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Vie de La Brochure
4 août 2019

Les temps du libre-asservissement

J’ai déjà écrit si souvent sur la question que j’ai la sensation de radoter mais l’actualité du phénomène est telle que son analyse est infinie.

Au départ, du temps des «valeurs» la liberté était de gauche et la soumission de droite, la liberté en tant que victoire sur la soumission et la soumission en tant qu’inévitable fait de l’histoire.

La gauche éclairée a su dès le départ que la liberté des uns s’arrêtait là où commençait celle des autres et que la liberté du renard dans le poulailler ce n’était pas la liberté.

La gauche brutale est allée plus loin : pas de liberté pour les ennemis de la liberté.

La gauche comique a su chanter en 68 : il est interdit d’interdire !

Depuis, les références ont été de plus en plus troublées avec comme arme majeure le vulgaire libre-service. Puisque vous choisissez vous-mêmes le produit que vous consommez, ensuite ne venez pas vous plaindre !

La gauche éclairée a senti le piège et propose depuis, de bien lire les étiquettes de ce que vous achetez, car on nous met sur les rayons, derrière des paquets alléchants, de la merde.

La gauche brutale invoque la nationalisation des multinationales.

La gauche comique a inventé les circuits courts comme d’autres ont inventé le fil à couper le beurre. C’est la même qui en 1982 criait au scandale quand le PCF affichait le slogan : produire français !, un slogan au racisme "évident".

 Bref, la droite a été conduite à prôner la liberté pour détruire la liberté, donc, autant le dire, la gauche ! N’allez pas croire que le libre-échange est devenu sa bible car elle peut très bien se marier avec le protectionnisme. Comment ? Si l’intérêt des puissances financières françaises consiste à sacrifier l’élevage français au profit de produits industriels dans le cadre d’un traité de libre-échange alors vive le libre échange mais si les mêmes veulent défendre des produits français contre d’autres alors vive le protectionnisme.

La gauche est donc perpétuellement prise à contre-pied : quand elle dénonce le libre-échange Trump devient le champion du protectionnisme, et quand elle prône les circuits courts (formule plus élégante que produire français) on lui répond : échanges internationaux. Tous les joueurs de foot vous le diront : rien de plus saignant que le contre-pied.

 Mais le libre-service et le libre-échange ne sont que la version économique d’un piège plus saignant encore. La liberté devient une valeur au-dessus de toutes les autres quand l’individu libre devient le plus fort de tous. Ayant toujours été de gauche, je place en effet l’individu libre au-dessus de tous les autres, car par sa créativité infinie il peut apporter tant et plus à la société, quand l’individu routinier et soumis ne fait que répéter un passé dépassé.

Le hasard a fait de moi, pendant toute ma vie professionnelle, un instit. Et les autorités éclairées ne cessaient de me dire qu’il me fallait «bouger» ne pas me répéter dans le métier, sortir du rôle d’instit du bas étage. Ainsi j’ai vu une rectrice que j’ai eu le plaisir de croiser yeux dans les yeux, devenir garde des sceaux !

Bien sûr, j’avais la liberté (en en payant le prix) de rester ce que j’étais, mais la société me disait que la modeste échelle devant moi, attendait que j’en gravisse les barreaux. D’ailleurs, telle instit qui avait gardé Krivine comme idole, n’était-elle pas devenue inspectrice ! Je n’ai rien contre l’ambition de gravir l’échelle, mais tout, contre la liberté de l’individu en route (ou en marche) vers l’écrasement des autres.

L’individualisme forcené est pire que le renard dans le poulailler d’autant qu’il va devenir celui qu’on montre du doigt, un coupable idéal, or il n’est pas individualiste de son propre fait, mais déterminé par la société !

La liberté détruit la liberté pas parce qu’on tue en son nom, mais parce qu’on empêche de penser son nom ! Ainsi donc, des femmes ont acquis, après des "luttes historiques"… la liberté de se voiler !

La gauche éclairée va aussitôt répondre que oui, parfois, le contexte social oblige quelques-unes à se voiler, mais au nom de ces dernières, pourquoi empêcher les autres d’exercer leur libre-choix ! Au nom des prostituées "consentantes" comment interdire la prostitution !

La gauche brutale ira droit au but : interdissons, interdissons.

La gauche comique ira plus loin : oser porter le voile est signe d’émancipation !

Peut-on sortir du piège ? Ou pour le dire autrement, par quel effet de la liberté pouvons-nous œuvrer pour une sortie du piège ? 

J’ai évoqué le hasard qui m’a fait devenir instit or en la matière, comme en bien d’autres, il n’y a pas de hasard. Bien sûr j’aurai pu rater le concours d’entrée à l’Ecole normale et ma liberté m’aurait conduit ailleurs mais c’était une époque où encore ce concours existait ! C’est une société dominée par la gauche qui m'a poussé, vu mon univers social, vers cette porte comme elle a crée pour d’autres, souhaitant devenir profs, les IPES. A ce moment là, j’allais chez l’épicier du village et pour remplir le panier, je devais demander les produits.

 Pour sortir du piège le premier impératif consiste à analyser son fonctionnement et la nature de la carotte qui nous pousse vers lui. Beaucoup de chercheurs s’attellent à la tâche mais il manque le déclic pour faire mouvement. Et ce déclic ne peut pas être la lutte écolo malgré toute l’estime que je lui porte depuis les années 80. Ni l’homme nouveau comme je l’espérais du temps de la grandeur de l’URSS. Ni l’autogestion. Si j’avais la réponse, elle ne serait déjà plus utile ! Le déclic aurait eu lieu ! J-P Damaggio

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