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Vie de La Brochure
12 août 2018

Marseille et Vazquez Montalban

Il arriva à Vazquez Montalban d’écrire des courts métrages de sept minutes pour l’écrivain surprenant, Jean Réal. Voici celui concernant Marseille. JPD

 

1 ) Marseille depuis le pont d’un bateau. Jour

Petit-jour. La caméra s’attarde dans la contemplation de la ville au fur et à mesure que le jour se lève et que le bateau approche du port. Soudain, un flash transforme la ville en une photo fixe.

NIKON

 

2 Port de Marseille. Extérieur. Jour.

Bateau de passage mouillant au port.

NIKON

 

3 Port de Marseille. Extérieur. Jour.

Plan détaillé sur le garde-fou sur le pont du navire et le début de l’échelle de débarquement. Soudain apparaissent plusieurs japonais et l’un d’eux prend très rapidement une photo. Photo fixe des gens qui attendent l’arrivée du bateau.

 

4 Port de Marseille. Extérieur. Jour.

Le japonais que nous venons de voir avance en tête devant les autres passagers ; il descend deux à deux les marches de l’échelle. Il est habillé comme seul peut se vêtir un japonais qui croit être habillé à la manière d’un nord-américain. La dernière marche à peine franchie que, debout, puis un genou à terre, il prend avec rapidité une autre photo. Photo fixe d’un enfant maghrébin ni souriant, ni surpris.

NIKON.

 

5 –Rues du quartier du port. Extérieur. Jour.

Les touristes entament la conquête de la ville. Ils portent en bandoulière leurs appareils photo tels de soldats d’une armée d’occupation visuelle. De temps à autres on entend sonner les déclics et apparaissent les photos fixes les plus diverses : depuis un pot de fleurs jusqu’à un tas d’ordures en passant par un corps féminin, photos du genre Cartier-Bresson, photos gratuites, prises pour le simple plaisir de faire marcher l’appareil.

 

6 – Rues du quartier du port. Extérieur. Jour.

Le japonais du début n’arrête pas de photographier les obligatoires lieux touristiques de la ville. Il ne voit rien. Il photographie. De temps à autres, parmi les photos les plus banales ou les plus touristiques, une séquence dramatique prend corps, que l’appareil photo capte par routine, comme si le photographe en ignorait la dramaturgie.

NIKON

 

7 – Terrasse d’un bar. Marseille. Extérieur. Jour.

Le japonais est fatigué. Assis sur une chaise à une table. L’appareil photo posé entre ses jambes. Il le caresse. Comme s’il voulait le ranimer.

NIKON

 

8 Terrasse  d’un bar. Marseille. Extérieur. Jour..

Un serveur pose une assiette sur la table face au japonais. Celui-ci semble porter une attention très particulière à l’assiette.

 

9 Terrasse  d’un bar. Marseille. Extérieur. Jour.

Premier plan sur l’assiette que le serveur a laissé sur la table. Deux œufs frits, une saucisse de francfort, des frites. Le tout d’un aspect lamentable.

NIKON

 

10 Terrasse  d’un bar. Marseille. Extérieur. Jour.

Le japonais est en train de photographier l’assiette aux œufs frits comme s’il était affamé.

NIKON

 

11 Rue de Marseille. Extérieur. Fin d’après-midi

Le touriste japonais continue de photographier tout ce qu’il aperçoit, son rythme est le même que celui des photos prises le matin : monuments, figures pittoresques, des idioties quelconques, et voici qu’il se retrouve face à la même histoire commencée le matin :

La femme insulte l’homme qui l’a giflée.

L’homme essaie de l’agresser de nouveau.

Quelqu’un poignarde l’homme par le dos.

La femme est mortifée et a très peur.

 

Le japonais a photographié le tout comme s’il s’agissait de sujets de nature-morte.

 

12 Marseille. Extérieur. La nuit tombe

Perspectives générales de la vile vues depuis une hauteur. L’appareil Nikon continue de temps à autre à lancer des photos qui paraissent fixes.

NIKON

 

13 Port de Marseille. Extérieur. Nuit.

Le bateau au mouillage fait marcher la sirène d’appel. Les touristes reviennent lentement, par groupes, un à un.

NIKON

 

14 Echelle d’accès au bateau. Port de Marseille. Nuit.

L’irréductible photographe japonais monte laborieusement l’échelle du bateau. Soudain on entend un déclic sur son dos. Photo fixe montrant la surprise du japonais en train de monter l’échelle. Il se retourne pour voir qui a pris la photo. Un autre déclic. Le japonais, sur photo fixe, exprime son étonnement. En même temps qu’un troisième déclic, claque un coup de feu. Photo fixe du japonais, sa figure tordue par un rictus douloureux.

NIKON

 

15 Echelle du bateau et plan général des quais. Nuit.

La caméra se déplace allant du corps du japonais abattu sur l’échelle vers les jambes d’une femme qui s’en va.

NIKON

 

16 Port de Marseille. Extérieur. Nuit.

La femme, protagoniste de cette histoire criminelle, se retire à reculons. Une voix off, on suppose que c’est sa voix, récite, tandis que les vers apparaissent en superposition :

Tu étais ma mort

Et ALORS que tout m’échappait

Toi, j’ai pu te retenir.

Paul Celan

Dans Filaments de Soleil

 

14 Port de Marseille. Extérieur. Jour.

Un bateau au mouillage. Sur l’échelle descend un homme d’environ cinquante ans. Vieillissant, mais encore corpulent. Un type genre Jean Gabin. Il porte une valise minable. Une fois l’échelle descendue, il s’arrêté. Il hésite, ne semblant pas savoir où aller. Enfin il se met en marche.

Manuel Vazquez Montalban

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