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Vie de La Brochure
20 août 2019

L’esclavage dans les Harems

Le_Bain_Turc,_by_Jean_Auguste_Dominique_Ingres,_from_C2RMF_retouched

La France d’alors, en particulier chez les peintres vivait à l’heure de l’orientalisme. Le Bain turc d'Ingres est antérieur (1862). Ce 11 juin 1876 tout le supplément littéraire du Figaro est consacré à la Turquie. On y trouve même un histoire de Gérard de Nerval. Théophile Gautier était passé par Constantinople. Le texte ci-dessous permet de sortir d'un univers fantasmé pour toucher à la réalité. J-P Damaggio

  

Le Figaro 11 juin 1876

LES FEMMES ESCLAVES : LA VIE DES HAREMS

Extrait d'un ouvrage de Mme Kibrizli- Pacha :

Trente ans dans les Harems d'Orient.

Le plus grand nombre des esclaves du harem se compose de pauvres Circassiennes ; le reste est formé d'Arabes, de Persanes et de femmes d'autres nations. Elles sont vendues à des marchands d'esclaves, soit par des intermédiaires qui les ont élevées, soit par leurs parents eux-mêmes. Ceux-ci considèrent leurs filles comme un moyen de se procurer de l'argent ; ils croient aussi qu'en les vendant ils contribuent à les rendre heureuses.

Il est de fait qu'en Circassie les femmes sont loin de mener une existence agréable, car on les emploie aux travaux les plus pénibles de la campagne, et leurs pères et leurs maris les considèrent comme de véritables bêtes de somme. Tous les soins domestiques reposent sur elles. Les hommes rougiraient de s'abaisser à s'occuper à des travaux utiles ; ils sont guerriers, et c'est tout.

A Constantinople, les marchands d'esclaves habitent en général le quartier de Top-Hané. Quand on veut acheter une esclave, on s'adresse à ces industriels qui font voir alors, pour qu'on fasse son choix, une troupe de jeunes paysannes mal vêtues qui n'ont quitté que depuis quelques jours leurs montagnes natales et ne parlent que le dialecte barbare de leurs tribus. Elles se vendent à différents prix, selon qu'elles sont plus ou moins belles et capables de faire des danseuses, des musiciennes, des servantes de bain, des femmes de chambre ou des odalisques. Elles valent de quatre mille à vingt mille francs.

Pour atteindre ce dernier chiffre, il faut qu'elles soient d'une beauté extraordinaire. Si elles sont laides, on ne les emploie qu'à des travaux qui ne les obligent pas à se présenter devant leurs maîtres, et dans ce cas leur valeur ne dépasse pas quinze cents à deux mille francs. Elles sont vendues ordinairement à l'âge de douze à treize ans, mais il arrive quelquefois que cela a lieu dès l'âge de six à sept ans. Pourtant ces cas ne se présentent que quand une dame veut les élever en qualité d'esclaves, soit pour les habituer à son service, soit pour les revendre avec bénéfice quand elles sont plus âgées.

Leur maîtresse les fait habiller convenablement, les habitue à se conduire comme il faut et à parler le turc. Elles s'appliquent à cultiver le talent particulier par lequel elles se distinguent, tel que la musique, la danse, la coiffure, etc. Si leurs charmes semblent leur donner le droit d'aspirer à la qualité d'odalisques, elles apprennent à se parer avec grâce, à observer les usages en vigueur dans la société musulmane, à offrir les sorbets ou le café, à saluer avec plus ou moins de cérémonie, ou à s'asseoir plus ou moins bas, selon le rang de la personne qui leur rend visite ou qui est visitée par elles; à accompagner leur maîtresse, etc.

Quand elles ont reçu ces premières notions de savoir-vivre, leur valeur est augmentée dans la proportion de leurs aptitudes, et c'est le moment où on les revend. Les chanteuses, celles qui savent jouer de la guitare, de la flûte, du tabar ou du tambour de basque, les danseuses et les joueuses de castagnettes entrent alors dans le harem des grandes dames qu'elles sont chargées d'égayer. Elles atteignent un très haut prix ; on les paie de six à huit mille francs.

Quand une dame possède une jolie esclave, c'est bientôt connu. Les amateurs qui désirent acheter une odalisque ou une femme font leurs propositions. Beaucoup de Turcs préfèrent en effet, prendre une esclave pour femme, car, dans ce dernier cas, ils n'ont pas à redouter le père, la mère, les beaux-frères, et d'autres parentés désagréables.

Une jeune fille ne peut pas être vendue pour devenir épouse ou odalisque sans qu'elle y consente.

L'achat d'une esclave se conclut de la manière suivante. Après l'avoir examinée de la tête aux pieds, l'acheteur, homme ou femme, se met d'accord pour le prix. Le marché terminé, la jeune fille est envoyée le lendemain chez son propriétaire, accompagnée d'une vieille femme qui ne la perd pas de vue. Celle-ci reste avec elle plusieurs jours jusqu'à ce qu'il soit bien établi que la jeune fille n'a pas de défauts corporels. Une sage-femme est appelée pour s'assurer qu'elle n'a jamais eu de rapports auparavant avec qui que ce soit. C'est après cet examen que l'argent est versé et la vente ratifiée par un récépissé en forme appelé petcheh.

Quelle que soit la maison dans laquelle entre une esclave, celle-ci est presque toujours également à plaindre. Les femmes et les odalisques forment la classe supérieure. Si leur maître est riche, elles jouissent de tous les raffinements du luxe : voitures, promenades, festins, serviteurs de toutes espèces. Mais il arrive souvent qu'après avoir été quelque temps l'unique femme de leur maître, celui-ci en introduit une autre et partage son affection entre les deux.

Quelle que soit la condition d'une première femme, qu'elle soit esclave ou libre, une nouvelle épouse la fait descendre au second rang. Si elle est esclave comme elle, il n'en résulte que de la jalousie ; mais si elle est riche et sort d'une famille pour laquelle le mari a des égards, la pauvre épouse esclave a à endurer tous les ennuis et toutes les humiliations qu'une rivale jalouse et toute puissante peut inventer pour elle. Sa vie n'est qu'un long martyre qui se termine souvent d'une façon tragique.

Quand une esclave entre dans le harem d'une dame du haut rang, son sort est vraiment à plaindre. Comme on l'a vu à propos des habitudes de Nazly-Hanum, elle est ordinairement obligée de passer la nuit sur pied pour rester aux ordres de sa maîtresse pendant qu'elle se livre à ses goûts de débauche. Un caprice suffit pour les faire condamner à être fouettées par des eunuques armés de carbatches, ou lanières de peau d'éléphant.

D'un autre côté, ces malheureuses créatures sont souvent en butte à la fois aux obsessions de leur maître et à la jalousie terrible de leur maîtresse. Menacées d'un célibat perpétuel, captivées par l'espoir d'être choisies pour odalisques ou femmes du second rang, souvent victimes de l'occasion ou de la violence, tout contribue à leur chute. Dès que leur maîtresse a vent de quelque intrigue, les furies sont déchaînées. Le mari, dont la patience s'épuise, abandonne sa victime au ressentiment de sa femme, qui se débarrasse de sa rivale en se hâtant de la vendre.

Si la malheureuse fille se trouve enceinte, elle ne peut être vendue tant qu'elle est en cet état. Elle ne peut pas être vendue non plus si elle donne naissance à un fils. Sa maîtresse la remet, en conséquence, aux mains d'une sage-femme chargée de la faire avorter.

Les esclaves sont exposées pourtant à rencontrer une consolation d'une triste espèce. Elles peuvent plaire à leur maîtresse sans captiver leur maître. Si elles sont dans le sérail ou dans quelque maison importante, elles peuvent devenir Kjaja-Kadin (première dame) ou Hazna- dar-ousta (trésorière) et dans ce cas, elles ont des appartements séparés avec des équipages et des servantes à leur disposition. Ce sont de grandes dames. La trésorière de la Sultane Valideh a plus de deux cents esclaves ou eunuques sous ses ordres.

 Mme Kibrizli-Pacha

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