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Vie de La Brochure
9 août 2017

Juppé le plus dupé

On n’a pas Juppé, on a Jupiter.

Avec un peu de recul il est possible aujourd’hui de revoir, sous un angle nouveau, la séquence présidentielle. Elle a apporté sa dose de banalités et de nouveautés. Les commentateurs braquent l’objectif sur les nouveautés, or, dialectique oblige, les deux éléments s’emboîtent.

Au chapitre des banalités, la suivante : pas d’élu possible sans la capacité d’unir divers électorats. La Cinquième République a cette caractéristique qu’elle impose d’abord cette unité, renvoyée par la Quatrième aux lendemains de l’élection (comme en Espagne, Italie, Allemagne). Par exemple, les électeurs allemands auraient-ils été d’accord pour un partage du pouvoir entre droite et SPD ?

C’est une illusion de croire que De Gaulle a été président sur son propre nom (illusion qu’il a peut-être cru lui-même, d’où la chute de 1969). Il suffit de regarder la composition de ses divers gouvernements. N’est-ce pas lui qui a placé à un poste clef l’homme qui, en 1974, a mis K.O. la tradition gaulliste ?

Mitterrand n’a pas écrit « le Coup d’Etat permanent » pour dénoncer De Gaulle, mais pour prouver qu’il était le seul capable d’unir la gauche, objectif qui, au vu de son parcours, était totalement irréalisable, si la direction du PCF avait écouté des hommes comme Vincent Labeyrie.

En 2017, les partis politiques en place, à suivre de plus en plus un chemin dangereux, ont cru qu’ils devaient s’en remettre aux Primaires pour choisir le candidat le plus apte à unir. A ne pas s’assumer en tant que partis, ils ouvraient la porte à la nouveauté : ceux qui, sans parti, pouvaient apparaître les plus unitaires ! Deux partis se sont distingués.

EELV a élu un candidat inattendu qui ensuite s’est retiré !

Le PCF a fait voter ses membres qui ont opté, à une faible majorité, pour le soutien à un candidat présenté comme auto-désigné, Mélenchon.

Après Les Républicains, le PS, ces deux autres partis majeurs du pays ont signé la marginalisation de leurs propres partis ! Cependant, aux législatives, en nombre de voix, EELV s’en sort bien ! Le PCF s’en sort bien en nombre de députés.

Les nouveautés Macron et Mélenchon (Mélenchon était nouveau par la forme), ont pu s’envoler sur la base des organisations les plus fragiles ! Ils ont fait mentir la phrase classique de Lénine : « L’organisation décide de tout» sauf peut-être pour le FN, qui est resté le parti à s’assumer totalement en présentant sa chef. Preuve supplémentaire pour moi qu’il s’agit du parti le plus politique de tous, alors qu’il s’agit en même temps d’une entreprise familiale !

Pourquoi Juppé le plus dupé ?

Car il était le candidat qui avait développé depuis des mois la capacité majeure, celle d’unir des électorats. En 2002, si Jospin avait été au second tour il aurait été élu président, et en 2017 si Juppé avait été candidat il était président, et la nouveauté Macron aurait été marginalisée ! En effet, Juppé était en mesure d’avoir le soutien de Bayrou, et Macron ne pouvant l’obtenir, il était battu, mais Juppé a été éliminé par ceux qui pensaient que, comme en 2007, la droite se devait surtout de viser l’électorat d’extrême-droite (l’effet FN va au-delà du FN). Tout comme les électeurs de la Primaire du PS, qui ont cru qu’il fallait surtout viser l’électorat perdu à gauche. Macron a été surtout génial par les erreurs de ses adversaires. Inversement Mélenchon a été génial par sa propre stratégie.

Sauf que Mélenchon n’avait pas, de son fait ou du fait des médias (ou un peu des deux), la capacité unitaire pour aller jusqu’au bout. Sa stratégie lui permettait d’accéder à un bon score mais pas au second tour ! (même s’il y a cru)

D’où des critiques entendues du côté du PCF : si Mélenchon avait été unitaire avec la gauche du PS, la gauche des écolos et avec le PCF lui-même, il accédait au second tour ! Sauf que si cette stratégie avait pu lui apporter le 3 ou 4% nécessaires, elle lui faisait perdre le bénéfice de la nouveauté que sa stratégie autonome lui a permis ! Il est parfois surprenant d’entendre de bond conseils de la part de ceux qui mettent des bâtons dans les roues ! Mais, ceci étant, la question est juste : comment unir au-delà ?

Le FN qui a accédé au second tour a eu le même problème.

Là, un point sur les médias : les partis politiques ne s’assumant plus, ils sont devenus apte à faire et défaire une élection. Pour défaire, ils n’ont cessé d’invoquer dans le monde entier, l’hypothétique victoire du FN. Même entre les deux tours, des propos alambiqués ont été mis en avant ! Le sondage lui donne seulement 40% ? Mais dans une telle affaire il y a un vote caché et suivait une longue explication !

En conséquence, après les résultats, grand soulagement, Marine Le Pen a échoué. Or quand on compare avec son père qui en 2002 a fait en pourcentage MOINS qu’au premier tour comment ose-t-on parler d’échec ?

Ceci étant, la question que Juppé avait réglée est entière : « comment unir au-delà ? » Une expérience malheureuse a été tentée avec Dupont-Aignan puisque pour la première fois, d’une part le FN tente une alliance, et d’autre part un parti accepte une alliance avec le FN. La manœuvre n’était pas la bonne mais la question demeure et entre Marine et Marion celle qui gagnera sera celle qui trouvera la bonne formule : « l’union des droites » sous contrôle FN ! Marion sait très bien que pour un tel objectif, elle est la mieux placée vu les ponts anciens en Provence entre FN et droites. Alors que Marine étant en terre historiquement PC et PS, elle a préféré la tactique Philippot d’un FN surtout «social». D’ailleurs à Lille, un député France insoumise a été élu avec le soutien, non demandé certes, mais affiché,… du candidat FN ! Dans toute alliance la question clef est qui est le chef ? Depuis des décennies ont parle d’alliance entre droite et FN or elle est impossible car elle ne peut se faire que sous le commandement de l’un ou de l’autre et ni l’un ni l’autre ne veut laisser la première place. Il n’y aura donc alliance FN-droite qu’avec un FN capable d’être le chef, donc avec une part de la droite capable d’accepter le FN comme chef. Le phénomène s’est produit pour des individus mais pour des groupes.

De son côté, Mélenchon continue de faire confiance à la stratégie Mitterrand : apparaître en chef de l’opposition et, en conséquence, ensuite, l’union se fera autour de lui en 2022. Mais cette stratégie était celle d’une époque où les partis politiques s’assumaient et où les électeurs leur faisaient confiance.

Personne ne savait en 2016 que Macron serait la nouveauté de 2017 (car personne ne savait que Juppé battu par un Fillon qui se ferait descendre par le Canard Enchaîné) et cette nouveauté s’étant produire, 2022 peut apporter la sienne. Sauf que, banalité obligé, cette nouveauté sera celle qui aura été capable d’unir des électorats divers au premier, puis au second tour. La course de vitesse est engagée mais, plus le temps passe, et plus la politique est affaire de sprinteurs et non de marathoniens, comme sut l’être Mitterrand. La loi du court terme, destructrice du politique, est toujours plus présente et Juppé est d’autant plus dupé que tout le monde savait Hollande battu… alors que son dauphin indirect a été élu !

J-P Damaggio

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Commentaires
D
Canal blog déconne et le message de 4 jours m'arrivent juste aujourd'hui pour le valider. J'en partage le contenu sauf sur "rassembler la gauche au premier tour". Au premier tour ni le candidat Hamon, ni le candidat Mélenchon ne pouvaient se retirer et de toute façon les électorats ne se seraient pas ajoutés. <br /> <br /> La fin des partis politiques et y compris du PS n'est pas pour demain. Les forces électorales du PS qui ont rejoint Macron vont vite déchanter. Même Braouezec affiche déjà sa déception !
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G
Analyse fort intéressante. Effectivement, Macron est l'héritier indirect de Hollande mais, en même temps, il reprend une grande partie du positionnement de Juppé. <br /> <br /> Il faudrait creuser, au moins, 2 questions : <br /> <br /> - Le succès de Macron et de son mouvement ainsi que le bon score de Mélenchon et de son mouvement, sonnent-ils la fin des partis politiques ? Ou bien sont-ils le prélude à une nouvelle forme de parti ?<br /> <br /> - Pourquoi Fillon a-t-il été battu ? Certes, il y a eu l'affaire "Pénélope" mais cela ne suffit pas à tout expliquer. Une autre clé d'explication tient au positionnement du candidat de la droite : une droite conservatrice voire réactionnaire sans complexe. A y regarder de près, les 3 principaux candidats de droite représentaient bien les 3 courants définis par René Rémond. Fillon étant le candidat chimiquement pur de la droite "légitimiste" ; Le Pen de la droite "bonapartiste" et Macron étant celui de la droite "orléaniste". Si ce dernier a gagné c'est parce qu'il existe un socle électoral solide pour entendre le discours "enrichissez-vous". Mais la victoire de Macron s'explique également par la dérive droitière de pans entiers du PS (la moitié de l'électorat Macron avait voté Hollande en 2012) et l'épouvantail Le Pen. <br /> <br /> Il faudrait également s'interroger sur la persistance d'un électorat "démocrate-chrétien" qui est incarné par Bayrou et qui a rallié en quasi totalité le vote Macron faute d'un candidat de gauche attractif. <br /> <br /> Quant à Mélenchon, il ne pouvait gagner que si il rassemblait la gauche au premier tour. Mais lui, et, surtout ses partisans, ont gardé des réflexes sectaires qui l'ont empêché de séduire des militants de gauche très militants qui ne voulaient plus voir les socialistes en peinture mais que le style de l'insoumis exaspérait.. De ce point de vue, Mélenchon a commis (volontairement) la même "erreur" que Fillon.
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G
Analyse fort intéressante. Effectivement, Macron est l'héritier indirect de Hollande mais, en même temps, il reprend une grande partie du positionnement de Juppé. <br /> <br /> Il faudrait creuser, au moins, 2 questions : <br /> <br /> - Le succès de Macron et de son mouvement ainsi que le bon score de Mélenchon et de son mouvement, sonnent-ils la fin des partis politiques ? Ou bien sont-ils le prélude à une nouvelle forme de parti ?<br /> <br /> - Pourquoi Fillon a-t-il été battu ? Certes, il y a eu l'affaire "Pénélope" mais cela ne suffit pas à tout expliquer. Une autre clé d'explication tient au positionnement du candidat de la droite : une droite conservatrice voire réactionnaire sans complexe. A y regarder de près, les 3 principaux candidats de droite représentaient bien les 3 courants définis par René Rémond. Fillon étant le candidat chimiquement pur de la droite "légitimiste" ; Le Pen de la droite "bonapartiste" et Macron étant celui de la droite "orléaniste". Si ce dernier a gagné c'est parce qu'il existe un socle électoral solide pour entendre le discours "enrichissez-vous". Mais la victoire de Macron s'explique également par la dérive droitière de pans entiers du PS (la moitié de l'électorat Macron avait voté Hollande en 2012) et l'épouvantail Le Pen. <br /> <br /> Il faudrait également s'interroger sur la persistance d'un électorat "démocrate-chrétien" qui est incarné par Bayrou et qui a rallié en quasi totalité le vote Macron faute d'un candidat de gauche attractif. <br /> <br /> Quant à Mélenchon, il ne pouvait gagner que si il rassemblait la gauche au premier tour. Mais lui, et, surtout ses partisans, ont gardé des réflexes sectaires qui l'ont empêché de séduire des militants de gauche très militants qui ne voulaient plus voir les socialistes en peinture mais que le style de l'insoumis exaspérait.. De ce point de vue, Mélenchon a commis (volontairement) la même "erreur" que Fillon.
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