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Vie de La Brochure
13 mars 2019

Encore Kamel Daoud

Kamel Daoud sur les tous les fronts. J-P Damaggio

Libération : Algérie : «Le régime s’est piégé en détruisant toute opposition»

Par Alexandra Schwartzbrod — 12 mars 2019 à 20:56

Pour l’écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud, auteur de Zabor ou les Psaumes (Actes Sud, 2017) et le Peintre dévorant la femme (Stock, 2018), Abdelaziz Bouteflika a fait ces derniers temps tout ce qu’il ne fallait pas faire, y compris sa lettre de renoncement.

 Ce renoncement d’Abdelaziz Bouteflika, est-ce une victoire du peuple algérien ?

D’un point de vue symbolique, c’est une victoire formidable mais d’un point de vue politique, c’est une grosse déception car on se retrouve de fait avec une prolongation du mandat présidentiel et le même clan qui continue à diriger le pays. Un clan qui veut garder la main sur le processus de transition. Or, les Algériens ne feront pas confiance à un processus contrôlé par le régime.

 Ils ne vont donc pas se contenter de ce renoncement ?

Les manifestations vont recommencer, bien sûr, notamment à partir de vendredi. Et ça m’angoisse un peu. On était dans la joie, aujourd’hui on est dans la colère. Ce qu’il faut obtenir maintenant, c’est le départ de tous les apparatchiks. Et le seul moyen de l’obtenir c’est de changer l’équipe dirigeante et d’organiser des élections. Or, on ne peut pas le faire avec la Constitution actuelle.

 Pourquoi ?

Nous avons un Conseil constitutionnel complètement contrôlé par Bouteflika et un fichier électoral clandestin. La candidature d’Abdelaziz Bouteflika aurait obtenu 5,7 millions de signatures : mais où sont ces 5,7 millions de gens ? On n’en sait rien car le fichier électoral n’est pas accessible au public, il est dans le tiroir du ministère de l’Intérieur. Et c’est le ministre de l’Intérieur qui a organisé tout ça qui devient Premier ministre ! Donc comment voulez-vous avoir des élections libres ? Il est nécessaire d’aller vers une transition douce mais, pour y parvenir, il faut que les mécanismes soient efficaces et consensuels. Or le régime garde la main sur l’administration. Nous sommes donc coincés.

 Qu’est-ce qui aurait pu satisfaire les Algériens ?

Que Bouteflika renonce au cinquième mandat et choisisse une figure consensuelle pour mener la transition, c’était la seule façon pour lui de montrer qu’il avait entendu la rue. Là, il a fait tout ce qu’il ne fallait pas faire : nommer un Premier ministre du sérail - très mauvais signe de changement - et affirmer dans sa lettre qu’il n’avait jamais eu l’intention de postuler à sa propre succession, mais alors qui a signé son dossier de candidature ?

 Cela risque donc d’être le chaos dans les prochains jours ?

Non, le chaos, c’est le régime. L’ordre, la courtoisie, la politesse, c’est le peuple. Je ne pense pas qu’il y ait le moindre risque de chaos sauf si le régime veut la politique de la terre brûlée. Il est impératif qu’il accepte l’émergence d’un leadership alternatif au sérail. Le problème, c’est que je ne pense pas que cette régence ait le sens de l’Etat.

 Mais existe-t-il une alternative ?

Le régime s’est piégé lui-même depuis une décennie en détruisant toute opposition, il est coincé. On est face à une génération qui a une conception féodale mystique de l’Etat, ils se sentent comme les tuteurs légaux de la population, ça ne correspond pas à la vision de la jeunesse algérienne.

 En fait, tout est entre les mains de l’armée ?

Non. L’état-major reste fidèle à Bouteflika mais j’ai l’intuition que le reste de l’armée est dans l’expectative. Le mouvement populaire est chargé d’une telle légitimité qu’il attire beaucoup de sympathie. Et le pouvoir s’est quand même considérablement décrédibilisé. Ce qui fera tomber le régime, ce sont les défections en rafale, l’appareil du régime qui se vide peu à peu.

Alexandra Schwartzbrod

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