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Vie de La Brochure
31 août 2016

Sur Jean-François Chalot

Je reprends cet article au sujet d'un homme qu'il m'arriva de croiser. JPD

Jean-François Chalot, Un itinéraire militantTémoignage, Le Scorpion Brun, 116 pages.

Jean-François Chalot est l’expression même de ce que notre pays fait de meilleur, cette France révolutionnaire qui continue de faire des émules, de l’action politique du quotidien à la militance associative. Un de ces citoyens engagés sans concession au regard d’un combat contre les injustices, les inégalités, et de quelques valeurs bien accrochées qui en sont le reflet. Il a découvert très tôt que l’égalité de traitement de tous devant la loi, que la laïcité garantit, était un bien précieux par-delà bien des causes. Il anime régulièrement les colonnes Agoravox, qu’il prenne la défense des uns, témoigne d’une injustice ou dénonce une entorse à la laïcité, ou défende une idée qui lui tient à cœur.

Comment le définir ? Un militant de l’éducation populaire ne faisant qu’un avec le militant politique en faveur d’un monde meilleur, mais en partant de tout en bas, des préoccupations et de la vie de ceux qui sont laissés en route par notre société où l’état de richesse détermine plus que tout, trop souvent, un destin. Ce qui lui conviendrait peut-être le mieux serait « ni dieu ni maitre », en y ajoutant cette pensée peut-être d’Eugène Varlin : « Tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d'un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines »

Il ne s’agit pas ici de vanter les mérites de qui que ce soit ou de vendre un livre aux lecteurs d’Agoravox, mais de dire autant que possible, à partir de ce que je connais de ce militant laïque aux convictions sociales, ce qui vaut me semble-t-il, d’être dit. Comme l’exprimait un autre militant qui passait par l’humour pour défendre ses idées, un certain Coluche, c’est « l’histoire d’un mec… » qui gagnerait à être connu. Il y a eu en un temps le « Voyage à l’intérieur du Parti communiste », qui a fait événement. Il est question ici d’un voyage à l’intérieur d’une vie de lutte et d’action d’un militant trotskiste, de la Ligue communiste révolutionnaire à l’Ecole Emancipée, le voyage d’un engagement qui nous fait découvrir l’intérieur de bien des organisations et leurs vicissitudes en général cachées, à travers ses yeux, et une forme d’indépendance d’esprit à laquelle aucune organisation ne peut se résumer.

Je le connais bien, j’ai eu à avec lui en commun, quelques-unes de ces aventures d’un combat laïque dont nous partageons l’attachement chevillé au corps. Même dans les moments difficiles que nous avons vécus face à l’adversité, les coups pris, cette fraternité qui lui est naturel les a fait passer avec aisance, à l’aune de ce cuir qu’il a su se donner et d’une tranquillité qui en fait aussi un point d’appui solide en toute circonstance. Je l’ai toujours vu avancer sans trembler vers le but, en évitant les embuches, et lorsque l’énergie dépensée était au-delà du raisonnable au regard du résultat attendu, que les obstacles trop nombreux y nuisaient, que les attaques pleuvaient, savoir rebondir pour continuer dans la même direction autrement, et mieux.

Il se définit comme un militant de base, mais c’est un sacré organisateur, qui partout où il a été en situation d’agir, a mené l’action, en en atteignant le plus fréquemment le but. Il est comme tombé dedans lorsqu’il était petit. S’il l’a toujours fait au service des autres, c’était dans l’esprit que chaque injustice vaincue était une pierre à un nouveau monde, comme le visionnaire révolutionnaire qu’il est, qui motive tout son parcours, sans prétention ni grandiloquence.

Cet ouvrage qu’il vient de commettre sonne comme le besoin de dire un parcours qui lui fait reconnaissance, et d’ores et déjà l’air de rien, le film d’une histoire accomplie. La lecture se fait d’un seul trait, on est accroché par ce roman d’une vie de militant qui commence avec l’enfance, où l’on voit déjà prendre pied la personnalité de celui qui en est le conteur et le héros discret. Un enfant turbulent, sensible, qui sait ce qu’il veut. On ne s’ennuie pas ! Mille et une anecdotes rythment les pages en provoquant le sourire, jusqu’à parfois l’éclat de rire, ramenant aussi de temps à autre un fond de gravité, au fil de cette vie à laquelle l’auteur convie le lecteur en lui proposant d’en suivre le chemin avec lui, un peu à la façon de lui prendre la main. Il n’est pas si facile, pour un militant discret sinon secret, à travers ses engagements politiques liés peu ou prou au mouvement trotskiste, de se raconter, jusqu’aux révélations d’entrisme au gré de ses attractions pour telle ou telle organisation, mais sans jamais être le doigt sur la couture en mission au service de quiconque. L’occasion a souvent fait le larron dans ce parcours de vie militante, tout en sachant garder sa personnalité.

Il est touchant aussi, lorsqu’il nous parle des relations avec son père et cette réussite que personne n’attendait dans le métier d’instituteur, jusqu’à la rencontre à l’Ecole normale avec celle qui va devenir sa femme et avec laquelle le lien sera indéfectible jusqu’encore aujourd’hui, avec laquelle il a eu deux enfants. Il confie d’être conscient d’avoir parfois, à s’être mis totalement au service des autres et de l’action politique, été trop absent. Mais n’est-ce pas le lot difficile de tous ceux qui s’engagent sur ce chemin et se font irremplaçables à la bonne marche de notre société ? Cette photo instantanée d’une vie nous propose un sacré bilan, en indiquant aussi une voie à poursuivre, qu’il continue d’enrichir avec la constance de ses convictions.

Au fil de quelques pages : Enfant très remuant, il a su transformer ses difficultés d’intégration en faculté d’adaptation. Normalien engagé, il passe aux « éclaireurs de France », les scouts laïques, puis aux « Francs et Franches camarades » qui encadraient alors les patronages laïques. Il entre à la SFIO et participe à la campagne pour l’élection de François Mitterrand, en 1965. Il croise même Guy Mollet (dirigeant socialiste historique). Une rencontre avec les militants maoïstes le fait devenir un activiste des Comités Vietnam national puis, il entre aux Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR). Il fait ses premiers pas à « l’Ecole Emancipée », regroupement de militantes et de militants syndicaux et pédagogiques, autour de la revue l’École émancipée, une des tendances du syndicat la FEN (Fédération de l‘Education nationale) tendance dominée alors par l’OCI (Organisation communiste internationale). Il participe à la création des comités de soldat. Il va au bout de son action en interrompant avec son groupe à Melun, la projection du film de John Wayne, Les bérets verts, à la gloire des forces spéciales américaines. Normalien indiscipliné, il est plus occupé par l’action militante, il obtient son diplôme de moniteur (animateur). Il doit faire son service militaire, inapte idéologiquement au commandement et surtout réfractaire à l’armée. Les gradés voulurent faire chanter à son groupe « Contre les Viets, contre l’ennemi ». « Nous avions trouvé une tactique » explique-t-il, « nous chantions faux…. » Le remplacement de ce mot d’ordre par « Contre les rouges » augmenta notre difficulté à émettre des sons »… Après le coup d’Etat au Chili en 1973, il s’implique dans la campagne de solidarité et de défense des militants emprisonnés et torturés, il participe au réseau clandestin du Mouvement pour la libération de l’avortement et la contraception…. Face à la direction Unité-Action (PCF) du congrès départemental de la FEN de son département, le 77, pour se faire écouter dans le brouhaha auquel il s’affronte lors du discours traditionnel de sa tendance, « l’Ecole Emancipée » , le rapport d’activité fut remplacé par une chanson accompagnée à la guitare…Il participe activement avec sa femme à la campagne contre la peine de mort, colle frénétiquement des affiches. Il monte un cinéma avec la Fédération des œuvres laïques, partisan acharné de l’école publique. Il entre au Parti socialiste en tant que militant trotskiste en mission. Il s’investit dans la CNL locale pour la défense du logement social, il est aujourd’hui un animateur du DAL… Je vous laisse le soin d’en continuer la lecture, avec une histoire qui fourmille d’informations sociologiques autant que d’anecdotes croustillantes, avec cette légèreté de l’âme qui caractérise Jean-François, l’œil rivé à des convictions dans lesquelles il croit et qui continuent de le mener toujours vers l’avant.

Jean-François est un des animateurs de la citoyenneté, il y a toujours dans ce qu’il entreprend la volonté de faire que chacun puisse prendre en main sa vie et en devenir mieux acteur. A travers l’action associative, c’est une remédiation permanente à laquelle il participe, qui est indispensable à la vie de notre démocratie. Il est du côté des contre-pouvoirs qui donnent son sens véritable à l’Etat de droit.

Nous nous sommes rencontrés à la direction de l’Union des familles laïques (UFAL), dont il parle à la fin de son livre. Il explique très bien pourquoi il a quitté cette organisation. Nous avons suivi là, le même chemin. Il a trouvé au secrétariat général du Conseil National des Associations Familiales Laïques (CNAFAL) une dimension qu’il ne pouvait pas prendre ailleurs, où il peut déployer toute son énergie et son ingéniosité de militant à la fois laïque et social, sans entrave.

C’est aussi avant tout un gentil, sans que cela n’ait rien de péjoratif. Pas agissant au nom d’un dieu qui fait du bon sentiment un acte de charité qui en dépossède l’homme, non, un humanisme tendu vers les autres, comme autant d’égaux, dans une démarche universelle de nature révolutionnaire. Ce qui sans doute le caractérise le mieux, c’est de n’avoir jamais couru après un quelconque prestige pour lui-même, d’avoir toujours agit sans chercher la lumière, il n’a pas d’ego de ce côté-là. Toutes les responsabilités qu’il a pu prendre, il ne les a voulues que pour faire avancer la cause commune, sans rien en retirer de personnel, que le sentiment de convictions accomplies. Il reste un militant social, un humaniste engagé, un laïque constant.

Bravo Jean-François ! Et bonne route ! Il y a encore un beau chemin de vie et de combats devant toi.

Guylain Chevrier

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