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Vie de La Brochure
17 novembre 2017

Qui était Léon Moussinac ?

leon_moussinac

Léon Moussinac (1890-1964) est une part de l'histoire du cinéma. Vu son texte sur GerdaTaro j'aipensé utile de reprendre cet article d'Emile Breton paru dans l'Huanité. J-P Damaggio

 

L'HUMANITÉ, Léon Moussinac, homme de passions, intellectuel communiste, ÉMILE BRETON, MERCREDI, 28 JANVIER, 2015

En deux volumes, l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC) publie, avec le concours de la Fondation Gabriel-Péri, un ensemble de contributions sur l’apport du théoricien aux avancées du cinéma en France dans les années 1930 et au-delà, et un choix de ses textes.

«Léon Moussinac est très certainement un des intellectuels français de l’entre-deux-guerres le plus original quant à la compréhension théorique des enjeux sociaux et culturels des arts ; or, sa notoriété n’excède pas les quelques spécialistes du politique, alors qu’il publia sur le cinéma, le théâtre ou les arts décoratifs, et qu’il occupa nombre de responsabilités institutionnelles. » Ainsi s’ouvre la préface de Valérie Vignaux à Léon Moussinac, un intellectuel communiste, ensemble d’études collectives qu’elle dirigea avec François Albéra. Donnant quelques exemples, assez cruels pour les auteurs cités, de cet escamotage, elle rappelle quelle place il tint aux côtés d’Henri Barbusse et de Paul Vaillant-Couturier dans l’élaboration de ce « communisme culturel » qui marqua la France des années trente. Ce fut aussi le temps où – écrit Laurent Véray dans sa contribution, « Écrire et agir pour aider le cinéma français à s’élever à la dignité d’art » – son exigeante amitié avec les cinéastes d’alors, Delluc, Gance, L’Herbier et Epstein, fut décisive pour la naissance de ce que Langlois devait appeler « la première vague du cinéma français ». Renvoyons sur ce point à la lecture des différentes contributions évoquant le théoricien, pour retenir la place qui fut la sienne dans la naissance d’une vraie critique de cinéma en un temps (est-il vraiment révolu, même si les formes en sont plus insidieuses ?) où il s’agissait avant tout de « faire la réclame » des films sortis. Il fut, en effet, le premier à publier une critique cinématographique dans une revue littéraire alors prestigieuse, le Mercure de France, de 1920 à 1925. Mais c’est par les critiques régulières qu’il donna à l’Humanité de 1922 à 1932 qu’il put mettre en œuvre son souci de pédagogie (lancement de ciné-clubs, conférences), que d’autres contributions de ces deux volumes soulignent.

Exigeant à l’égard des films comme des spectateurs

Quarante et un de ces articles sont publiés et c’est un bonheur que de voir à quelle hauteur se situaient ses exigences à l’égard des films comme des spectateurs. Une citation pour en donner idée. Il écrivait, dans l’Humanité du 4 juin 1926, mettant en garde les intellectuels attendant du cinéma qu’il devienne un art pour l’élite : « [C]es intellectuels n’ont pas compris que l’image pouvait n’être pas seulement expressive dans son ordre, son mouvement ou son sujet, mais belle plastiquement et riche ainsi d’une émotion nouvelle, et qu’il s’agissait de déterminer quels éléments plastiques pouvaient contribuer à cette beauté. » Qu’on lise ses articles pour apprendre à garder le regard clair devant une œuvre.

Haute idée de son métier d’écrire, qui le conduisit à mener, et à gagner, la première en date des batailles pour la liberté de la critique. Pas seulement pour lui, mais pour tous les critiques. Ayant exercé sa dent dure sur une adaptation fleur bleue de Moby Dick (de Lloyd Bacon, 1930, qui avait, pour les États-Unis, gardé le titre de Melville) et que son distributeur français, Jean Sagène, mini-nabab de l’époque, avait rebaptisée Jim le harponneur, il fut assigné en justice, et l’Humanité avec lui, par ce distributeur. Trois procès s’ensuivirent que « le harponneur » finit par perdre et qui consacraient la liberté de critique. Historique – et c’est bien la seule raison pour laquelle Jean Sagène mérite de passer à la postérité, à ce seul titre. Pour ça, et pour avoir écrit – rappelé par Moussinac dans l’Humanité du 14 mai 1926 : « J’ai réussi dans le camembert, dans le journalisme, il n’y a aucune raison que je ne réussisse pas dans le cinéma ». Ce combat pour une critique libre et contre la censure des films après l’envoi de policiers (1928) aux séances du ciné-club Spartacus, qu’il animait, puis contre l’interdiction de projections, bien d’autres contributions de ces deux livres sont là pour les rappeler, et qu’il faut aller voir. Mais, aussi bien, Jean-Pierre Léonardini pourrait consacrer (ce n’est pas une suggestion, encore moins une injonction) un article d’égal volume à ses batailles pour le théâtre… La raison pour laquelle ces deux livres tranchent sur les idées reçues en matière d’étude sur des auteurs engagés (a fortiori engagés avec les communistes), c’est sans doute qu’on s’y est, tout du long, attaché « surtout à ne pas faire disparaître la personne, car elle est la définition même de l’engagement, celui-ci étant d’abord un choix individuel avant de devenir une action pour autrui » (Valérie Vignaux, «Léon Moussinac 
théoricien du cinéma : d’une poétique 
des arts à une politique de la culture»). Un Moussinac vivant.

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