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Vie de La Brochure
14 septembre 2016

Le désespoir, L’Iran et Chahla Chafiq (11)

Chalha Chafiq

Dessin de Rosendi Li

Militante iranienne avec un groupe de la gauche radicale, Chahla s’est enthousiasmée en 78-79 pour un mouvement révolutionnaire unitaire, puissant, joyeux, inventif. Et surtout populaire. Puis dit-elle : La chasse aux opposants s’est ouverte et systématisé en 1981. C’est l’heure du désarroi.

Printemps 1983 c’est l’heure de l’exil. Un exil vécu comme temporaire car un tel régime ne pouvait tenir.

En 2002, des lueurs d’espoirs sont encore là, dans l’Iran de son histoire, l’Iran démocratique. Bel exemple d’espoir qui fait vivre.

 Dans un autre domaine, une autre sphère, pour d’autres raisons, cet espoir a été celui de millions d’hommes dont je suis. Pour Aragon l’URSS allait enfin cesser d’être celle qui frappait Siniavski. Pour moi, le programme commun allait l’emporter et tout changer. Pour Ernesto Cardenal au Nicaragua, le peuple allait sortir de la misère.

 Partout l’espoir a fait vivre. Puis la République islamique a changé le cours de cette histoire. A présent et vu son expérience en Algérie, Boualem Sansal pense que seul le désespoir peut faire vivre ! Non ce n’est pas une formule, une boutade, ou pire un jeu. Le désespoir conduit au suicide c’est bien connu ! Il nous appartient, à nous les progressistes, de construire cette révolution du désespoir par la  reconstruction de la notion de progrès.

Ni Chahla ni Foucault n’ont été trompés en 1979 car c’est la première fois qu’une république pouvait se dire islamique ce qui est contraire, même dans l’islam chiite, à toute notion de république. Non Ernesto Cardenal n’a pas été trompé en 1979 quand avec Daniel Ortega ils réussirent à renverser un dictateur aussi sanguinaire que le Chah. Pour la première fois un parti populaire, inventif, joyeux, unitaire allait devenir l’instrument d’une famille, la famille Ortega et que cette famille tombe dans les bras des Mollahs iraniens est une raison supplémentaire de désespérer.

Salman Rusdhie est allé rencontrer la révolution du Nicaragua et Foucault celle d'Iran.

Aujourd'hui nous savons même si l'islamisme reste un danger sous-estimé vu que la domination du capitalisme en fait le danger majeur ! Nous savons même qu’une autre révolution phénoménale a fait chuter l’Empire aux pieds d’argile ! Car c’est clair, le pouvoir en URSS a été vaincu par le peuple qu’il était censé servir !

Aujourd'hui nous savons qu'en Iran le nombre de condamnés par mort reste chaque année considérable. Soit 377 en 2007, ou le record 388 en 2009, 369 en 2013. Il s'agit des données officielles qu'il faut souvent multiplier par deux.

Mélenchon le dit souvent : pour avoir la force de lutter il faut rendre l’optimisme obligatoire. Il faut dire au peuple (« aux nôtres » aime-t-il préciser) : « on va gagner » ! Et je réponds qu’en disant : « c’est perdu », on peut soulever un vent de lucidité qui alors renversera le monde.

Pour tuer le principe de « l’espoir fait vivre », les puissants en tout genre suscitent les peurs qui font se replier. Sauf que ces peurs ne sont pas que des fantômes agités par de mauvais esprits mais sont aussi des réalités ! Face aux désespérés qui s'assument, la peur a moins de poids.

Attention, je l’ai écrit, le désespoir ne peut devenir un espoir que s’il incite à la reconstruction de la notion de progrès. Robert Redeker le démontre depuis longtemps, le notion de progrès a conduit les progressistes dans l’impasse. Je ne vais pas reprendre son analyse minutieuse qui cependant pêche par l’absence d’un chapitre. Si la notion a conduit les progressistes dans l’impasse, le progrès a bel et bien été réel ! Oui, le progrès n’est pas linéaire, inévitable, européen, mais le progrès a été au rendez-vous. Tous les immigrés de la terre ont en permanence pris la direction du progrès. L’astuce phénoménale (oui j’abuse de cet adjectif) de Komeyni a été de prendre la direction de la France quand il a été chassé de l’Irak pour faire croire qu’il prenait la direction du progrès, comme le feront tant d’immigrés qu’il chassera ensuite de son pays. Il prenait la direction de la France pour préparer le contraire de ce que la Révolution française avait réalisé !

 Le progrès ne sera plus l’enfant de l’utopie mais l’enfant de la lucidité : l’homme n’est pas né bon pour ensuite être perverti par la société ; l’homme est né social et cherche à devenir un individu dans la société. Comment articuler cette révolution permettant à l’homme devenu individu autonome de ne pas tomber dans tous les égos possibles à commencer par l’égoïsme ?

 Que la première mesure de Komeyni ait consisté à rendre le voile obligatoire pour les femmes, d’où l’immense manif à Téhéran le 8 mars 1979, est le symbole de cette soi-disant république. Que les femmes deviennent des individus autonomes est la première peur de la classes des hommes d’autorités car ils perdent la garantie de leur lignage ! L’indépendance des femmes est l'ultime barrière dans cette route vers l’indépendance des humains. Le retour de la religion n’est rien d’autre que la manifestation du besoin de faire groupe, dans une société devenant de plus en plus celle d’individus. Et par la religion il est toujours facile de faire groupe puisqu'il s'agit de fabriquer des "fidèles". D'ailleurs sur ce plan aussi la différence est nette : d'un côté on a des multitudes de chapelles religieuses et de l'autre des repères immenses du nom d'Islam.

 Il existe une autre formule classique parente de « l’espoir fait vivre » : « je préfère être seul que mal accompagné », formule que des esprits seuls lancent à l’adresse de ceux qui pourraient les accompagner. Le progrès c’est de pouvoir échapper à cette solitude en fixant les conditions démocratiques de l’accompagnement car qui peut en douter : « être seul plutôt que mal accompagné » est la règle d’or que les puissants veulent développer car ils n’ont d’adversaires possibles que groupés !

 Foucault est tombé amoureux de la révolution iranienne pour ces deux raisons : face à la société capitaliste diluant l’homme dans sa solitude, face à l’échec de la révolution soviétique diluant l’homme dans le goulag, en Iran l’homme devenait foule, la religion reconstituait le groupe, et la célèbre formule de Marx « la religion est l’opium du peuple » devenait désuète ce qui pour un Foucault désirant rendre désuet le marxisme était une joie de plus.

 Le progrès d’hier avait créé les structures (syndicats, parti, fédération diverses etc.) permettant à l’individu de faire groupe mais ces structures n’ont pas tenu la route face à la montée des égos et en plus parce quelles vendaient de l’espoir à bon compte.

 Le progrès d’aujourd’hui doit trouver les moyens de sortir les forces progressistes de la poussière de leur histoire que le vent emporte. Est-ce possible en redonnant comme impératif : « Sauvons la planète car les autorités en place conduisent à sa disparition. » ?

 Le discours écolo a eu ce double effet : pointer des problèmes réels oubliés par les politiques, mais éviter toute recherche minutieuse des responsables. Il a eu cet autre double effet : réduire la lutte au robinet à fermer quand on se lave les dents (combien de gens sur la planète peuvent se laver les dents ?) et l’élargir à l’impossible (la fin du réchauffement climatique).

 Est-ce que le désespoir c’est se dire que quand on touchera le fond, il y aura moyen de mettre en œuvre une poussée pour remonter à la surface ? Oui, si on a pris la peine d’y réfléchir avant collectivement, sinon il restera ce rêve de l’homme pensant se sauver lui-même, et tant pis pour les autres !.J-P Damaggio

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