Encore Benedetti-Vallejo
L’écrivain d’Uruguay, Mario Benedetti était un grand admirateur du Péruvien Vallejo. Il lui arriva d’écrire en 1983, avec son humour habituel, un article sur «passion et mort de la promesse». Il y explique que la promesse est devenue assez rare, sauf en politique bien sûr car comme chacun sait elle ne coûte pas cher. Il observe que quelques poètes s’y réfèrent parfois comme René Char avec ce mot bien connu que je donne ici en espagnol : « A cada derrumbamiento de las pruebas el poeta responde con una salva de futuro. »
Il cite aussi Neruda, Paco Urondo et un vers de César Vallejo : «Je mourrai à Paris sous la pluie», une promesse que Vallejo a tenu, précise-t-il. Ce qui m’incite à donner dans les deux versions, ce petit sonnet surprenant d’un poète surprenant. JPD
Pierre noire sur une pierre blanche
Je mourrai à Paris sous la pluie,
un jour dont je me souviens déjà.
Je mourrai à Paris — et je ne me dérobe pas —
peut-être un jeudi d'automne, comme aujourd'hui.
Ce sera un jeudi, car aujourd'hui, jeudi, où je prose
ces vers, mes humérus ne m'ont pas
à la bonne, et jamais comme aujourd'hui je ne me suis,
après tout ce chemin, revu aussi seul.
César Vallejo est mort, tous le frappaient
sans qu'il leur ait rien fait;
on le tapait dur avec un bâton et dur
aussi avec une corde; en sont témoins
tous les jeudis et les os humérus,
la solitude, la pluie, les chemins...
(traduction Nicole Réda-Euvremer chez Flammarion)
PIEDRA NEGRA SOBRE UNA PIEDRA BLANCA
Me moriré en París con aguacero,
un día del cual tengo ya el recuerdo.
Me moriré en París —y no me corro—
talvez un jueves, como es hoy, de otoño.
Jueves será, porque hoy, jueves, que proso
estos versos, los húmeros me he puesto
a la mala y, jamás como hoy, me he vuelto,
con todo mi camino, a verme solo.
César Vallejo ha muerto, le pegaban
todos sin que él les haga nada;
le daban duro con un palo y duro
también con una soga; son testigos
los días jueves y los huesos húmeros,
la soledad, la lluvia, los caminos...