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Vie de La Brochure
22 avril 2017

1937 : Révolution culturelle par l’Espagne

Le fait est connu : la guerre d’Espagne a bousculé les artistes ou intellectuels du monde, d’André Malraux à Picasso. En lisant leurs interventions au grand Congrès de 1937 à Valence puis Madrid (et un final à Paris) on découvre qu’il s’agit en fait d’une révolution culturelle dans le sens où ce grand débat international a transformé TOUTES les questions culturelles et pas seulement dans le cadre d’un soutien aux Républicains.

Le film de Ken Loach, Tierra Y Libertad a évoqué une part de révolution sociale née au cœur de cette guerre, les communistes répondant : d’abord gagner la guerre et la révolution après. Le POUM répondant de son côté : par la révolution on va gagner la guerre. Je n’entre pas dans ce débat pour en revenir à cette autre révolution dans la culture qui, à mon sens, n’a pas été étudié dans ses répercussions globales bien loin dans le monde.

Amérique latine / Espagne

Pour les intellectuels d’Amérique latine, l’Espagne est le pays colonisateur dont les tares comme le caudillo, ont imprégné tout le continent même après la dite « indépendance » qui ne fut que l’indépendance des maîtres locaux du pays.

La lutte des Républicains donnait la preuve qu’il existait une autre Espagne capable de lutter contre un caudillo. Et en cherchant bien dans la culture espagnole cette Espagne là n’est pas née en 1936.

Tous les intellectuels contestataires de l’Hispano-Amérique, comme ils disaient, préféraient le lien avec la France et l’Italie, au lien avec l’Espagne malgré la communauté de langue. En 1937, ils vont se retrouver solidaires à la fois avec les luttes républicaines mais également avec un grand nombre d’intellectuels Nord-américains, les USA étant devenus le nouveau colonisateur. Mais pourquoi voir dans cette convergence une révolution culturelle ?

Espagne / Europe

Même en France l’histoire de l’Espagne ne suscitait de l’intérêt que chez des intellectuels marginaux. Des études ont montré comment ce pays était ridiculisé par les écrivains français du XIXe siècle et particulièrement par les écrivains plutôt à gauche. Sauf bien sûr quand il fallait évoquer les intellectuels espagnols admirateurs de la France sous le nom d’afrancesados. Comme s’il existait chez ces écrivains un complexe devant la grandeur de la culture française et son rayonnement mondial.

La Guerre d’Espagne va mettre le pays au cœur de l’actualité et de ce fait tous ceux qui avaient, presque en secret, la fibre espagnole, ont pris le devant de la scène et, des uns aux autres, communiquèrent un élan colossal pour inciter à repenser l’histoire culturelle de ce pays, qu’on découvrait presque comme la redécouverte des Amériques. Notons d’ailleurs, au sujet de ce mot découverte que, si la découverte des Amériques s’est transformé en conquêtes, ça ne peut effacer l’acte premier de la découverte (l’histoire de Colombo –pourquoi franciser ce nom ? - démontre ce passage de la découverte à la conquête).

Espagne / URSS

Au congrès de Valence, les écrivains soviétiques se firent plus les porteurs du désir de condamner Gide et son livre que du désir de solidarité. Ils étaient plus présents pour la défense inconditionnelle de leur pays que pour avoir des mots à l’adresse des Républicains. Peut-être parce que, l’URSS donnant la preuve de sa solidarité par les armes apportées à l’armée du pays, c’était plus efficace que des mots ! Sauf que cette défense inconditionnelle qui les transformait en écrivains du pouvoir, faussait la responsabilité des intellectuels plus porteurs de liberté de ton et d’idées, que d’hagiographie d’un régime en place dont tout le monde savait qu’il ne pouvait pas être sans tâche.

 Ces trois confrontations posaient à la fois la question du statut de l’intellectuel dans un système capitaliste et dans un système socialiste. Le système devenant socialiste la fonction de l’intellectuel peut-elle changer jusqu’au point d’en faire la voix du pouvoir ?

 Au cours des débats de Valence, César Vallejo portera les débats le plus loin parce qu’il était le seul à s’appuyer à la fois sur une connaissance précise, de la situation en URSS, des recherches de Gramsci grâce à son ami Mariategui (Gramsci venait de mourir) , des cultures indigènes des Amériques qui lui donnaient un recul par rapport à l’histoire européenne.

La guerre en Espagne va le confirmer dans ses recherches entreprises dès 1931 au moment où justement il est en Espagne quand par surprise arrive la première République dans ce pays.

 Il surtout il joindra la parole à ses actes en écrivant en quelques jours son œuvre poétique phare qui n’efface pas les autres travaux mais qui arrive comme un couronnement.

 C’est après le Congrès de Valence qu’il écrira en quelques jours : Espagne, écarte de moi ce calice.

Sent-il qu’il vit ses derniers jours (il meurt en avril 1938) ?

Il avait publié son deuxième recueil, Trilce en 1922. Il va continuer d’écrire des poèmes mais les nécessités de la vie vont le conduire vers le journalisme, le roman, les études sociales, et son livre sur la Russie. De son vivant aucun autre recueil de poésies ne paraîtra. Après sa mort, des poèmes seront rassemblés par sa veuve avec des discussions quant aux dates d’écritures de poèmes, quant à leur ordonnancement mais par contre Espagne, écarte de moi ce calice était une œuvre clairement construite, ordonnée, achevée, un couronnement de ses recherches.

 Je le répète, d’autres écrivains vont écrire à propos de la guerre d’Espagne et à 18 ans j’ai gardé un souvenir impérissable de celui de Bernanos : Les grands cimetières sous la lune, au point d’avoir eu l’envie de lire TOUT Bernanos. N’ayant jamais mis les pieds à l’église comment suis-je tombé sur ce livre ? Je ne sais plus. Peut-être parce que il présentait l’église sous un angle si peu traditionnel ? En lisant les écrivains du Congrès de Valence j’ai retrouvé José Bergamin grand écrivain catholique lui aussi et le Hollandais, Dr. J. BROUWER.

 Bernanos n’est pas présent, dans les éléments du Congrès que j’ai rassemblé il n’est pas cité mais il sera un pilier de cette révolution culturelle que j’évoque.

 Ceci étant, Vallejo qui pour sa part est aussi un écrivain catholique (Bergamin va le soutenir en permanence et comme ils ont été rares à le soutenir…) mais en même temps un marxiste affiché, poussera la réflexion plus loin jusqu’à atteindre l’universalité. Et je termine par ce mot souvent mal apprécié d’universalité. Comment un adepte de la lutte des classes peut-il aspirer à l’universalité ? Comment un homme aussi modeste peut-il prétendre à cette prétention d’universalité ? Car cette prétention doit être la responsabilité même de l’intellectuel ! Son être intime, profond, définitif ! Sa folie qui n’a rien à avoir avec la folie des grandeurs mais avec la folie de la vie populaire ! Face à la folie des Grandeurs qui n’est que vanité, la folie de l’universel qui n’est que solidarité. La religion dans ce qu’elle a de réel donc loin de ce que Dr. J. BROUWER

appelle la cléricaille, n’est rien d’autre que l’expression populaire de cette folie de la solidarité que Vallejo veut pour la vie réelle et que seul l’intellectuel peut exprimer puisque le prêtre ne le peut plus.

J-P Damaggio

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