La mondialisation cléricale

Avant de me débarrasser de vieux papiers je sauve aujourd'hui, cet article de 2003. Je ne l'écrirai pas de la même manière aujourd'hui mais je pense qu'il reste utile. De plus le P.S. qui fait référence à un article que par contre je ne connais pas sur l'Equateur, témoigne de ma passion ancienne pour ce pays. Il est fait référence à Nina Pacari qui était devenue ministre de Lucio Gutierrez mais elle a été conduite à démissionner six mois après symbole du virage à droite du nouveau président qui finalement sera chassé par une révolte populaire. J-P Damaggio

Article du journal Rouge et Vert 20/01/2003

La mondialisation cléricale

 Divers événements m'incitent à attirer l'attention des lecteurs sur une dimension sous-estimée de la mondialisation, son côté clérical. Pour qui ne comprendrait pas la formule, je rappelle que Bush parle de "guerre sainte" or, n'ayant jamais eu la prétention de prendre ses déclarations pour des effets de style, je traite le sujet avec sérieux. Si la présence au Moyen-Orient des soldats US a une raison économique, il serait regrettable d'en rester là car, entre nous, l'Empire n'a pas besoin, pour contrôler le pétrole, d'intervention militaire.

Le cœur du dilemme est antérieur à la découverte du pétrole lui-même : il s'agit d'imposer au monde un certain american way of life. Comme toute nouvelle religion, il arrive un moment où la caution militaire devient indispensable (en signe d'optimisme notons que l'usage de la force est signe d'une crise profonde). Qui est alors l'ennemi ? Non pas l'islam puisque les amis islamistes des USA sont légions mais un comportement islamiste qui conteste ouvertement le modèle étasunien. Et comme ce comportement se donne des airs religieux, la réplique est une guerre de religion.

Parmi les éléments clefs de l'american way of life, je compte l'implantation partout des supermarchés. Je viens de Tunisie où à Tunis un immense supermarché trône du côté des quartiers chics. Une anecdote au milieu des souks ? Pas du tout. L'ami qui nous promenait expliqua que ce supermarché était devenu, pour lui aussi, un lieu d'achat, même s'il préfère acheter la viande et tant d'autres choses au petit marchand du coin de sa rue. Comme Mac Do, qui pèse plus que l'intérêt strictement économique, saisissons toute la religion de la consommation véhiculée par le supermarché, une religion devenue inévitable. Religion du fric qui se couple très bien avec les religions des diverses sectes made in USA comme la Scientologie ou made in France comme Raél. Parce que beaucoup pensent que nous vivons une époque digne de la fin de l'empire romain, certains voudraient se changer en prophètes (je pense à Garaudy) mais ils se trompent d'âge de la religion.

La guerre sainte déclenchée par Bush a donc des aspects économiques premiers qui véhiculent toute une "normalisation" sociale.

Face à cette offensive, il nous appartient de relever le drapeau de la laïcité en le confrontant aux réalités présentes de la mondialisation cléricale. Si le moyen de son avancée s'appelle "la télévision", il me paraît souhaitable de proposer une télé laïque. Si le cœur du modèle est la machine à uniformiser de la religion du fric, il me paraît souhaitable de répondre : d'autreS mondeS sont possibleS (vous saisissez le rôle du pluriel ?). Si l'humanisme est à ranger dans les poubelles de l'histoire, il me paraît souhaitable de reprendre les justes combats de la raison. Si les clergés deviennent loufoques, scientistes, technocratiques, il me paraît souhaitable de retrouver un élan démocrate. Mais suis-je encore de ce monde? 

Jean-Paul DAMAGGIO

P.S. : Dans un précédent article sur l'Equateur, j'indiquais que si Nina Pacari devenait ministre j'y verrais un signe positif d'avancée du mouvement populaire. Elle sera ministre des Affaires étrangères et je m'amuse par avance de la surprise qu'elle va créer dans les chancelleries. Une femme, une indienne, une conscience novatrice du renouveau de l'humanisme, voilà une tentative à prendre en compte. D'autant qu'elle précise que cette nouvelle dimension du combat démocratique est seulement une pierre de plus au combat général et non le lieu central de ce combat ! Elle n'annonce pas des miracles mais elle sera à son poste pour agir. A suivre.