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Vie de La Brochure
16 octobre 2016

Retour sur Dario Fo

dario

Dans ma bibliothèque j'ai deux livres de Dario Fo : Le gai savoir de l'acteur et Amour et dérision. Et comme l'indique la critique de l'Humanité, j'ai pu voir plusieurs de ses pièces au Festival d'Avignon. Je retiens du personnage ce qu'on trouve chez Nanni Moretti : tout faire, je veux dire faire l'acteur, le réalisateur, le producteur et tant d'autres choses. D'où la difficulté pour jouer du Dario Fo car à être l'acteur qu'il était, il est difficile à remplacer.

Je reprends donc en hommage le texte de l'Humanité qui cependant à la fin préfère écrire " Politiquement imprévisible" que d'écrire qu'il était devenu un soutien du Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo. Son fils est chroniqueur sur le journal Il Fatto quotidiano. J-P Damaggio

 

Dario Fo, un excommunié au paradis

MARIE-JOSÉ SIRACH

L'HUMANITÉ, VENDREDI, 14 OCTOBRE, 2016

 Acteur, auteur, metteur en scène, peintre, dessinateur, scénographe, l’artiste est mort à l’âge de 90 ans. Nobélisé en 1997, ses pièces continuent de se jouer partout dans le monde. Dario Fo n’a jamais rien fait comme tout le monde. C’est le jour de l’attribution du prix Nobel de littérature qu’il a tiré sa révérence. Comme un pied de nez, non pas tant à cette royale académie qui le lui avait remis en 1997, mais à tous ses détracteurs d’hier et d’aujourd’hui, notamment du côté du Vatican, qui s’était alors fendu d’un communiqué «laconique» dans les colonnes de son bulletin paroissial, l’Osservatore romano, pour se lamenter de ce prix remis à «un bouffon». Une «insulte» aux yeux de la très sainte publication, qui avait dû faire éclater d’un rire tonitruant Dario Fo l’indomptable.

Chez Fo, la langue, avant d’être écrite, est orale

Dario Fo est né le 24 mars 1926 à Sangiano, en Lombardie. Fils d’un chef de gare, il aimait traîner le soir dans les cafés au bord du lac Majeur pour écouter les pêcheurs et les ouvriers verriers raconter des histoires, des affabulazioni qui ont nourri son imaginaire dès sa plus tendre enfance. C’est d’ailleurs plusieurs de ces histoires fantasques, fantastiques et allégoriques qui nourriront son discours de Stockholm. Car chez Fo, la langue, avant d’être écrite, est orale. Et cette langue, gentiment grivoise, méchamment satirique, qui emprunte autant aux dialectes de la vallée du Pô qu’à des expressions latines, espagnoles et même allemandes, avant de la coucher sur le papier, il la malaxe, l’étire en bouche, l’avale, la crache, la recrache, la fait sonner et résonner de mille ponctuations et exclamations. Fo s’en empare avec exubérance, créant un théâtre truculent, provocateur, outrancièrement excessif, joyeux et désordonné. Sur scène, son visage épouse toutes les expressions : il grimace, fronce les sourcils, cligne des yeux. Son corps n’est pas en reste qui se métamorphose au gré de la multitude des personnages qu’il incarne.

Dans les années 1950, Dario Fo fait ses débuts au cabaret et à la radio. Écrit de nombreux sketchs. Il vient pleinement au théâtre dans les années 1960. Il s’inscrit délibérément dans la tradition du jongleur médiéval, de ces bateleurs qui allaient de ville en ville, de foire en foire en racontant des histoires du quotidien avec une forte tonalité politique. Mistero Buffo décline à satiété des attaques contre l’ordre établi, les nantis et les tartuffes de tout poil. Avec Franca Rame, sa complice au théâtre et dans la vie, disparue en 2013, ils fondent en 1968, avec le soutien du PCI, la coopérative théâtrale Nuova Scena. En 1970, il rompt avec le Parti communiste – Fo est beaucoup trop libertaire pour se plier aux règles du Parti, même italien –, mais il poursuit sa démarche avec son collectif la Commune, pour se mettre « au service du mouvement révolutionnaire prolétarien ». Son engagement permanent lui vaudra les foudres du Vatican, mais aussi des démêlés avec la police, la censure, la télévision… Fo est un saltimbanque des temps modernes qui joue sur les marchés, les places des villages, les usines occupées. Après les représentations, le spectacle se poursuit au cours d’échanges drôles et véhéments, souvent tard, très tard dans la nuit.

Ses pièces sont montées et jouées par nombre de jeunes compagnies

En 1959, il écrit Les archanges ne jouent pas au flipper. La décennie suivante, le public découvre Isabelle, trois caravelles et un charlatan, pièce qui pourfend la reine, le roi, le navigateur et bien sûr l’Église. Puis Mystère Bouffe en 1969 (qui fera son entrée au répertoire de la Comédie-Française en 2010), une jonglerie populaire qui ne cessera d’évoluer au fil du temps et des aléas, une performance où Fo, seul sur scène, entouré du public, joue tous les personnages qu’il passe en revue depuis le Moyen Âge. Cette même année, il écrit l’Enterrement du patron, une farce hilarante où les ouvriers se moquent ouvertement de leur patron. En 1970, dans Mort accidentelle d’un anarchiste, il raconte avec son humour corrosif et grinçant la mort par défenestration depuis les locaux de la préfecture de Milan de Giuseppe Pinelli. En 1974, Faut pas payer est une satire drôle où les femmes mènent la révolte dans une cité populaire pour protester contre la flambée des prix à l’effarement de leurs maris, légalistes jusqu’au bout de leurs fraiseuses… Dans les années 2000, il écrit des charges contre Silvio Berlusconi et ses démêlés judiciaires dans Ubu roi-Ubu bas et l’Anomalo bicefalo. Aujourd’hui encore, les pièces de Dario Fo sont montées par bon nombre de jeunes compagnies. Il n’est pas une édition du off d’Avignon où ne figure l’une d’elles.

Dario Fo abhorrait le sentimentalisme. Pour lui, « le théâtre ne peut être qu’engagé. Un comédien ne peut aller qu’en prison ». Politiquement imprévisible, il a été d’une fidélité sans faille aux gens de peu, aux humiliés, auxquels il a redonné, à travers son théâtre, leur dignité.

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