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Vie de La Brochure
17 décembre 2017

Autriche extrême-droite an 2000

couv FN

Pour se rafraichir la mémoire voici un extrait de mon livre sur le FN face aux paradoxes d’hier et de demain. Face aux paradoxes d’hier les cris disant halte au fascisme on fleurit partout et face à ceux de demain on nous sommes rentrés dans la banalité. Hier la réaction était erronée et sans lendemain et aujourd’hui le silence est erroné avec des risques pour demain. JPD

Le coup de tonnerre autrichien

   «Coup de tonnerre» [référenec à l'image qi illustre e début de l'article ] n’est peut-être pas le terme exact car la montée de l’extrême-droite en Autriche vient de loin. Mais le pas franchi en ce mois de février 2000 est considérable puisque 6 députés du parti FPÖ (fondé en 1956 par des anciens SS) entrent au gouvernement national du pays, d’où des manifestations diverses, des prises de position et des tonnes d’articles. Rappelons qu’en mars 1999 Jörg Haider, un xénophobe, un anti-européen et un adversaire de la classe politique «pourrie» était devenu le gouverneur de Carinthie.Comme une poussée de fièvre, l’Autriche a enflammé un temps l’actualité pour disparaître peu après, comme si tout était entré dans l’ordre. Ainsi va la vie rythmée par les médias !

 Voyons Jean-Yves Camus[1] :

« L’essentiel du programme d’Haider concerne l’économie et la question sociale. Or, dans ce domaine, le FPÖ ne retient rien de l’étatisme nazi ou du corporatisme catholique de l’austro-fascisme des années trente : c’est une formation ultra libérale pour qui la dérégulation massive est seule susceptible d’apporter la compétitivité, et de réguler le marché de l’emploi ».

 Question fondamentale: comment des partis nationaux populistes arrivent-ils à drainer une part croissante de l’électorat populaire en lui proposant un programme de moins d’Etat, moins d’impôts, moins d’acquis sociaux ? (les études indiquent que le FPÖ rassemblent 48% des ouvriers et 35% des moins de trente ans). Réponse : grâce au bouc émissaire de l’étranger. Question sociale et xénophobie s’imbriquent donc parfaitement. Ajoutons, pour le cas de l’Autriche, le blocage du système politique qui depuis quarante ans se partage entre les deux partis dominants.

«Ce népotisme institutionnel s’étend à l’attribution des appartements, aux nominations des profs, des gardiens, des portiers, des facteurs etc. Vingt ans de népotisme corrupteur institutionnel c’est assez pour enrager un peu. La culpabilité se partage entre sociaux-démocrates et conservateurs.» indique l’écrivaine Catherine Clément[2].

Autant dire que nous sommes face à l’autre question traditionnelle : quelle est la part du passé et celle de l’actualité dans le choix des Autrichiens ? Catherine Clément reconnaît que Haider bénéficie des votes des ouvriers «largement déstabilisés par la mondialisation» tout en rappelant que nous sommes dans un des pays les plus prospères d’Europe ! En Autriche où Catherine Clément a vécu cinq ans elle note :

«Le bouc émissaire a changé. Ce n’est plus le juif et pour cause: de 300000 avant la guerre, la communauté juive s’est retrouvée à quelques milliers après la Shoah, et compte maintenant 11000 membres. Non, le bouc émissaire n’est plus le juif, c’est le pauvres des pays de l’Est, le Turc, le Bosniaque, le Slovène, le Serbo-croate, le Tzigane. Pour la minorité nostalgique du nazisme, le racisme n’a pas changé de nature mais de cible.»

Bref, le fascisme autrichien a réveillé l’antifascisme européen mais sous quelle forme ? C’est le point toujours crucial de ce livre : comment résister à cette poussée d’extrême-droite ? Par la manifestation, le boycott des activités culturelles du gouvernement, les pétitions etc.

A Vienne l’autre Autriche a occupé la rue : ils étaient 300 000 le samedi 19 février 2000 dans une manifestation sans égal depuis 50 ans. J’appelle cette réponse : l’activisme. Le cri de colère, «Widerstand -Résistance». En guise de réflexion ce slogan : «Extrémisme du marché, extrémisme de droite sont les deux côtés d’une même médaille.» Bruno Odent rendant compte de cette manif écrira dans le cadre d’un optimisme classique en de telles occasions :

« La manif marquera sans doute la fin de l’après-guerre pour l’Autriche. La période de la guerre froide avait en effet contribué à façonner la personnalité du pays. D’autant plus tenté par le nivellement consensuel et le refoulement de son passé nazi, qu’il constituait une plaque tournante entre deux systèmes rivaux, et qu’à l’Ouest comme à l’Est, on voyait dans ce «gel» de l’Autriche, situé à la croisée des deux blocs, comme une sorte de garantie de stabilité.»

Fodé Sylla lança alors un intergroupe parlementaire antiraciste à Strasbourg. Quel est le bilan de cette initiative aujourd’hui ? Mystère !

 Le FPÖ a commencé à sortir de la marginalité aux législatives de 1994 avec 22,5%, score qu’il a confirmé en 1995 (21,9) et surtout en 1999 (26,9%). Mais son passage par le pouvoir n’a pas convaincu ce qui fait qu’en 2002 la droite prend sa revanche avec 42,3% (seulement 26,9 en 1999), le SOÖ (les socialistes) se maintient autour des 35% avec 36,5% et le FPÖ s’effondre avec 10%. Depuis on assiste à une remontée électorale avec 18% en 2008, un autre parti d’extrême-droite faisant lui 11% ! Les partis en place s’effondrent et aucun autre parti n’est né à gauche.

 Bilan en 2012-2013 le retour de l’extrême-droite au pouvoir semblait possible malgré les effets de la corruption agissant sur tous les partis de la même façon.

Etrangement le spécial Autriche de l’Humanité dimanche n’évoque pas le coupable que Jean-François Kahn met au premier plan, dans Marianne du 7 février 2000 : L’Europe. Pas la politique européenne en général mais la décision de l’Europe qui, après des mois de tractations entre droite et extrême-droite à Vienne, décide de sanctions contre le pays, au moment où il n’y a pas d’autre solution pour le gouverneur que d’accepter des représentants du FPÖ.

« Une Autriche mise publiquement et très conforta-blement au ban de la bien pensance continuera tout de même de siéger dans les institutions européennes. »

 Ce point de vue est appuyé dans le journal par l’envoyé spécial à Vienne, Patrick Girard. Les mesures de l’Europe risquent en fait d’aider Haider :

« On ne sait pas si les Autrichiens méritent Haider, mais nous les méritons, car ils sont le fruit de nos médiocres calculs géopolitiques et de nos lâchetés diplomatiques. D’où leur très compréhensive réaction d’indignation devant les tentatives de diabolisation dont ils sont l’objet et qui procèdent de la société du spectacle dans ce qu’elle a de plus caricatural. Rien de plus ridicule et inadéquat que ces députés belges arborant l’étoile jaune.»

 Deux ans après le FPÖ passe de 26% à 10%, la droite ordinaire récupérant tout cet électorat en passant de 26% à 42%.

Ceci étant l’article de Patrick Girard est un des rares à aller au-delà des effets circonstanciels pour se poser les questions générales quant à la situation de l’Autriche :

«Bastion avancé de l’Europe de Schengen face à l’inquiétant glacier de l’ancien bloc soviétique, l’Autriche joue à se faire peur en imaginant que les Turcs sont à nouveau aux portes de la capitale, comme ce fut le cas en 1683 ; qu’ils sont l‘avant-garde d’une cohorte de Scrylhes et de Kalmouks prêts à fondre sur eux pour violer leurs fils, leurs filles et leurs compagnes.»

 Une extrême-droite qui ne s’expliquerait pas par la crise économique (le chômage est inexistant) mais par la position géopolitique ? Ceci étant c’est le mot fasciste qui est mis en référence, dans l’article de Marianne.

 



[1] Politologue auteur de Les extrémismes en Europe, CERA-Editions de l’Aube, 1998, article de l’Humanité du 21 février 2000.

[2] Au moment de cette page de l’Humanité du 8 février 2000 elle vient de publier, Jésus au bûcher, au Seuil

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