Benedetto et Avignon

LINHA IMAGINOT

Bulletin del Sector Musica de l'Institut d'Estudis Occitans n°14 juin 1993

André Benedetto : Avignon Capitale

Une spectatrice de passage me disait qu'au lieu de disperser ses efforts sur de multiples centres d'intérêt, Avignon devrait tout miser sur la culture qui est son principal atout.

La question serait donc : Faut-il tout miser sur la culture ? La question suivante : Tout miser sur quelle culture ? Si l'on accepte l'idée qu'il y a plusieurs cultures, et si l'on arrive à les identifier à les définir et à les mettre les unes à côté des autres à l'étalage, et ensuite à choisir laquelle !

Il y a grosso modo la culture occitane de base (ou provençale) et la culture française. Le moins qu'on puisse dire est que (matinées d'italien d'espagnol, d'arabe...) elles ont des rapports complexes depuis des siècles. Et que le francitan a aussi bien des dialectes !

Oui plus complexes qu'il n'y parait à première vue. Ainsi quand au cours d'un loto dans un village on entend annoncer " Les envahisseurs " personne dans la salle ne pense à Monsieur Vincent (plus célèbre maintenant que celui que jouait Fresnay) mais tout le monde comprend que le n° 75 vient de sortir. On voit percer là un antagonisme bon enfant et un peu vieillot et qu'on risque de mal comprendre si un Marseillais qui a fait comme tout le monde ne vient vous dire à l'entracte (et sans rire) que les Marseillais sont les seuls vrais français ! Et ajouter peut-être que le français qu'il parle est bien supérieur à celui des gens du nord.

Le renversement de perspective mérite d'être notifié à tous les gens de courte-vue qui ont des certitudes néfastes, comme à ceux qui sont de la localité jusqu'à la moëlle des os et qui aimeraient tellement être d'ailleurs!

Il y a eu bien des malentendus. Il y en a encore beaucoup. Beaucoup plus sans doute qu'il n'y en a eu naguère ! Il y a vingt ans par exemple du temps de La Madone des Ordures, de Gaston Dominici et des Rescontres Occitans.

On ne peut pas dire qu'il faille tout miser sur la culture mais on peut affirmer qu'il faut miser gros sur les cultures, toutes celles qui prospèrent par ici : les autochtones, les allogènes, les disparates, les banlieusardes, les campagnardes les centrevilardes et de quartiers... au lieu de réduire la culture au culturel bcbg si clean smart distinguished and so on !

Foin des frilosités. Là où nous sommes, là est le centre. Le provincial est celui qui a honte de vivre en province. Il faut sortir de la pièce de Tchékov dans laquelle nous sommes englués depuis des années avec ces gens autour de nous qui ne rêvent que de partir, que de vivre ailleurs et qui ne savent pas qu'il n'y a pas d'ailleurs. Là où nous sommes, là est la capitale. Et si ses habitants la vivent ainsi alors elle se dresse et discute et débat d'égale à égale avec les autres capitales dans le monde.

mais pour cela bien sûr il faut avoir une certaine idée... un certain sens de notre dignité et de nos forces créatrices. André Benedetto