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Vie de La Brochure
3 juin 2018

Raïssa, une femme russe

Raïssa 1

De père ukrainien et de mère sibérienne, elle a été baptisé Raïssa. Le lien entre les deux parents s’appelle le chemin de fer : le père construisait une voie ferrée qui passa dans le village de la mère.

Bien que de parents illettrés jusqu’à la fin de leur vie (ce qui n’empêchait pas le père d’admirer l’écrivain ukrainien Chevtchenko[1]), elle est devenue professeur de philosophie et a eu la chance de bien connaître Mamardachvili qui a épousé sa compagne de chambre à l’université.

J’ai pensé à Raïssa au cours d’une conversation avec trois femmes russes, qui ont évoqué le machisme ambiant parfois moins connu que d’autres. D’où vient-il ? Il est possible que la génération décimée de la guerre ayant entraîné un nombre plus grand de femmes que d’hommes ait renforcé les prétentions mâles des uns ou des autres.

Raïssa 2

Aujourd’hui on estime que la population russe est à 146 392 469. Parmi ces millions d’âmes russes nous comptons actuellement dans les 67 805 144 hommes et 78 587 325 femmes. Sachez qu’en France nous comptons dans les 32 291 287 hommes pour 34 336 315 femmes. Cette comparaison nous confirme bien l’inégalité du ratio homme femme en Russie. De plus, l’espérance de vie moyenne de la femme russe est de 73 ans et celle de l’homme russe est de 59 ans.

Cependant, le machisme est un phénomène plus fort que les circonstances et je crains que comme partout on en découvre les raisons profondes dans la religion mais n’ayant aucune connaissance de la version orthodoxe je ne vais pas en dire plus[2].

Raïssa 3

Sauf que le régime soviétique a mis à mal la religion, et que visiblement le machisme est resté vivace. Mais qu’est-ce que le machisme ? Il y a la question du rapport au travail. Parfois le machisme consiste à laisser la femme au «foyer». Mais il peut prendre d’autres visages comme envoyer la femme au boulot pendant que l’homme se repose. Aux Amériques, chez des peuples indigènes, j’ai souvent entendu que l’homme doit moins se fatiguer pour protéger ses capacités reproductrices ! Facile !

Dans le cadre de l’URSS, les femmes ont pu accéder au travail mais sans pour autant accéder à l’émancipation même si le droit à l’IVG a été antérieur à la France ! Pour rappel, l’IVG a été autorisée de 1920 à 1936 puis de 1955 à nos jours. La question n’est pas close cependant. «L'église orthodoxe a pris une position hostile à l'avortement en 2011, dans le cadre de propositions pour une politique nationale de famille et de l'enfance. En 2013, des députés de Samara ont présenté un projet de loi qui vise à supprimer la gratuité. Ce projet de loi n'a pas été examiné. Le débat a été rouvert en 2016 par des mouvements traditionalistes, qui ont recueilli 400 000 signatures à une pétition hostile au droit à l'avortement et à sa prise en charge par l'assurance santé, dont celle du patriarche de l'église orthodoxe Cyrille, et du grand mufti de Russie, Talgat Tadjoudinne.» L’union des religions...

 Un peu comme les couches sédimentaires sur le sol, la partie supérieure est la plus éphémère, et celles en dessous sont plus indestructibles.

Même après plus de 70 ans de lutte contre la religion elle est revenue au premier plan, preuve que les comportements traditionnels ont parfois la vie dure. Ce machisme démontre en conséquence que l’étape soviétique a été moins déterminante pour la suite, que l’histoire longue du pays.

Et Raïssa ? Elle n’a jamais accepté le moule ordinaire et l’amour de sa vie en a été heureux. Ils se sont mariés en 1953 et toujours solidaires, toujours liés, chacun a eu aussi sa propre carrière. Puis une nuit de 1985 le mari est venu lui demander conseil. De ce jour Raïssa est devenue une femme planétaire.

Auparavant en 1971, le couple a voyagé en Italie (Rome, Naples, La Sicile), et alors ils ont regardé le monde d’un autre œil. Pour des Russes, l’Italie est un peu comme une énigme : un pays si puissant par la culture et si faible en tant que nation.

Si du point de vue de la langue, le français a été, pendant un temps, très présent dans les cercles du pouvoir (aujourd’hui c’est l’anglais) du point de vue de l’art, de l’architecture, de la peinture l’Italie est la référence. Voilà pourquoi les collections de peintures italiennes de l’an 1300 à l’an 1900 sont très importantes à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg alors que les collections françaises sont moindres (des artistes français qui à cette époque là faisaient le voyage… en Italie).

Comme on le dirait dans les pays arabes, Raïssa est une femme dite «occidentalisée». Sur ce point comme sur d’autres il n’y a pas d’occident face à l’orient mais des luttes féministes qui avancent ou qui reculent. Il est arrivé que les femmes égyptiennes gagnent des droits qui n’existaient pas en Espagne.

En plus de professeur de philosophie Raïssa a eu l’occasion de pouvoir aider des milliers d’enfants victimes de la leucémie et, effet ou nom de cet effort, elle est à son tour morte d’une leucémie en 1999 (elle est née en 1932), laissant un mari désespéré.

En Russie, Raïssa fortement critiquée (mot bien faible) par des éléments conservateurs n’a pas pour autant suscité l’enthousiasme des femmes de son pays. J-P Damaggio

P.S. J’ai oublié le nom de son mari mais avec les photos reprises de journaux italiens en un temps où je lisais l’actualité sur cette presse, certains la reconnaîtront peut-être.



[1] D’après Wikipédia : «Taras Chevtchenko (en ukrainien né le 25 février 1814 (9 mars 1814 dans le calendrier grégorien) à Moryntsi (uk) (gouvernement de Kiev) et mort le 26 février 1861 (10 mars 1861 dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg, est un poète, peintre et humaniste ukrainien. Il est considéré comme le plus grand poète romantique de langue ukrainienne. Figure emblématique dans l'histoire de l'Ukraine, il marque le réveil national du pays au XIXe siècle. Sa vie et son œuvre font de lui une véritable icône de la culture de l'Ukraine et de la diaspora ukrainienne au cours des XIXe et XXe siècles. La principale université ukrainienne porte son nom depuis 1939 : l’université nationale Taras-Chevtchenko de Kiev.»

[2] La part des Orthodoxes dans les pays suivants : Russie 61%, Roumanies 80%, Moldavie 50%, Macédoine 61%, Lettonie 31%, Grèce 88%,Géorgie 81%, Ethiopie 35%, Erythrée 42%, Egypte 13 %, Chypre 76 %, Bulgarie 73%.

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Commentaires
L
merci pour cette précision.<br /> <br /> ma note provenait d'une présentation générale des "orthodoxes" qui en effet mérite les précisions apportées. jpd
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G
Il y a une inexactitude dans la note n° 2. Car les "orthodoxes" sont ceux qui suivent les décisions des conciles oeucuméniques qui ont eu lieu à la fin de l'Antiquité. Or, certains chrétiens d'Orient ont refusé certains conciles : ce sont les Syriaques (occidentaux et orientaux), les Arméniens et les Coptes (en Égypte, Éthiopie et Érythrée). L'Église dite "copte orthodoxe" n'est pas "orthodoxe" car elle a refusé le concile de Chalcédoine. Il en est de même des églises coptes d'Éthiopie et d'Érythrée. idem pour l'Église apostolique arménienne détachée de Constantinople. Quant aux syriaques, autres chrétiens non-orthodoxes, ils ont la particularité de n'avoir jamais été au pouvoir où qu'ils se trouvent (même si certains hauts dignitaires de l'Empire mongol étaient syriaques orientaux) ; ce qui les différencie des juifs qui ont dirigé un temps le Yémen et l'empire khazar.. Voir : http://gerard.fretelliere.over-blog.com/2015/09/chretiens-d-orient.html
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