

Publicité
Publicité
Commentaires
Vie de La Brochure
Publicité
Archives
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 1 023 471
Publicité