Bayer face à Montalban : L’exil

Pour ce dialogue imaginaire en date de l’an 2006, les deux hommes ont accepté de s’asseoir face à face autour d’une table nommée EXIL. Ils sont presque de la même génération l’un étant né en 1927 et l’autre dix ans après en 1939.

—Tu as pu t’exiler ce que je ne pouvais faire, déclare Montalban.

—Un exil en 1975 quand tu perds Franco !

—C’est vrai on croit que l’exil politique c’est une vieille histoire mais elle reste si présente.

—En fait, si tu ne t’es pas exilé c’est que tu pouvais vivre sans ça ?

Là Montalban s’étonna mais ne se laissa pas démonter.

—Je te comprends : de Barcelone à la frontière française la distance est bien moindre que de Buenos Aires à Berlin.

—L’exil n’est pas qu’une question de distance, ni d’envie folle de survivre. L’exil c’est de croire en l’exil, comme voyager c’est de croire au voyage.

—D’abord poussé par l’optimisme de la jeunesse, j’ai pensé que Franco n’allait pas durer, puis j’ai fait un peu de prison etc.

—C’est vrai j’avais presque cinquante ans quand j’ai dû m’exiler.

Chacun des deux hommes conservaient un ton calme, une mine amusée et une distance calculée. Ils savaient parfaitement qu’ils bavardaient pour rien mais puisqu’il fallait une réponse…

—Le grand exilé c’est Victor Hugo indique Osvaldo.

—Parce que la France est grande ! Et c’est en France que s’est exilé le grand argentin Miguel Ángel Estrella. Issu d'un milieu modeste - son père est le fils de paysans libanais émigrés en Bolivie – il s’appelle Estrella car c’est la traduction de leur nom d'origine, Najem. Sa mère est une criolla argentine avec des ascendances amérindiennes métissées.

—Votre rapport à l’exil tient-il d’abord au fait que les Argentins sont souvent des exilés ?

— Peut-être. Prends Roberto Arlt : fils d’un prussien et d’une autrichienne.

—Les Italiens ont beaucoup immigré voilà pourquoi ils ont d’abord accueilli avec respect les premiers africains qui émigrèrent dans leur pays mais au bout d’un moment, le racisme est apparu car ils ont été jugé trop nombreux.

—Partout la charité chrétienne a ses propres limites.

J-P Damaggio