Gilets jaunes et européennes

Absent du pays pendant presque un mois j’ai un peu perdu le fil en matière de gilets jaunes. Mais je me dois d’y revenir au moins sur ce point : et les européennes ?

Pendant mon étude des gilets jaunes j’ai plusieurs fois rappelé qu’il y aurait plusieurs listes se réclamant de ce mouvement. Et ce fut le cas avec des listes marginales :Lalanne et Chalençon. Il y a surtout eu le cas de Barnaba s’affichant avec Florian Philippot.

Dans un article du 17 décembre je m’étais étonné que Regards (la revue si chère à Clémentine Autain) fasse une grande place à Jean-François Barnaba. Est-ce que la revue va réfléchir à cette erreur ? Où en est-elle satisfaite car elle n’a jamais montré un grand soutien pour les gilets jaunes ! Je m’en étais étonné car c’était cautionner un grand défenseur d’une liste gilets jaunes aux européennes or ce jeu mêlant politique et combat social était une façon de dénaturer le combat des gilets jaunes. Le personnage qui se disait «gilet jaune de l’Indre» où il était absent, a simplement confirmé, en finissant avec Philippot, sa faible conscience politique. Il avait le droit de finir avec Philippot mais encore fallait-il qu’il le dise. Quelqu’un pourrait comptabiliser les heures de télé qu’il a eu ! Même dans ce cas l’échec fut éclatant ! Quant à Gauchy qui avait fini par rejoindre la liste Debout La France, on ne peut pas dire que Dupont-Aignan ait fait un miracle.

Inversement, pour EELV, dont les atomes crochus avec les gilets jaunes furent faibles, ce fut l’envolée électorale.

La surprise c’est de constater que finalement Shahinyan qui a tant fait pour mêler gilets jaunes et politiques a été absent de l’épreuve. Il avait mis Ingrid Levavasseur en tête de liste d’un projet qui est mort né, et c’est l’autre demi surprise : elle aussi a été absente. Une demi surprise car si les femmes furent très nombreuses chez les gilets jaunes on constate que quand on passe à la politique elles disparaissent. Et on constate aussi que la personne ayant un discours le plus cohérent est en fait la plus marginalisée. Elle aurait pu devenir chroniqueuse télé, députée européenne mais le rêve n’a pas duré. J'imagine sans mal ses déceptions !

 Mais alors pour qui ont voté les gilets jaunes. C’est pas sorcier : pour le FN-RN ! Donc le bilan de cette lutte c’est le succès du RN ? Ou n’est-ce pas plutôt l’incapacité des autres courants à capter politiquement cette colère ?

 Revenons à cette occasion sur les sondages : quand ils prévoyaient 12% pour les gilets jaunes avaient-ils vu juste ? Les sondages ont deux aspects : pour une part ils fabriquent l’opinion, pour une autre ils la comptabilisent. Je pense qu’au moment où le sondage a eu lieu, dans les conditions de flou mises en place, le 12% était un fait réel. Mais il servait à manipuler ! Pendant que les discussions portaient sur la liste aux européennes, on divisait le mouvement et on évitait de parler des vraies revendications !

 Et si au final, électoralement le RN en tire les bénéfices, ça tient autant à Macron qu’aux gilets jaunes !

Premier étage de la fusée Macron : faire du RN l’adversaire majeur.

Deuxième étage de la fusée Macron : les gilets jaunes voulant surtout battre Macron, ils votent, non pour les idées du RN, mais pour l’envoyer à la première place. Et la deuxième place pour Macron, c’est bien, vu que dans le même temps la droite est effondrée ! Jamais Marine Le Pen ne gagnera la présidentielle aussi elle fait comme pour Mitterrand hier, pour Macron aujourd'hui, une adversaire de choix. Pourquoi « jamais » ? Car aucun parti sans alliés n’arrive à 50% en France ! Mais une part de la droite va-t-elle finir dans les bras du RN ? On vient de le voir avec le cas Mariani, le RN n'y gagne rien !

 La gauche a raté la revendication écolo et elle a raté la revendication de cette nouvelle classe sociale de petits, perdus parmi les truands. Le modèle du petit c’est l’auto-entrepreneur, le chauffeur routier, le travailleur ubérisé, le livreur de pizza, le petit retraité etc. La gauche et les syndicats avaient l’habitude de s’adresser globalement au monde du travail. Il n’existe plus globalement mais de manière éparpillée.

 La campagne présidentielle de 2017 a montré que quand Mélenchon a approché des 20% il a pu capter la part de cet électorat souhaitant une force capable de renverser la table. Cette force devenant marginale alors elle vote Le Pen ! Non par conviction, non par idéal mais par efficacité.

 Se battre avec les gilets jaunes n’a pas fait le jeu du RN mais, inversement, le RN, avec l’aide de Macron, avait toutes les cartes en main pour récupérer la colère des gilets jaunes. Il n’y a là rien de définitif si chacun tire les leçons de l’actualité. Sauf à prétexter, comme j’ai pu le lire, l'existence de ce vote FN pour disqualifier encore plus, les luttes des gilets jaunes ! J-P Damaggio