Leonardo Padura et Cuba
Les écrivains siciliens ont toujours montré qu'il n'était pas utile d'aller chercher leurs axes d'écriture loin de Palerme puisqu'en Sicile ils étaient face à toutes les civilisations méditerranéennes.
Je pense à un autre Léonardo, Sciascia de son nom, mais pas seulement à lui. De Verga à Camilleri en passant par Pirandello, la Sicile se fait œuvre littéraire à travers les décennies, en tant que métaphore de l'Italie mais plus largement de toute la Méditerranée. La Mafia est la figure locale qui prouve son universalité depuis des lustes.
Le lien entre Cuba et ses écrivains me semble tout aussi important avec l'île, et pourtant très différent. Cuba apparaît comme la clef de voute d'une vaste architecture. Leonardo Padura indique :
"Beaucoup de Cubains s’exilent, mais ils ne s’en vont pas réellement. Et beaucoup d’écrivains qui ont quitté Cuba continuent à écrire comme s’ils y étaient restés, poursuivis par cette obsession. J’ai dû choisir entre vivre avec cette obsession ou me coltiner les difficultés quotidiennes de la vie à La Havane. Et j’ai préféré ces dernières."
Consciemment ou pas, ils ne peuvent lâcher une clef de voute car trop de choses s'écrouleraient ! Depuis l'arrivée de Colombo dans les Caraïbes l'histoire du monde pourrait s'écrire à partir de l'histoire de Cuba et encore plus depuis que les USA ont fini par chasser les Espagnols de l'île seulement en 1898.
La Sicile a condensé en elle-même les cultures autour d'elle et même au-delà. Cuba, inversement, s'est construit en tenant partiellement à distance les cultures autour d'elle-même. La Sicile a fonctionné un peu comme une éponge et Cuba comme un filtre. Ce que j'écris là est sans doute faux et pourtant.
J-P Damaggio
PS. Le dessin vient de la revue péruvienne Buen Salvaje où vous trouverez une long entretien avec Padura.