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Vie de La Brochure
16 février 2019

Gilets jaunes : conclusion finale

Chirac 2003

Dessin de 2003

Après cent jours de participation-observation du mouvement des gilets jaunes, je vais donc conclure mon propos avec la mise en ligne du tome 2 de mes écrits. Le mise en ligne permet d’accéder plus facilement aux divers textes par le moteur de recherche, pour y découvrir les mots qui y sont et ceux qui n’y sont pas, les moments visibles et ceux invisibles etc.

En guise de conclusion j’ai envie d’abord de pointer l’écart entre l’ordre et le désordre.

L’ordre n’est pas seulement celui imposé par le pouvoir dominant ; il existe aussi celui des syndicats, des partis et des dits corps intermédiaires. Micron, en tuant les corps intermédiaires a été un premier facteur du désordre, mais au bénéfice de son ordre à lui !

Les gilets jaunes ont indisposés tous les ordres existants, car ils ont mis en œuvre un désordre jamais prévu par aucun des ordres !

Ils ont voulu à chaque pas inventer leur propre marche.

Par définition ils sont pluriels. Les socialistes aussi sont pluriels mais membre d’une unité, comme les communistes, les cégétistes, etc. Pour les gilets jaunes la seule unité est leur gilet ce qui, pour certains ne va pas loin, sauf que dans les faits, ils créent une révolte qui entre dans l’histoire !

Il faut donc pointer l’écart entre les faits et les discours.

Les gilets jaunes redonnent aux faits leur priorité sur les discours. Ils ne disent jamais à la fin d’une manifestation qu’elle est réussie. Ils préparent la suivante… Ils ne mettent pas les faits en cage mais bien en mouvement et au fil des lieux, des jours, et des personnes le mouvement est polymorphe. Là où mls incohérences constituent une faiblesse, chez les gilets jaunes elles constituent une force.

Non pas discourir sur les faits mais faire que les faits fassent discours. D’où l’écart avec les plateaux télé qui sont les lieux par excellence de discours masquant les faits sous prétexte de les mettre en lumière !

Il faut donc pointer l’écart entre le réel et les médias.

Subitement, comme des barbares, les invisibles sont sortis du bois. Par quel mystère étaient-ils des invisibles ? Car depuis des lustres iles étaient les oubliés, les retardés, sans représentation. Historiquement, le PCF était leur voix puis le FN aussi. Ce fil s’est coupé sous pression des médias dominants. Il y a bien eue les sans logis, les sans papiers, les sans toit mais tous n’étaient que la marge compatissante d’un univers d’exclus périphériques. Ce mot de périphérie renvoie souvent à une marge, à une minorité or elle est la masse ! Les villes se sont entourées de périphériques (après Paris le terme s’est généralisé), se sont données quelques banlieues mais l’essentiel est resté en dehors. Quand Toulouse fait moins d’un million d’habitants, la région en fait plus de quatre ! Mais les médias sont au petit soin du million en question !

Il faut donc pointer l’écart entre les gagnants et les perdants.

Dans cette course folle aux gagnants, la métropole s’est donné ses propres perdants, les banlieues. Ainsi la boucle était bouclée et tout tournait autour d’elle. Avec la révolte des ronds-points ce sont les métropoles qui sont devenues de simples verrues, dans un univers écrasé depuis tant de temps.

On a parlé de la révolte des canuts brisant non leurs chaînes mais les machines porteuses de modernité. Sauf que là aussi les canuts ont été caricaturés en adversaires du progrès alors qu’ils se battaient pour accéder aux bénéfices du progrès ! La destruction de machines n’était pas le but en soi mais le cri de douleur pour se faire entendre. Les perdants ne sont pas les perdus ! Ils ne sont pas réactionnaires face à un capitalisme en révolution permanente. Les gilets jaunes se sont retrouvés, en sortant du labyrinthe où ils étaient des perdants. Leur rond-point est devenu une lumière !

Il faut donc pointer l’écart entre la lumière et l’ombre.

Les plus sérieuses critiques contre les gilets jaunes sont venues des gilets jaunes ! Ne pas mesurer ce fait confine à l’enfermement dans les ordres en place. Je me souviens de l’un d’eux me disant : « ils passent au rond-point avec le gilet jaune sur le pare-brise, mais vous croyez qu’ils s’arrêteraient pour parler un peu ! ». Et l’autre : « vous croyez que la manifestation-promenade peut nous faire gagner ? Je ne crois qu’en la violence. » Et l’autre : « Les gilets jaunes ont oublié les revendications premières pour nous noyer sous des revendications globales. » Et encore : « Honte à ceux qui veulent créer un parti politique pour nous diviser ! »

Les gilets jaunes ne sont pas la lumière donnée pour tous et partout. Ils portent leur part d’ombre et la frontière entre les deux états devient mouvante quand pour d’autres elle est fixe. « Nous sommes la lumière et vous êtes l’ombre » est le slogan classique qui a pris l’eau depuis trois mois ! D’ailleurs les philosophes d’avant la grande révolution de 1789 n’étaient pas la lumière mais LES lumières ! Et Rousseau n’a pas braqué le projecteur utilisé par Diderot !

Il faut pointer l’écart entre Rousseau et Diderot.

J’aime autant l’un que l’autre à condition de ne pas prendre l’un pour l’autre ! Les gilets jaunes devraient aimer Rousseau plus que Diderot car sur le gilet commun tous, ils y inscrivent souvent leur personnalité. L’obsession de Rousseau a été de chercher comment dans le mouvement de tous chacun pourrait être d’autant plus lui-même Par le mouvement de tous !

Je combats depuis longtemps cette pratique qui voudrait que l’individu évite de critiquer son camp, pour ne pas faire le jeu de son adversaire comme s’il y avait un canyon entre les deux rives. J’ai cru longtemps que cette pratique était propre au PCF où toute critique de l’URSS consistait à faire le jeu des USA mais en quittant le PCF j’ai découvert qu’elle était largement partagée et portait tort, partout, aux forces démocratiques, car elle autodétruisait la capacité à convaincre le citoyen de base. Je préfère ne pas donner d’exemples dans l’actualité.

Les gilets jaunes, c’est le type de train qu’on ne pouvait pas prendre en marche. Si certains y sont montés pendant qu’il roulait c’est qu’il avait déjà trop ralenti.

Le Canard enchaîné pourra reprendre son dessin de 2003 en changeant Chirac en Micron. Demain restera un rêve. J-P Damaggio

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