Du lait bio, comment?

A Caumont, la ferme de Monsieur et Madame Mariettaz est passée au bio (pour le lait) et ils ont souhaité expliquer le sens concret de cette opération aux membres de La France insoumise curieux de comprendre le sens de leur action. Ainsi en ce 28 mai pendant deux heures chacun a pu passer de la question classique de la consommation du bio, à celle plus cruciale (à mon sens) de la production du bio.

Dans l'esprit commun, il suffit d'enlever pesticides, engrais et toute la chimie, pour produire bio, or ce schéma simpliste alimente les opposants qui disent aussitôt : impossible ou à un prix considérable.

La visite a commencé par la consommation des vaches, la prairie. Première caractéristique de la ferme : la consommation des vaches se fait en autarcie ce qui suppose une propriété de 70 hectares environ où les diverses prairies sont conçues par rapport à l'alimentation animale (celles où les animaux mangent, celles où des réserves sont faites pour l'hiver...).

Mais pas n'importe quelles prairies ! Toute la philosophie est dans la diversité, la complémentarité, en clair la réflexion globale sur la vie végétale. Une prairie en luzerne a des avantages connus, mais dans le contexte de la ferme bio la recherche a permis d'inventer une prairie aux herbes diverses, qui ne poussent pas en même temps, au même rythme, dans les mêmes conditions pour que la prairie ne soit pas monoculture. Ils ajoutent en ce moment des arbres pour avoir une agroforesterie. La production d'une prairie adaptée n'est donc pas seulement un moins (moins de chimie…) mais un plus, un plus de recherches, plus de créativité, plus d'intelligence.

Oui, le résultat est un produit bio, bon pour la santé des consommateurs, mais en fait c'est plus que ça : c'est la recherche d'un autre mode de production dont les efforts sont d'ordre global.

Pour le capitalisme le temps c'est de l'argent, en conséquence le poulet industriel est la viande la moins chère. Investissez 100F qui vous rapporte 20 F en trois mois, donc au bout de trois mois vous pouvez investir 120 F etc.… Pas besoin d'être savant pour comprendre que le gain sera immensément plus grand que si vous investissez 100F et gagnez 20 F au bout de cinq ans !

Avec les prairies, les vaches de la ferme vont produire beaucoup moins de lait dans le même temps qu'une usine à lait. C'est un fait. Mais des vaches qui vont vivre mieux donc plus longtemps, pour un lait plus riche. La question ne peut plus être la permanente course de vitesse mais une analyse sur le long terme concernant le sol, l'animal et la fatigue humaine.

Pour ces deux agriculteurs qui ont dû tout inventer eux-mêmes, la motivation première est personnelle : mettre leurs actes en accord avec leurs idées. Ils démontrent que la motivation doit devenir sociale. Par l'éducation agricole, par les politiques adaptées, par les circuits de distribution etc.

 Mais poursuivons la visite par le champ de blé doublé de féveroles. Encore une invention audacieuse que je ne connaissais pas et qui témoigne parfaitement de cette recherche d'un autre mode de production. Dans un champ de blé les épis se touchent et les maladies peuvent circuler plus facilement. De plus les fèveroles n'utilisent pas les mêmes éléments et n'apportent pas les mêmes avantages. Une fois de plus : face à la spécialisation, la complémentarité. Face à des dépenses en engrais et autres produits une perte de production, certes, mais un sol conservé en bon état.

Disons le clairement, contrairement à un lieu commun, le bio n'est pas le retour à la bougie. Et l'étable où a lieu la traite, est ce qu'il y a de plus moderne ! Quant aux petit veaux féminins ou masculins, ils ont fait la joie des visiteurs.

 Mais le lait ensuite, où va-t-il ? En ce 28 mai le camio de Biolait est justement passé comme tous les trois jours. Des producteurs se sont regroupés dans Biolait. 150 millions de litre de collectés en 2015. C'est 2,1% de la collecte générale de lait. Et nous arrivons au dernier argument : c'est juste une poussière par rapport à la production générale.

 Et là le discours politique prend toute sa place. Qui commande pour le moment ? Le circuit de distribution dont la machinerie, vu son ampleur, a besoin de lait UHT. Plus que l'industriel, c'est la grande distribution qui fait la loi. En 1968 quant le premier supermarché s'est installé à Montauban il avait contre lui toutes les forces politiques, mais 5 ans après, toutes les forces politiques faisaient la cours à la grande distribution ! Elle dicte sa loi aux industriels qui la dicte aux paysans. Je ne crois pas que le développement du bio viendra de l'action des consommateurs qui, effectivement incitent à l'heure actuelle à un changement des règles, mais si le système de production reste le même on peut produire du bio comme du non bio ! Parce que des ouvriers africains subiront une exploitation sans nom en Espagne ! (simple exemple) La visite de cette ferme démontre que sans action globale, cohérente, du premier pas au dernier, l'écologie peut devenir une vitrine, alors qu'elle a besoin de signer la mise en place, petit à petit, d'une autre société.

Si Mélenchon a surpris c'est qu'il a décidé d'opter pour la pédagogie. Et il a su le faire car à présent son programme est cohérent ce qui ne signifie en rien que tout est clair, dans l'ordre et applicable. Il s'agit d'impulser cette nouvelle quête d'avenir qui passe par la mise en cause des puissances économiques. Celles qui inondent la presse de leurs publicités, celles qui inondent les esprits de leurs idées toutes faites. Celles qui nous bouchent l'horizon et conduisent la planète à sa perte. J-P Damaggio

P.S. Ceci est un résumé qui ne peut pas rendre toute la vie d'une telle visite.

Pour en savoir plus :

La fête du lait bio : http://fete-du-lait-bio.fr/

www.tvcitoyenne.com/n31-france/tv-elections-legislatives-2017-dans-la-2eme-en-tarn-et-garonn.html?vod=14614