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Vie de La Brochure
26 novembre 2016

Retour sur Guy Catusse chez Deloche

Nadine PICAUDOU

Librairie Deloche

Rencontre avec Nadine Picaudou Catusse

8 décembre 17 h 30

Pour échanger sur le livre écrit

à partir de la vie de Guy Catusse.

 

Guy Catusse : du communiste à la légende

 Nadine Picaudou-Catusse vient d’écrire un beau livre sur Guy Catusse dont je vais rendre compte en inventant une histoire.

Guy Catusse a été en Tarn-et-Garonne un dirigeant communiste de la fin des années 60 jusqu’en 1982. A l’époque « dirigeant communiste » signifiait : « mettre en œuvre la ligne du parti ». Le PCF avait un « comité central » où, après de vives discussions, était décidé d’une ligne que la pyramide dirigeante devait insuffler aux membres de l'organisation. Cette ligne a pu eu diverses phases : 1970, 1975, 1977, 1980, 1984 etc. D’où l’existence de deux classes de dirigeants : ceux pour qui le changement de ligne était leur œuvre donc ils pouvaient rester en place, étant les mieux à même de mettre en œuvre « la rectification » de la ligne précédente. Ceux qui en "fonctionnaires" faisaient vivre la ligne.

Pour Guy Catusse la ligne était toujours la même, les rectifications n’étant que tactiques, face au cœur du communisme, à savoir la stratégie.

Quand, brusquement, j’ai appris que l’amour l’avait conduit à Paris j’en ai déduit qu’il avait tout pour devenir un grand dirigeant du PCF. A se rapprocher du centre, il pouvait cesser de mettre en œuvre une ligne, pour accéder au rôle considérable de créateur de cette ligne. Je ne vais pas ici énumérer les multiples qualités capables de l’aider à réussir cette mutation.

 Et l’inverse s’est produit d’où à mes yeux l’entrée dans la légende que je peux imaginer grâce au livre de Nadine vu que si je l’ai connu avant, je ne l’ai plus connu après… à un détail près !

 Cette légende aurait dû m’inciter à titrer l’article : du classique au baroque.

Car Guy Catusse était un classique prof de français pour qui l’histoire était portée par les classiques et leur grandeur. Hier encore je lisais les propos d’un philosophe catalan, Manuel Sacristan, qui, parlant de Gramsci qu’il a beaucoup défendu, dit : « c’est un classique ». Il le dit face à ceux qui voudraient le cantonner dans deux boîtes : celle de l’Italie et celle de la mode. En effet son propos date de 1977, quand Gramsci fut à la mode, appelé à la rescousse pour soutenir une farce désignée du nom d’eurocommunisme. Pour Sacristan c’était même pire qu’une farce, une idiotie.

Un classique n’est pas un disciple, un classique n’est pas local, un classique est toujours quelque part un fondateur. L’organisation du PCF était classique et a diffusé « les classiques du peuple ».

 Dans le classicisme il existe de fait un centre et une périphérie. Au centre la capacité à impulser, et à la périphérie la capacité à généraliser. Dans une voiture le centre est le moteur, et la périphérie, les roues.

 J’imagine Guy Catusse arrivant au centre et découvrant alors qu’il n’était que périphérique. J’insiste sur le mot : « j’imagine » à propos de Guy Catusse, mais en fait cette sensation est très connue. Le changement de géographie change le regard. Je cite souvent mon idole Jules Momméja qui quittant son cher Tarn-et-Garonne pour le service militaire entend tout d’un coup dans sa chambrée à Nantes, un homme qui chante Lou Boier et découvre alors, qu’il vient de la civilisation occitane. Mario Vargas Llosa arrivante à Paris découvre qu’il n’est pas seulement Péruvien mais Latino-américain. Et à son sujet nous dirons que sa vie durant il fit d’immenses efforts pour devenir un classique. L’histoire seule dira s’il a réussi.

 Guy Catusse qui avait un chemin tout tracé va donc bifurquer jusqu’à se passionner pour le baroque ! Après son départ de Montauban, je n’ai su de lui que cette mutation grâce à Félix Castan qui m’apprit un jour : « Guy Catusse va m’aider à publier les Actes du Baroque ». Sur le coup j’ai cru seulement à un appui technique du centre pour la périphérie. Trente ans après, en rencontrant Nadine à l’œuvre pour écrire son livre, j’ai découvert qu'une forme du baroque était devenu pour Guy le cœur de son engagement !

 

église quito

Il devait y avoir, comme en tout classique, un baroque endormi, comme il y a en tout baroque, un classique endormi. Sauf que pour moi, cette articulation entre le classique et le baroque a toujours été mystérieuse ! Il m’est arrivé de participer aux rencontres du Baroque chères à Félix Castan sans qu’elles accrochent ma curiosité. L’occitanisme, je comprenais, le baroque non !

 Finalement ce sont les penseurs équatoriens qui me permirent de rentrer dans la légende : le baroque à Quito n’est rien d’autre que l’expression artistique d’un refus de l’ordre en place. Le baroque comme revanche de la périphérie sur le centre; du désordre sur l'ordre ?

 Les rencontres du baroque à Montauban permettaient de découvrir sa dimension européenne et sa capacité à traverser les époques et les arts. Le baroque pouvait tout autant se découvrir dans la musique que dans l’architecture.

 Ainsi, Guy Catusse qui à Montauban n’avait porté qu’une attention secondaire au travail de son camarade Castan, constate à Paris, avec d’autres amis, que là résidait l’essentiel de sa vie ! Et il s’est lancé dans le baroque comme il s’était lancé dans la vie du PCF.

 Généralement, pour est clair, il appartient à chacun de choisir son camp. Une église baroque est une église baroque et quand, me retrouvant à Quito quinze après, j’ai eu la chance de repasser devant l’église la plus baroque (l'Eglise de la Compagnie de Jésus) au moment de l’office (elle est généralement fermée) j’ai vérifié plus que jamais l’aspect baroque (la photo fut rapide car interdite). Pourtant les frontières entre les deux camps sont poreuses d’où parfois les confusions chez ceux qui hésitent. Castan et Catusse décidèrent d’habiller de baroque, leur classicisme de fond. Chacun à sa façon. J-P Damaggio

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Merci pour cette réflexion et cet éclairage. J'y ajoute cette note : sortant de l'école normale d'instituteurs où je n'avais jamais entendu parler de "baroque", je me suis retrouvé à l'ENSET où nous avons étudié de façon approfondie la poésie française du XVIe et du début XVIIe, et j'ai découvert le "baroque" littéraire. C'est en ce sens que pour moi le regard de Guy Catusse est très éclairant, car, au lieu de se lancer dans les digressions souvent fumeuses, et aux justifications hasardeuses d'engagements contemporains, auxquelles le polysémie du mot "baroque" incite, un peu trop facilement, et avant de faire le lien avec les autres champs sémantiques (architecture, musique, etc.) Catusse a creusé effectivement le champ sémantique du baroque littéraire. Pour qui en a envie, je signale son remarquable article consultable sur internet : "Aux origines du baroque littéraire en France : 1935-1950. Aperçus historiographiques".<br /> <br /> https://dossiersgrihl.revues.org/5060
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