François Hincker et 68
Dans son livre le parti communiste au carrefour[1], François Hincker fait une étrange impasse sur 68 sauf pour consacrer un chapitre au cas de la Tchécoslovaquie qui certes a eu une influence sur l’histoire du PCF mais moins que les événements français du moment. Or le livre fait l’histoire du PCF de 1965 à 1981 et cet historien n’en fut pas seulement le spectateur mais un acteur au plus haut niveau.
On y trouve seulement cette allusion : « Or cette alliance est nécessairement conflictuelle : c’est de ce point de vue qu’il faut lire les événements de 1968 et tout particulièrement l’extraordinaire psycho-sociodrame que fut la longue marche des étudiants vers Renault, dont les portes furent fermées par les syndicalistes de la CGT, laissant dehors Jean-Paul Sartre juché sur un tonneau. Cette alliance est conflictuelle parce que chacun à la possibilité d’apprécier les forces et les qualités de l’autre et le danger que l’autre représente pour lui. La classe ouvrière envie et redoute ces couches à dominante intellectuelle qui ont le savoir et la direction technique des choses ; celles-ci envient et redoutent la classe ouvrière qui a le nombre, la force, l’organisation, le parti.»
Donc le seul point mis en valeur est l’union difficile que révèlent les événements, entre la classe ouvrière et les étudiants, peut-être parce que, pour Hincker, toute l’histoire du PCF est à ses yeux l’histoire d’une quête d’une union difficile à gauche.
Ce point est important par seulement en France. Le PCI a été confronté à la même question et tenta de la résoudre autrement. Et on peut élargir le problème ailleurs à propos de la difficulté des communistes pour s’unir en Amérique latine avec les forces paysannes (y compris quand éclata la révolution cubaine).
D’où la grande question du peuple toujours évidente et toujours impossible.
En 68 la grande grève décisive est, pour certains, celle du peuple qui s’oppose aux enfants de la petite - bourgeoisie, sauf que parmi eux il y avait un grand nombre d’enfants de membres du PCF !
J’ai beaucoup aimé François Hincker (il avait préfacé un livre qui m’a marqué sur les luttes dans l’Aveyron écrit par Louis Erignac) qu’avec l’association Lectures Plurielles nous avions invité à Montauban au moment du Bicentenaire de la Révolution française. S’il meurt à Paris, le 5 février 1998, il est enterré au cimetière de Cassanus, commune de Causse-et-Diège (Aveyron). Je renvoie à cette étude peu connue et si sentimentale. J’avais compris que ses défauts oratoires avaient dû contribuer à en faire un homme de l’ombre.
Jean-Paul Damaggio
P.S. : Je n’ai pas perdu le fil de mes études sur l’année 68 même si la vie m’en a écarté un brin.
[1] Le parti communiste au carrefour, essai sur quinze ans de son histoire (1965-1981, Albin Michel, 1981