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Vie de La Brochure
28 novembre 2017

Montalban face à Soriano: la littérature

Revoici un détour de plus vers un écrivain argentin, Osvaldo Soriano qui a eu beaucoup de points communs avec Manuel Vazquez Montaban. Une lecture croisée des deux livres évoqués ici seraient d'une grande richesse.

 Pour ce dialogue imaginaire en date de l’an 2015, les deux hommes ont accepté de s’asseoir face à face autour d’une table nommée football. L’un est né en 1943 et l’autre un peu avant en 1939.

—Kennedy est mort en 1964 indique Montalban.

—Stan Laurel est mort en 1965, précise Soriano

—La différence entre toi et moi c’est que quand j’ai écrit J’ai tué Kennedy je n’en étais pas à ma première production tandis que toi avec Je ne vous dis pas adieu… tu débutes !

—Débuter est un bien grand mot !

Là Montalban décida de reprendre les points un par un pour mieux s'expliquer :

—En fait nous avons voulu régler nos comptes avec la société des USA, moi avec un mort à Dallas et toi avec un mort à Los Angeles.

—Et régler nos comptes ce n’est pas seulement dire nos haines du time is money mais dire aussi nos admirations….

—J’avoue que tu as poussé l’audace très loin en mettant en scène Marlowe qui donne le titre au roman.

—Et tu as fait aussi bien en mettant en scène l’assassin inconnu de Kennedy !

—Laissons de côté les compliments mutuels… déclare Montalban.

—«Boucler la boucle, fermer le cercle. C’est ce qu’a fait Trujillo avec le Basque Galíndez. Il l’a enlevé, il l’a fait monter dans un avion de tourisme, il l’a fait jeter de l’avion et après, l’avion a explosé en plein vol. La boucle est bouclée.» Tu es de ceux pour qui, il est important de boucler la boucle.

—Oui, et j’ai bouclé la boucle le jour où j’ai écrit le roman qui s’appelle Galíndez. Toi, aucune boucle à boucler ?

—J’ai trop vite grillé ma vie par la cigarette quand toi tu l’as grillé par la bonne chère.

—« Il entendit soudain sortir de sa bouche, avec peine, les paroles d’un tango de Carlos Gardel. Marlowe se retourna. «Vous savez une chose, Soriano ? Laurel et Hardy, je les emmerde ! Et je vous emmerde vous aussi, sale con ! » » Tu as tenu à te mettre en scène !

—Oui, avec des vaincus. « Il avait des manières de vaincus.» tu te souviens de qui tu parles ?

—Un vaincu définitif qui va faire de sa défaite annoncée une vie bien remplie ! Non les derniers ne seront pas les premiers !

—Les vaincus d’aujourd’hui ne seront pas les vainqueurs de demain !

—Mais Laurel et Hardy pourquoi en faire des vaincus, demande Montalban.

—Des deux complices qui peut dire celui qui est mort dans la plus grande des misères ? J’aurais voulu savoir et que je n’ai jamais su. Mais, à mon tour, une question, si moi je commence par une citation de Philip Marlowe toi tu commences par celle d’un tango de Riel et Linyera. D’où vient ce tango, s’excite Soriano !

—Comme je l’ai noté, par ta citation, tu préfères jouer classique avec Carlos Gardel !

—J’admire ta lecture attentive de mon roman…

—Au moment même où, dans le roman, toi Soriano tu es au bord de la mort tu écris cette pensée : «Soriano se disait qu’il serait bientôt de nouveau à Buenos Aires, qu’il s’assiérait de nouveau devant une machine à écrire, que tout cela lui paraîtrait un rêve délirant, téméraire et que Marlowe ne serait plus qu’une ombre, un fantôme absurde et irréel. Ses pommettes enflées lui faisaient mal. Il entendit soudain sortir de sa bouche, avec peine, les paroles d’un tango de Carlos Gradel» cite Montalban.

—J’en connais qui te reprocheraient de ne pas donner le nom du tango… Mais toi, à l’inverse tu commences J’ai tué Kennedy par les références aux paroles d’un tango que personne ne connaît !

—Tout comme personne ne connaît l’assassin de Kennedy !

—La littérature n’est qu’un jeu ?

—Tandis que le football est plus qu’un jeu ! s’amuse Montalban.

—Bon, revenons à la littérature. Hemingway contre Scott Fritzgerald ?

—Hemingway serait le Real et Scott le Barça ?

—Et Pepe serait ton frère dont Muriel repéra le septième sens petit-bourgeois : sa tendance à s’enraciner, à s’adapter à une norme de vie !

—Tu es bien des Amériques, loin de la gastronomie. Je n’ai écrit J’ai tué Kennedy que pour présenter ma première recette : des haricots navarrais au chorizo avec des piments farcis basquaise. Un repas avec l’Ambassadeur d’Espagne.

—De mon côté je ne sais qu’une chose. Une fois avec Marlowe on est rentré dans un restaurant bon marché, on a commandé le plat le moins cher et je suis incapable de savoir lequel !

—Pour toi et moi, le journalisme d’abord, la littérature ensuite ont été un gagne-pain. Nous en avons été heureux, chacun usant de son propre pain !

JPD

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