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Vie de La Brochure
5 juillet 2019

Encore sur la révolution du 2 décembre 1851

Victor Hugo a tout fait pour être l’opposant majeur à Louis Bonaparte devenu sous sa plume Napoléon le petit. Or le Prince-président ne fut pas aussi petit que le croyait le grand écrivain. Victor Hugo se focalise sur le crime pour masquer l’intelligence du «Petit» et les défenseurs du Second Empire se focalisent sur l’intelligence pour masquer le crime (que parfois ils attribuent à de mauvais conseillers du «Petit»).

Mais quelle intelligence ?

Il instaure définitivement en France le suffrage universel masculin car il comprend, à l’inverse de l’opposition de droite au sein de la IIème république, que le suffrage universel est devenu incontournable. Ce point est totalement révolutionnaire quand on mesure les conséquences qui font que pour arriver au droit de vote des femmes il faudra attendre presque un siècle de plus !

Victor Hugo a été un homme politique puisque dès 1842 il a failli être candidat aux législatives en Tarn-et-Garonne mais sans comprendre le sens politique de l’histoire. C’est vrai, en 1850 au moment de la loi Falloux il passe de la droite à la gauche mais cette évolution ne l’éclaire pas complètement sur ce qui se passe. Victor Hugo est seul (et même traître à son camp) tandis que Louis Bonaparte est chef d’équipe, certes une équipe de truands soigneusement choisis mais une équipe tout de même qui l’aide à regarder en avant, car il a l’intention de rester longtemps au pouvoir  et non pas le temps d’un mandat électoral !

Il invente en conséquence le suffrage universel manipulé et telle est la révolution qui s’est généralisée ensuite, et de laquelle nous ne sommes pas sortis, au point que la remise en cause du dit suffrage universel continue de cheminer sous diverses formes. Du combat naïf pour ou contre le suffrage universel pour la première fois dans l’histoire et pour longtemps on est passé à : pour ou contre la manipulation du suffrage universel.

 Louis Bonaparte fait donc franchir au suffrage universel une étape majeure. Avant 1848 la naïveté des gens de gauche leur faisait croire que si la population pouvait s’exprimer elle ferait vivre une république ; et les oppositions, toutes aussi naïves, des droites diverses, les confortaient dans cette croyance vu la peur qu’ils véhiculaient du dit suffrage.

La première des manipulations a été de doublement écarter les femmes du vote. Non seulement elles n’ont pas le droit, ce qui était vrai du temps du suffrage précédent, le suffrage censitaire, mais en plus elles se trouvent face à tous les hommes unis par ce droit ! Le suffrage censitaire ne fut pas une manipulation du suffrage universel mais une tentative pour en retarder l’arrivée.

 Donc Louis Bonaparte ose le suffrage universel, sans les libertés de base : la liberté de la presse, de réunion et de manifestation. Pour le reste il aura une constitution, des députés, des élections mais pas celle qui justement l’a porté au pouvoir : il abolit l’élection du président de la république au suffrage universel direct ! Va-t-il inaugurer le bourrage des urnes ? Je ne crois pas, il laissera cette action à ceux qui refusent le dit suffrage.

 La manipulation la plus symbolique concerne la base du vote : celui du conseil municipal. Les électeurs peuvent, au suffrage universel, choisir les conseillers municipaux mais, auparavant, le pouvoir nomme les maires et les adjoints. Astucieux ! Même la Troisième république aura du mal à sortir de ce piège !

La Seconde république avait fait de l’élection municipale le cœur même de la formation politique du citoyen et ça sera vrai après 1880 jusqu’en 1982. Pourquoi 1982 ? Car les socialistes vont lancer le processus d’intercommunalité qui, petit à petit, a tué la vie municipale, et la façon de choisir les responsables intercommunaux est du même ordre que l’intelligence de Louis Bonaparte !

 Je sais qu’aujourd’hui encore, à gauche comme à droite, certains crachent sur le suffrage universel (avec la justification de l'abstention) alors que déjà avec Louis Bonaparte l’essentiel n’est pas l’expression populaire mais les conditions de son existence. Bien sûr, les promoteurs du suffrage universel, surtout après son installation en 1848 font le même constat, mais sans imaginer une alliance entre le droit au suffrage et la terreur de masse. Qu’est-ce que la terreur de masse ? Faire tirer l’armée sur une foule de promeneurs ! Quand l’armée tire contre une barricade nous en restons à une forme classique de guerre civile mais quand l’armée va tirer sur des gens dans une rue pacifique alors ça signifie que n’importe qui peut tomber sous les balles. C’est le principe de la terreur utilisée depuis sous diverses formes. Louis Bonaparte l’utilise pour imposer le suffrage universel ! Mais  comment obtenir de soldats qu’ils tirent sur une foule pacifique ? Dans son livre précieux sur l’Honneur de Saint-Arnaud, François Maspéro (un génie) consacre un chapitre sur «les Africains à Paris». Il s’agit de militaires qui conduisent une guerre en Algérie où la gloire consiste à ramener le plus d’oreilles possible. Tirer sur des personnes sans armes est un «sport» terrible sous prétexte qu’en face il n’y a que des barbares. Il suffira le 2 décembre d’un peu d’alcool et de désigner du nom de barbares les insurgés pour que le massacre se déroule. C’est la part la plus macabre de l’intelligence de Louis Bonaparte : comprendre que l’histoire de France peut s’écrire d’abord en Algérie. Et ce fait se reproduira si souvent ensuite ! J-P Damaggio

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