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Vie de La Brochure
8 mars 2019

Anne Sylvestre en Calamity Jane, en 1989

Anne sylvestre calamity jane

Qui se souvient de cette opération étrange intervenu dans un Bataclan rendu célèbre depuis ? Et surprise, j’y croise Jean-Pierre Léonardini, critique inévitable des pièces de Benedetto. Et Pauline Julien. Un spectacle qui a dû être surprenant sur toute la ligne ! Surtout que pour l’instit que j’étais : Anne Sylvestre était seulement une chanteuse pour public enfantin. «J’ai une maison pleine de fenêtres… ».

J-P Damaggio

 Politis 16 novembre 1989

Anne Sylvestre chausse les bottes de Calamity Jane

« N’oublie jamais ça, Janey : ce n'est pas le nombre de jupons qui fait la femme, c'est-à-dire la créature humaine. Mais c'est la fierté et l'indépendance. » Sur — ces forts conseils maternels, l'actrice Anne Sylvestre interrompt sa répétition et sort de scène comme sa Calamity Jane descendrait de cheval. «Attention, prévient-elle d'emblée, "La ballade de Calamity Jane" n'est pas un western à l'américaine, ni un spectacle destiné aux enfants pour les fêtes. C'est l'histoire d'un être humain, de ses chagrins, de sa façon de se brûler. »

-Quand une artiste veut se confier à son public sans pour autant se dévoiler, elle se choisit une héroïne et la met sur scène. « Ce n'est pas pour rien que l'on est séduit par un rôle, reconnaît volontiers Anne. Le fait que Calamity ait existé n'est qu'un petit plus. J'ai été attirée par les ressemblances entre elle et moi. Elle avance en cherchant plus loin, au mépris des conventions. Elle vit l'aventure, domaine réservé des hommes. Et elle reste, complètement, femme. »

L'envie d'Anne Sylvestre de faire l'actrice remonte à deux ans, à son spectacle avec Pauline Julien, Gémeaux croisés, déjà mis en scène par Viviane Théophilidès. Prise en main, mise en espace, libération : la chanteuse, débarrassée du micro, découvre que l'on peut bouger, parler sur une scène. «Ce fut comme si l'on m'avait ouvert une porte», confie-t-elle. Le travail en équipe aussi la séduit : adieu, solitude du chanteur de fond, voici venir une actrice convaincue. Le sujet de la future pièce s'impose : la vie de Calamity Jane, dont Anne lisait déjà une lettre dans Gémeaux croisés. L'arithmétique est irréfutable : Anne plus Viviane plus Jane, cela fait trois femmes. C'est néanmoins à un homme, Jean-Pierre Léonardini, que toutes trois confient leur destin pour écrire la pièce, dans laquelle une place privilégiée devra être réservée à la musique et aux chansons. «Celles-ci sont mon regard, face à celui de Jean-Pierre. Elles viennent en contrepoint de l'action. » Anne Sylvestre en a écrit quatorze pour le spectacle, et elle en chante neuf. Mis à part une célèbre aventure de Lucky Luke, le seul lien entre Calamity Jane et notre réalité est un petit livre, paru en 1979 aux éditions Tierce et récemment réédité en Points-Seuil sous le titre Lettres à sa fille (1877-1902). La préface nous apprend que Calamity, née Martha Jane Cannary en 1852, s'est, dès 15 ans, habillée en homme. Qu'elle a construit des chemins de fer, a servi dans l'armée comme éclaireur et a été la femme d'un seul amour, celui du redoutable pistolero Wild Bill Hickock. De leur mariage (exigé par Jane) naît en 1873 une petite Janey. Abandonnée par Wild Bill le bien-nommé, Jane confie sa progéniture à un couple de riches Anglais, afin de lui éviter la misère. Elle gardera toujours le contact avec ce couple et écrira à sa fille un journal sous forme de vingt-cinq lettres jamais expédiées, «afin que tu saches que je n'étais ni une mauvaise mère ni une femme de mauvaise vie».

Tel est le cadre dont s'est librement inspiré Jean-Pierre Léonardini pour écrire sa Ballade. «J'ai conçu cette pièce, précise-t-il, comme un hommage aux garçons vachers, aux lumpen prolétaires de l'Ouest et à une clocharde céleste, lumineuse et vivante.» Anne Sylvestre, en Calamity sur la fin de sa vie, regarde celle-ci défiler, en scènes courtes articulées par ses chansons. Comme Calamity, qui fut aussi entraîneuse, elle a en face d'elle, Bataclan oblige, des spectateurs qui dégustent quelque boisson en l'écoutant. Piano désaccordé. Banjo. Saloon. Magie. Profitez-en bien, car, un jour, Wild Bill Hickock reviendra l'enlever. Et, ce jour-là, les portes du théâtre ne pèseront pas lourd.

PAULE BRUNEAU JEAN-CLAUDE DEMARI

 La ballade de Calamity Jane, du 16 novembre au 31 décembre au Bataclan, 50, boulevard Voltaire, Paris XI', tél. 48 06 21 11.

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