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Vie de La Brochure
24 août 2017

Vallejo : Découverte de la vie

Je ne dis pas que lire Vallejo c’est un acte de tout repos. Je ne dis pas qu’à la première lecture on pénètre le sens. Je ne dis pas qu’un poème vaut plus que les autres. Mais bon, en voici un pour inciter à entrer dans un monde. Je dis que Vallejo c'est infini. J-P Damaggio

 Découverte de la vie

Messieurs!  C'est aujourd'hui la première fois que je remarque la présence de la vie. Messieurs ! Je vous prie de me laisser un moment libre, pour goûter cette émotion formidable, spontanée et toute neuve de la vie, qui aujourd'hui, pour la première fois, me met en extase et me fait verser des larmes de bonheur.

Ma joie vient de la nouveauté de mon émotion. Mon exultation vient de ce qu'avant je n'avais pas senti la présence de la vie. Je ne l'ai jamais sentie. Celui qui dit qu'il l'a sentie est un menteur. Il ment et son mensonge me blesse à tel point que j'en serais malheureux. Ma joie vient de ma foi en cette découverte personnelle de la vie, et personne ne peut aller contre cette foi. Celui qui le tenterait, verrait sa langue tomber, ses os tomber et il courrait le risque d'en ramasser d'autres, qui ne seraient pas les siens, pour se tenir debout devant moi.

Jamais, sauf maintenant, il n'y a eu de vie. Jamais, sauf maintenant, ne sont passés des gens. Jamais, sauf maintenant, il n'y a eu de maisons et d'avenues, d'air et d'horizon. Si mon ami Peyriet venait maintenant, je lui dirais que je ne le connais pas et que nous devons tout recommencer. Quand, en effet, ai-je connu mon ami Peyriet ? Aujourd'hui ce serait la première fois que nous faisons connaissance. Je lui dirais de s'en aller et de revenir et d'entrer pour me voir, comme s'il ne me connaissait pas, c'est-à-dire, pour la première fois.

Maintenant je ne connais rien ni personne. J'ai l'impression d'être dans un pays étranger, où tout reçoit relief de naissance, lumière d'épiphanie immarcescible. Non, monsieur. Ne parlez pas à ce monsieur. Vous ne le connaissez pas et un bavardage aussi inopiné le surprendrait. Ne mettez pas le pied sur cette petite pierre : peut-être n'est-ce pas une pierre et vous allez trouver le vide. Soyez prudent, car nous sommes dans un monde complètement ignoré.

Comme j'ai peu vécu ! Ma naissance est si récente qu'il n'est pas d'unité de mesure capable de compter mon âge. Mais je viens juste de naître ! Mais je n'ai pas encore vécu ! Messieurs : je suis si petit que le jour tient à peine en moi.

Jamais, sauf maintenant, je n'ai entendu le fracas des chariots, qui chargent des pierres pour une grande construction du boulevard Haussmann. Jamais, sauf maintenant, je n'ai avancé de concert avec le printemps, en lui disant : « Si la mort avait été différente... ». Jamais, sauf maintenant, je n'ai vu la lumière dorée du soleil sur les coupoles du Sacré Cœur. Jamais, sauf maintenant, n'est venu vers moi un enfant pour me regarder profondément avec sa bouche. Jamais, sauf maintenant, je n'ai su qu'il était une porte, une autre porte et le chant cordial des distances.

Laissez-moi ! Maintenant la vie m'a cogné en plein dans ma mort.

(Traduction Nicole Réda-Euvremer chez Flammarion, Poésie complète)

 Hallazgo de la vida

iSeñores! Hoy es la primera vez que me doy cuenta de la presencia de la vida. iSeñores! Ruego a ustedes dejarme libre un momento, para saborear esta emoción, formidable, espontánea y reciente de la vida, que hoy, por la primera vez, me extasía y me hace dichoso hasta las lágrimas.

Mi gozo viene de lo inédito de mi emoción. Mi exultación viene de que antes no sentí la presencia de la vida. No la he sentido nunca. Miente quien diga que la he sentido. Miente y su mentira me hiere a tal punto que me haría desgraciado. Mi gozo viene de mi fe en este hallazgo personal de la vida, y nadie puede ir contra esta fe. Al que fuera, se le caería la lengua, se le caerían los huesos y correría el peligro de recoger otros, ajenos, para mantenerse de pie ante mis ojos.

Nunca, sino ahora, ha habido vida. Nunca, sino ahora, han pasado gentes. Nunca, sino ahora, ha habido casas y avenidas, aire y horizonte. Si viniese ahora mi amigo Peyriet, le diría que yo no le conozco y que debemos empezar de nuevo. Cuándo, en efecto, le he conocido a mi amigo Peyriet ? Hoy sería la primera vez que nos conocemos. Le diría que se vaya y regrese y entre a verme, como si no me conociera, es decir, por la primera vez.

Ahora yo no conozco a nadie ni nada. Me advierto en un país extraño, en el que todo cobra relieve de nacimiento, luz de epifanía inmarcesible. No, señor. No hable usted a ese caballero. Usted no lo conoce y le sorprendería inopinada parla. No ponga usted el pie sobre esa piedrecilla; quién sabe no es piedra y vaya usted a dar en el vacío. Sea usted precavido, puesto que estamos en un mundo absolutamente inconocido.

iCuán poco tiempo he vivido! Mi nacimiento es tan reciente, que no hay unidad de medida para contar mi edad i Si acabo de nacer ! i Si aún no he vivido todavía! Señores: soy tan pequeñíto, que el día apenas cabe en mi.

Nunca, sino ahora, oí el estruendo de los carros, que cargan piedras para una gran construcción del boulevard Haussmann. Nunca, sino ahora, avancé paralelamente a la primavera, diciéndole: «Si la muerte hubiera sido otra » Nunca, sino ahora, vi la luz áurea del sol sobre las cúpulas del Sacré-Coeur. Nunca, sino ahora, se me acercó un niño y me miró hondamente con su boca. Nunca, sino ahora, supe que existía una puerta, otra puerta y el canto cordial de las distancias.

i Dejadme ! La vida me ha dado ahora en toda mi muerte.

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