Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vie de La Brochure
6 avril 2018

Le cheminot, le privilégié et le service public

Le privilégié

Avant 1789 le privilégié s'affichait par la particule ou la dîme payée au clergé (pour prendre deux éléments). Une révolution a changé la nature du privilège qui, de statut ou de naissance, est devenu un privilège du fric. Si les signes extérieurs de richesse sont parfois restés, pour l'essentiel le privilégié n'est plus une référence au sommet de l'édifice social mais à sa base : celui qui gagne 2000 euros est privilégié par rapport à celui qui en gagne 1000 etc. A partir de là le cheminot est un privilégié grâce à des acquis sociaux justement gagnés. Il est aisé de comprendre que ce type de privilège a pour fonction majeure de masquer les vrais privilégiés qui ne prennent jamais le train.

Le cheminot

Par sa fonction le rail à depuis le début une fonction générale, fonction qui a facilité la tâche des cheminots pour obtenir leurs acquis car bloquer cette fonction c'était bloquer le pays. Puis le rail est devenu service public suivant cette autre expression, qui cependant masque un autre phénomène.

Au départ le rail existe pour les marchandises et accessoirement pour les voyageurs et surtout pour les marchandises grande distance c'est ainsi que les premiers tarifs faisaient payer le transport grande distance surtout par les tarifs voyageurs et petit distance. Les Compagnies ferroviaires étaient fortement liées aux grandes entreprises utilisatrices des grandes distances et bénéficiaient de fructueuses aides de l'Etat.

Le service public

La nationalisation en a fait un service public que je préfère appeler service de l'Etat. Pour moi le service public est un bel objectif qui n'a jamais été réalisé, pour lequel il faut lutter, mais plus en tant que projet, qu'en tant que réalité à défendre. Dire "service de l'Etat" permet d'en référer aux contradictions mêmes de l'Etat qui est plus souvent au service des privilégiés (les vrais) qu'au service des citoyens. La SNCF a beaucoup plus été conçue au service des puissants qu'au service du public, même si les acquis des cheminots n'ont jamais été négligeables. Par exemple, la responsabilité de la sécurité, morale de base de tout cheminot a pu pendant des années, passer avant toute autre considération.

Après 1968 l'Etat a décidé de casser la SNCF qui devenait un frein à sa politique "moderne" et l'élément premier, mis en avant, a été le fret. Jouer la carte du tout routier contre le rail a rencontré la politique industrielle du flux tendu et petit à petit le camion a commencé à faire sa loi. Les passages de la gauche au pouvoir n'ont rien changé (malgré les déclarations tonitruantes) au phénomène. Comme on le dit souvent au nom de l'intermodalité, il n'y avait pas contradiction irrémédiable entre le camion et le train (voir le cas de la Suisse) mais en France les Autorités ont cassé le fret et les cheminots n'ont rien pu faire. Quand je dis les Autorités je parle d'une collusion entre les administrations de l'Etat et de la SNCF, les hommes politiques n'étant que le décor. Le fret a donc été le premier secteur privatisé ce qui n'a pas donné lieu à la création d'un géant du rail capable de contrer la SNCF qui elle, est devenue le premier transporteur routier en France, alliée qu'elle est au géant nord-américain Calberson ! Tout comme la privatisation d'EDF n'a pas donné lieu à un géant de l'électricité en France.

La rentabilité

Au nom du service public il faudrait renvoyer la rentabilité dans la case inutile un peu comme si les bénéfices c'étaient pour les entreprises privées et les pertes pour les entreprises publiques ! Tout comme pour les termes privilège et service public, le terme rentabilité est un piège. Rentabilité pour qui ? Je l'écris sans trembler : une voie ferrée qui, après avoir tout tenté pour la sauver, transporte dix voyageurs par jour mérite d'être remplacée par un bus ! Comment par ailleurs, répéter que le rail ne peut pas être rentable par nature et proposer sa privatisation ? Parce que la privatisation va se concentrer sur les lignes rentables et oublier les autres ? Ou parce qu'à laisser le rail dépérir les compagnies de bus vont y gagner ? Compagnies où la SNCF se veut en pointe…. On ne peut pas être pour ou contre la rentabilité du rail mais pour une définition de la dite rentabilité.

Le diable n'est pas la concurrence puisque le rail est en concurrence avec la route et l'aérien. Je ne suis pas pour que des compagnies autres que la SNCF roulent sur les rails du pays mais le seul fait que le rail soit commandé par la SNCF n'a pas empêché la casse. Je le répète il faut tenir sur les deux fronts : garder les acquis mais ne pas les diviniser.

 La stratégie de la SNCF

Après l'assassinat du fret (et en partie en même temps) les Autorités ont décidé de favoriser les adeptes de la grande vitesse à savoir cette classe sociale qui serait le moteur du développement social. Vu la difficulté de la tâche les Régions se sont retrouvées en charge de l'univers du pauvre, le TER. Cette division des rôles n'est-elle pas claire ? Les cheminots n'ont rien pu faire pour s'y opposer et même, soucieux de préserver la gloire de la SNCF, ils se firent les porteurs classiques de cette stratégie en pensant qu'à un moment, l'Etat, comme il le faisait, paierait les pots cassés.

Ici j'ai une anecdote pour montrer le fonctionnement de l'entreprise. Il y a six ans, la SNCF n'a plus assuré la circulation d'un TER qui amenait un travailleur à son usine située à 60 km. Le travailleur a lancé un appel sur internet expliquant son cas pour obtenir les services d'un co-voiturage. Il a reçu une lettre de la SNCF le menaçant d'une plainte devant les tribunaux pour atteinte au monopole ! Depuis, la SNCF qui a perdu son monopole sur grande ligne, s'est lancée dans le co-voiturage. Une telle attitude est-elle la marque d'un service public ?

La stratégie de la SNCF est simple : s'adapter en reculant, à l'évolution économique de la société, sur la base de son fleuron invendable à l'étranger, le TGV !

 La réforme de Macron

Pas plus que les autres dirigeants politiques, Macron n'est en mesure de réformer la SNCF. Il cherche seulement à faire plier les syndicats de cheminots pour prouver qu'il est le "patron" de "l'entreprise France", mais sans le moindre projet cohérent. On me répondra : "libéralisme maximum" mais le mot libéralisme est devenue une notion fourre-tout. Avec l'embauche de cheminots hors statut le rail va-t-il aller mieux ? On nous répète : "vive la réforme" or, depuis des décennies la SNCF traverse réformes sur réformes. Dans la dernière période Sarkozy a coupé en trois l'entreprise au nom de l'Europe, puis Hollande a découvert qu'au nom de l'Europe il pouvait y avoir une réunification dans le cadre d'une structure en plus. Bilan des réformes : La SNCF augmente son nombre de cadres et perd des cheminots de base.

Inversement, dès que les transporteurs routiers bougent le petit doigt alors le gouvernement cède comme il cédait autrefois face aux luttes des cheminots tant qu'elles ne touchaient pas à l'essentiel : mort du fret et le tout LGV. Notez par exemple le cas de l'éco-taxe. En échange de ce projet les routiers ont pu augmenter le tonnage des camions. Puis, suite à des blocages, le projet a été remplacé par une taxe en plus à la pompe qui touche tout le monde, sans un retour en arrière sur le tonnage des camions !

Le bras de fer actuel permet-il d'éviter les faux débats ? On peut faire confiance aux grands médias trop heureux d'égarer le public… J-P Damaggio

Publicité
Publicité
Commentaires
Vie de La Brochure
Publicité
Archives
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 1 023 503
Publicité