Claude Julien en 1968

Avec d’autres il m’est arrivé d’inviter Claude Julien pour un débat à Montauban (en 1998). Il avait pris sa retraite à Villeneuve-sur-Lot et avait accepté de venir tirer les leçons de ses combats. La conférence improvisée aurait mérité un enregistrement car je n’ai pas connaissance qu’il ait eu la possibilité de s’exprimer à nouveau. A l’invitation des animateurs du journal Point Gauche ! il n’hésita pas à indiquer que les journaux n’ont jamais réussi à changer le monde. Lucidité ou amertume ? Voici la conclusion d’un article publié en octobre 1968 que vous pouvez lire en entier. J-P Damaggio

"Pas de concession aux impérialistes

LE gouvernement de La Havane est ainsi conduit à tirer la leçon des désillusions qui marquent ses relations avec l'Europe de l'Est, en même temps qu'il doit regarder d'un œil neuf le potentiel révolutionnaire de l'Amérique latine. Dans son jeu, un seul élément stable, immuable : l'hostilité des Etats-Unis, qui ne renoncent pas à étouffer la révolution cubaine. Partout ailleurs, les cartes n'ont pas tenu ce qu'elles promettaient. Pour M. Fidel Castro, qui n'aurait pas conquis le pouvoir s'il était moins obstiné, ce n'est certes pas une raison d'enterrer sa foi révolutionnaire. Dans son discours du 23 août sur la crise de Tchécoslovaquie il a déchaîné le même enthousiasme populaire en proclamant que le peuple cubain est prêt à «sombrer avec notre révolution plutôt que de survivre au prix d'une concession aux impérialistes». Cette vision apocalyptique est bien dans la manière cubaine, et elle ne se traduit pas par une simple clause de style. Mais elle ne permet pas davantage d'étudier des problèmes posés depuis longtemps et que chaque événement, de l'entrée des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie aux émeutes de Mexico, remet en lumière pour inviter les dirigeants cubains à analyser avec rigueur leurs conceptions et leurs positions. CLAUDE JULIEN."

 Le_Monde_diplomatique_octobre_1968