Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vie de La Brochure
7 janvier 2017

Pablo Larrain : de No à Neruda

film neruda

Le cinéaste chilien Pablo Larrain s’est fait connaître avec le film NO, qui raconte cet événement paradoxal : la victoire du NON à un référendum organisé par le dictateur Pinochet qui, vu son pouvoir, était supposé le gagner. Le réalisateur a décidé de s’affronter à un autre paradoxe qui est peut-être la cause de son prénom : Pablo Neruda. Pourquoi un poète paradoxal ? Parce que le réalisateur a souhaité ne rien masquer de ce génie pas très sympathique quand on regarde l’homme ! Tout en révélant plus que jamais… le génie !

C’est vrai, ils sont des dizaines ces grands artistes, écrivains, poètes, musiciens où l’œuvre et la vie ne sont pas du même ordre. Pour la France le cas bien connu est celui de Drieu La Rochelle, grand écrivain engagé dans le camp du fascisme.

Pour Neruda, les contradictions sont tout autre : les deux faces apparaissent quand une femme l’interpelle dans le film : dans le communisme tout le monde sera égal mais égal comme vous Neruda ou comme moi simple femme ? La réponse du poète ne fait aucun doute : « comme moi ». D’où à un autre moment ce conseil de son garde du corps : « vous devriez être plus modeste. » Dans les deux cas les observations viennent non pas d’adversaires mais d’admirateurs.

Comment Pablo Larrain pouvait-il présenter cet homme prétentieux, arrogant, mégalo tout en rappelant le génie poétique qui en fait une valeur de référence pour tout Chilien ?

Car, avec Marie-France nous avons eu l’occasion de le vérifier : le culte à Neruda est toujours présent partout au Chili sous les formes les plus diverses et les plus sincères ?

Dans NO le réalisateur a travaillé avec un acteur mexicain GAEL GARCÍA BERNAL qu’il apprécie et qu’il voulait pour ce nouveau film mais il ne pouvait pas jouer le rôle principal car il n’a rien, physiquement, de la stature de Neruda.

Il lui a suffi de décider d’un personnage de fiction qui serait le personnage secondaire tout en étant le personnage principal par divers artifices. Il s’agit du policier qui poursuit Neruda au moment où il doit fuir, en 1948, les persécutions d’un président pourtant élu par les communistes !

L’histoire politique du Chili est pleine de paradoxes et il m’est arrivé d’évoquer cette persécution dans un petit livre : Tant de sang ouvrier dans le nitrate chilien.

J’y mentionne comme dans le film la présence du jeune Augusto Pinochet à la direction du camp de concentration qui reçoit les victimes d’arrestations pour cause d’engagement social et communiste.

Ce policier est pour une part une invention de Neruda et au fil des jours il révèle son admiration pour le poète. En conséquence si même ce policier peut admirer l’écriture de Neruda c’est reconnaitre la valeur du poète !

 Finalement entre NO et Neruda nous sommes face à des éléments similaires :

Le suspens

Le suspens ne peut pas venir de l’histoire qui est connu : aussi bien le fait que le NON l’emporta que le fait que Neruda ne meurt pas en 1948.

Le suspens, bien conduit, tient au devenir du journaliste devenu policier : le journaliste de NO qui contribue tant à l’échec de Pinochet revient ensuite parmi les anonymes ne cherchant en rien à monnayer sa contribution, pour le policier de Neruda, je ne peux donner la fin pour ne pas casser le suspens.

La politique

Dans NO le journaliste marginalise une gauche archaïque plus tourné vers la mort que vers la vie et dans Neruda, cette même gauche n’est pas très glorieuse.

Les femmes

Pablo Larrain est-il marqué par le machisme chilien ? Dans les deux films les femmes sont de bon conseils mais les hommes ont du mal à les écouter. Si le policier joue un rôle secondaire qui devient principal les femmes jouent des rôles secondaires que la vie maintient au second plan ! C’est un peu le côté le plus noir de Neruda : son mépris envers les femmes. Le réalisateur sans insister rappelle l’histoire de la première épouse avec qui il a eu un enfant et qu’il a abandonné, une histoire sordide dont Sepulveda a fait une nouvelle prenant pour point de départ une rencontre avec la tombe de l’enfant en Hollande.

Ce texte est génial : Sepulveda et Neruda

Mais dans le film si, en privé, la femme a d’immenses reproches à faire au poète, et le policier espère pouvoir la manipuler pour le discréditer, devant les micros de la radio elle ne peut que le célébrer publiquement ! Ce qui renforce encore l’écart entre l’image publique et l’image privée.

 Pour mille est une raisons le Chili est un pays à nul autre pareil (c'est celui du sud, celui de Neruda qui est présent dans le film). Pourtant, aux yeux de Pablo Larrain, cette exception chilienne peut nous en apprendre beaucoup et en particulier sur les drames de la gauche mondiale. Un film qui surprend. Un film à la belle musique. Un film au succès assuré. Un film que je recommande.

Jean-Paul Damaggio

 P.S. Il existe un film célèbre sur un "autre" vision de Neruda, il postino ou en français le facteur, qui se déroule en 1950 donc juste après l'épisode évoqué par Pablo Larrain

Mes autres écrits sur NerudaEcrits_sur_Neruda

Publicité
Publicité
Commentaires
Vie de La Brochure
Publicité
Archives
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 1 023 471
Publicité