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Vie de La Brochure
28 septembre 2016

Foucault : de Mao à Komeiny (14)

La différence entre la révolution culturelle chinoise et la révolution iranienne est simple : l'une fut plutôt éphémère, et l'autre est plutôt durable d'où mon intérêt pour cette question encore aujourd'hui.

En son temps, la révolution culturelle a obtenu, à Paris, de très nombreux soutiens à l'Ecole normale supérieure et j'ai fait l'effort d'acheter le Petit Livre Rouge pour comprendre, mais je n'ai pas compris ! Pensez donc, Mao avait décidé d'abolir la frontière entre travail manuel et travail intellectuel ! N'est-ce pas génial pour un intellectuel ! Le sentiment de culpabilité va faire pour longtemps des ravages dans ce milieu! De plus, parmi les intellectuels, les mandarins voulaient en finir avec les mandarins !

 Foucault, face à la répression des maoïstes de la Gauche prolétarienne va donc les soutenir à tel point que les Trotskistes de la LCR le regardèrent avec méfiance jusqu’au jour où Brejnev est venu en France. La grande rencontre de la salle Récamier des défenseurs des dissidents en 1977, fut un melting pot où des Nouveaux philosophes (Alain Finkielkraut (ancien maoïste lui aussi), B-H L. etc.) à Krivine on se mit à cogiter un maximum. Foucault était là (voir photo), tout comme, pour des raisons journalistes, le correspondant du Corriere della sera, du moins  je l’imagine car quand viendra la révolution à Téhéran, il proposera un projet d’écriture qui va reprendre des idées que Foucault défend à ce moment là.

 Christian Laval et d’autres membres de la LCR vont à cette occasion obtenir un rendez-vous avec Foucault : « Michel Foucault avait paru un temps très lié à la fraction maoïste de l’extrême gauche et n’avait en tout cas jamais eu de contacts directs avec les trotskystes de la Ligue communiste révolutionnaire, lesquels avaient plutôt tendance à le renvoyer hors du champ légitime de la pensée révolutionnaire. »

 Les auteurs veulent rendre compte d’un livre de Michel Foucault paru en 1976, La Volonté de savoir, premier volume de son Histoire de la sexualité, et le débat va se porter d’abord sur le mot histoire présent dans Histoire de la sexualité.

« Je ne suis pas un historien, ni professionnellement, ni dans ma pratique ; aucun historien ne se reconnaît dans le travail que je fais. Mon problème est toujours un problème contemporain, qui est le fonctionnement de l’asile, comment la justice pénale fonctionne actuellement, qu’est-ce c’est que les discours sur la sexualité que l’on entend actuellement, etc., et à partir de cela, essayer de faire ce que j’appelle l’archéologie, pour éviter le mot l’histoire, l’archéologie d’un problème.

-Rouge : Pourtant le titre de votre dernier livre porte le mot « histoire »…Pourquoi ne pas dire plutôt « généalogie » ?

- Michel Foucault : Oui , oui, finalement « histoire » bien sûr, c’est très embêtant, oui, le mot histoire je me suis rabattu sur lui parce qu’il ne veut plus rien dire et qu’on accepte actuellement de l’employer sans être trop forcé à se dire historien de profession ou sans avoir à fonder en scientificité ce qu’on dit ; le mot «généalogie», si je n’ai pas employé le mot de « généalogie », c’est qu’il a des connotations très exactement nietzschéennes. »

 L’idée, mise en œuvre ensuite en Iran, est d’aller là où les hommes font l’histoire pour décrypter dans l’actualité tout ce que cette action porte d’histoire. Mais en 1977 personne en France ne se pose les questions du monde musulman si bien que le PCF désireux enfin de publier un livre sur le sujet fera appel, en 1981, à une Italienne.

Comme Foucault parle avec des membres de la LCR il s’attendait à ce qu’on l’interroge sur la lutte des classes et le marxisme donc il en a vient à Marx, sur ce point bien connu, sa critique de l’idée que « la propriété c’est le vol » :

« Autrement dit, la question posée était celle du vol : « Comment les patrons nous volent-ils, comment la bourgeoisie nous vole-t-elle ? » Question négative que les socialistes de l’époque ne pouvaient pas résoudre parce qu’à cette question négative ils répondaient par une réponse négative : «vous êtes pauvres parce qu’on vous vole». Marx a inversé le truc en disant : bon, cette pauvreté, cette paupérisation, à laquelle nous assistons, elle est liée à quoi ? Il a découvert que les mécanismes positifs formidables qui étaient derrière tout ça, ceux du capitalisme, de l’accumulation du capital, tous ces mécanismes positifs de l’économie qui était propre à la société industrielle qu’il avait sous les yeux. »

Bref la propriété ce n’est pas le vol, c’est la récupération de la plus-value. Et Foucault va insister à un autre moment :

« Rouge : Ce que vous voulez dire, c’est que le pouvoir ça part de la base…

- Michel Foucault : Si le pouvoir c’est la lutte de classes ou la forme que prend la lutte des classes, il faut replacer le pouvoir dans la lutte de classes. Voilà. Mais je crains qu’on ne fasse souvent dans beaucoup d’analyses le contraire et que l’on définisse la lutte des classes comme une lutte pour le pouvoir. Il faudrait regarder les textes de Marx, mais je ne crois pas être radicalement antimarxiste en disant ce que je dis. »

 Pour ma part, tout au long de l’entretien je découvre un Foucault plus subtil que celui qui ira à Téhéran mais aussi un Foucault inquiet. Il a mis en avant le mot répression dont il découvre qu’il a été récupéré par le système et il tente en conséquence à «mettre un cran d’arrêt» lui demande Christian Laval (Est-ce que, d’une certaine façon, votre travail aujourd’hui n’est pas une espèce une sorte de cran d’arrêt à ce que l’on a appelé le « gauchisme culturel »?), que Foucault préfère appeler «une accélération».

On retrouve par contre une pratique constante de sa vie qu’il explique ici : ne pas polémiquer.

« Michel Foucault : Alors là, je vais vous dire. Je n’entreprends pas de critiquer untel ou untel. Je ne le fais pas tout simplement pour une raison très bête, c’est que je n’ai pas le temps. Je vais vous dire : pour faire une bonne critique, il faut s’en donner les moyens, connaître exactement les textes, les parcourir dans tous les sens, etc. Et je crois d’autre part que ces modalités d’analyse critique ont absorbé l’énergie de la plupart des intellectuels français pendant des années et des années. »

A suivre. Jean-Paul Damaggio

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