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Vie de La Brochure
8 mai 2018

Etat d’esprit en 1988

sérigraphie 1968

La lecture et l’analyse de l’année 1968 n’a jamais été sans lien avec l’actualité (en mai 1988 la France sort d'une élection présidentielle où le FN s'installe fortement dans le paysage). C’est souvent le cas de toutes les études historiques. En conséquence voici l’édito de la revue M, Mensuel Marxisme Mouvement de mai 1988, signé par Gilbert Wasserman qui, dix ans avant était journaliste communiste à France Nouvelle, et dix ans après, soutien du PS et du PCF, de nouveau au gouvernement. Aux yeux de l’histoire ce texte sonne juste sur bien des points : «Soyons résolument lucides, le potentiel d'influence du Front national est loin d'être parvenu à son apogée. La politique suivie demain ne diminuera pas le nombre des exclus. Au mieux elle en limitera les futures augmentations.» Mais il sonne faux sur d’autres et en particulier sur l’analyse fasciste du Front national et sur le bon rôle de SOS Racisme. Il est orné d'une sérigraphie de 68 qui interroge sur le fascisme. En effet en 1958 l'arrivée de de Gaulle au pouvoir est désignée comme fasciste et ne le sera pas et en 1968, vu le départ de de Gaulle en 1969, le fascisme n'est pas au rendez-vous. Comme il ne le sera pas avec le FN même si le fascisme s'incruste petit à petit dans la société. JPD

 

Un ventre plus que jamais fécond

Ne nous rassurons pas trop vite. Bien sûr les 54 % de François Mitterrand sont d'abord un non à Le Pen. Bien sûr les gesticulations criminelles de Chirac se sont dans une certaine mesure retournées contre lui. Bien sûr la joie des jeunes, des beurs des immigrés dans les rues de Paris le 8 mai au soir avaient quelque chose de tonique. Mais rien de tout cela n'efface le goût de cendre laissé par le score de Jean-Marie Le Pen au soir du premier tour. Rien ne change le fait, la droite dite classique dût-elle en faire les frais, que le fascisme à la française occupe désormais une place clé sur l'échiquier politique national et que la priorité des priorités consiste tout à la fois à comprendre pourquoi et comment combattre efficacement ce cancer. L'élection présidentielle prise dans sa globalité restera comme la manifestation d'un double triomphe : celui de la restructuration du champ politique telle que l'a voulu le président de la République, celui de l'installation de Jean-Marie Le Pen comme un partenaire obligé de la droite conservatrice.

M se doit d'analyser, d'approfondir la connaissance de cette restructuration globale du champ politique, notre comité de rédaction a décidé d'y consacrer l'essentiel de notre numéro de juin-juillet, repoussant à la rentrée de septembre le numéro Sud-nord.

M se doit aussi d'alerter tous ceux que le soulagement dû au résultat du 8 mai pourrait démobiliser. Soyons résolument lucides, le potentiel d'influence du Front national est loin d'être parvenu à son apogée. La politique suivie demain ne diminuera pas le nombre des exclus. Au mieux elle en limitera les futures augmentations. L'effondrement du courant révolutionnaire qui a été un des principaux facteurs de la porte ouverte à la poussée lépéniste n'est pas achevé. Au mieux de timides restructurations s'amorcent. La défaite du candidat du RPR peut être un nouveau facteur de radicalisation d'une partie de l'électorat de droite. Qui sait enfin si François Mitterrand voudra véritablement débarrasser la France du Front national quand son surgissement largement voulu lui a été si profitable? Serge July dans Libération nous livre, clé en main, la solution : Mitterrand n'a qu'à dissoudre, et les législatives par la grâce du système majoritaire provoqueront le laminage des amis de Jean-Marie Le Pen. En sièges peut-être mais en voix rien n'est moins sûr. En tout état de cause ce n'est pas par de simples manœuvres institutionnelles qu'on répondra en quoi que ce soit à la lame de fond qui mine notre société. II va donc nous falloir combattre à chaque instant. Continuer, et de ce point de vue il faut rendre grâce à ce qu'a su faire SOS racisme, la mobilisation des antiracistes mais aussi comprendre que cela ne peut suffire et qu'il va falloir aller disputer à Le Pen le plus grand nombre de ses électeurs et de ceux qu'il peut encore gagner. Sachons aussi que nul ne sera regagné sur la base du discours dominant à gauche qui consiste à leur dire «ce n'est pas si grave, Le Pen est fasciste mais vous ne l'êtes pas». Erreur, ces hommes et ces femmes peuvent s'arrêter en chemin mais ils sont à présent sur la route qui les conduit au fascisme le plus ordinaire.

Alors, que les cris de joie de la Place de la République nous redonnent l'envie du combat de grâce qu'ils ne nous rassurent pas trop vite. Gilbert Wasserman

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