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Vie de La Brochure
6 avril 2017

Vallejo et Neruda

Plongé dans le Tinisima où Poniatowska raconte la vie de Tina Modotti, je découvre un écho à la fameuse rencontre des écrivains pour la défense de la culture à Valence le 4 juillet 1937. Juste ce bout de phrase : « César Vallejo fuit Neruda. Maria Luisa Vera court après Vallejo. Elle admire sa poésie. »

C’est un fait connu : Neruda et Vallejo ne s’aimaient pas. Vallejo jaloux du succès de Neruda ? Neruda vécut cependant assez longtemps pour rendre hommage au Péruvien. Neruda a toujours eu le sens de la communication. J-P Damaggio

 P.S. A part Picasso dont on reconnaît la signature, malheureusement impossible de donner le nom des autres auteurs des dessins croisés sur internet.

picasso vallejo

ODE A CÉSAR VALLEJO

Par Pablo Neruda

 La pierre dans ton visage,

Vallejo,

les rides

des sierras sauvages,

reviennent dans mon chant,

ton front

immense

sur ton corps fragile,

le crépuscule noir

dans tes yeux

à peine déterrés,

ces jours-là,

soudains,

inégaux,

chaque heure avait

des acides différents

cesarvallejocolor

ou de lointaines

tendresses,

les clefs

de la vie

tremblaient

dans la lumière poussiéreuse

de la rue,

tu revenais

d'un lent voyage,

sous la terre,

vallejo-portrait--picasso2

et sur les hauteurs tatouées

de cicatrices

je frappais aux portes,

pour que les murs

s'ouvrent,

pour que les chemins

se dénouent,

à peine arrivé de Valparaiso

j'embarquais à Marseille,

comme un citron parfumé

la terre

se coupait

en frais hémisphères jaunes,

toi

tu demeurais

vallejo 3

là, attaché

à rien,

avec ta vie

et ta mort,

avec ton sable

en train de s'écouler,

te mesurant,

te vidant,

dans l'air,

dans la fumée,

dans les rues brisées

de l'hiver.

C'était Paris, tu vivais

vallejo 5

dans les hôtels

délabrés des pauvres.

L'Espagne

perdait son sang.

Nous accourions.

Ensuite

tu demeuras

à nouveau

dans la fumée

et c'est ainsi que lorsque

tu disparus, soudain,

ce ne fut pas la terre

vallejo suite

des cicatrices,

ce ne fut pas

la pierre des Andes

qui recueillit tes os,

mais la fumée,

le givre

de Paris en hiver.

 

Deux fois exilé,

mon frère,

de la terre et de l'air,

de la vie et de la mort,

exilé

du Pérou, de tes fleuves,

absent

de ton argile.

Tu ne m'as pas manqué vivant

mais mort.

Je te cherche

goutte à goutte,

poussière à poussière,

sur ta terre,

ton visage

est jaune,

ton visage

est escarpé,

tu es plein

de vieilles pierreries,

d'urnes

cassées,

je gravis

les perrons

antiques,

peut-être

t'es-tu perdu,

prisonnier

des fils d'or,

couvert

de turquoises,

silencieux,

ou peut-être es-tu

dans ton peuple,

dans ta race,

grain

de maïs répandu,

semence

de bannière.

Peut-être, peut-être en cet instant

transmigres-tu,

reviens-tu,

à la fin

du voyage,

et seras-tu un jour

au cœur

de ta patrie,

insurgé,

vivant,

cristal du cristal, feu du feu,

rayon de pierre pourpre.

Pablo NERUDA.

Odes Elémentaires.

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