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Vie de La Brochure
22 mars 2017

Clovis Hugues dans l’Echo de Gascogne

clovis hugues

Léon Cladel a toujours soutenu les journaux culturels des départements et chaque fois qu’il le pouvait il faisait connaître son ami de toujours Clovis Hugues. C’est ainsi que l’Echo de Gascogne a présenté l’homme avec un portrait charge de E. Milet. J-P Damaggio

 L’Echo de Gascogne n° 5,  5 mars 1887

CLOVIS HUGUES

Echevelé et farouche, notre cher collaborateur, l'exquis poète Clovis Hugues, s'amuse quelquefois à apparaître aux bourgeois comme un diable sortant d'une boite. Mais ne vous effrayez pas, grands enfants. Ce diable est le meilleur des diables et il n'a d'autre fourche que les deux pointes sonores et effilées de ses rimes.

Méridional, poète et député, mais méridional et poète bien plus encore que député, Clovis Hugues intéresse doublement les lecteurs de l'Écho de Gascogne. D'autres vous diront s'il est rouge, bleu, blanc ou tricolore ; nous autres, nous savons seulement qu'il a écrit des vers pleins de couleur et de la prose étincelante ; et, fût-il le plus grand politicien du Palais-Bourbon, nous aurions encore la futilité de ne nous inquiéter que du poète.

C'est que ce poète est un des plus sympathiques que nous connaissions. Né à Marseille, il a conservé toujours, comme tous ceux de Provence, la bonne humeur, la verve, l'entrain communicatif et l'éloquence ensoleillée du sol natal. Tout jeune, il se fit remarquer par des articles pleins d'ardeur et surtout par des vers dont la forme déjà ferme et bien rythmée annonçait un poète de race.

Venu à Paris après de brillants débuts à Marseille, il mêla toujours à sa bruyante vie politique le souci de la poésie et les travaux d'art pur. Et pendant qu'il publiait dans les journaux de son parti de grandes poésies socialistes, d'une ampleur à la fois lyrique, ironique et éloquente, sous le titre la Muse du Peuple, il faisait paraitre chez Lemerre un exquis et parfumé recueil de vers purement littéraires : les Soirs de Bataille.

Ce qui distingue la poésie de Clovis Hugues, c'est une inspiration soutenue et toujours originale, une grande facilité à trouver les rythmes appropriés au sujet, et surtout la couleur et la sonorité du style, qualités qu'on retrouve chez tous les bons écrivains de son pays natal.

Ces qualités, déjà très remarquées dans les Soirs de Bataille, se sont montrées plus largement encore dans les Evocations, un superbe recueil paru l'an dernier chez Charpentier. Et espérons que de prochains volumes de notre poète nous permettront de l'applaudir encore, et très souvent.

Prochainement d'ailleurs, l'Odéon doit représenter un petit acte en vers, de lui : la Robe, dont le scénario, qu'on nous a fait connaître, est plein de fraîcheur et de modernité comme les tableaux de genre de la jeune Ecole.

Cette charmante fantaisie aura, nous en sommes sûr, un très grand succès, car Clovis Hugues, bien que politicien, jouit de la sympathie de tous ses confrères en littérature. Joyeux et spirituel causeur, il fut toujours à toutes les fêtes de l'esprit. Il était, par exemple, un familier de Victor Hugo, et le grand poète avait pour lui une très réelle estime.

On raconte, à ce propos, une bien jolie anecdote qu'on nous permettra de rappeler pour finir, et qui montre combien Clovis Hugues jouissait de l'intimité du Maitre.

Un jour que le poète de la Légende des Siècles et le poète des Soirs de Bataille se trouvaient dans un salon, parmi un blanc essaim de jeunes dames, ils s'étaient oubliés, absorbés dans une discussion artistique, jusqu'à causer seuls dans un coin de la salle, laissant les dames, seules aussi, attendre la fin de leur aimable dispute. Revenus à la réalité — réalité qui vaut bien un rêve ma foi -- ils crurent devoir s'excuser.

« Pardonnez-nous, mesdames, dit Victor Hugo, vous savez, des poètes...

— En effet, ajouta Clovis Hugues, il y a ici un poète. »

A quoi le grand Victor ajouta en souriant, et d'une voix timide :

« Il me semble que je suis bien un peu poète, moi aussi ! »

Exquis, n'est-ce pas ; il n'y a d'ailleurs que les superbes génies comme Victor Hugo, pour rendre ainsi avec esprit et humeur un si gracieux hommage à leurs jeunes disciples.

Vaperau Cadet

 

                          La Villa

Dis te rappelles tu la villa blanche et verte,

Quand l'amour souriait à nos furtifs aveux !

Des liserons grimpaient à ta fenêtre ouverte,

Où, dans le jour naissant, tu lissais tes cheveux.

 

La haute mer montait sur la plage déserte

Les roses du jardin faisaient pour nous des voeux.

Quand les houx se fâchaient, c'était en pure perte ;

Tout mon cœur te criait : « Je l'aime, je te veux ! »

 

Et je sais une place à tout jamais bénie,

Où nous avons connu la douceur infinie,

Le frisson d'un bonheur à nul autre pareil.

 

Un jeune arbuste y tord ses rameaux lourds de sève;

Et l'on entend auprès, tout auprès sur la grève,

Le long sanglot des flots roulés dans du soleil

Clovis Hugues

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