Leçons politiques italiennes
Pas plus que pour l’Espagne on ne peut dire l’avenir que l’Italie nous prépare mais on peut tirer quelques leçons. Comme toute l’Europe ces deux pays sont fortement malades du capitalisme et pour s’en sortir toutes les tentatives ont eu lieu.
Au début des années 90 la politique des juges a permis l’élimination d’une première caste politique… pour le grand bonheur de Berlusconi et de Bossi ! Les héritiers du PCI étant incapables de faire avancer une alternative, la gestion du pays est devenue celle d’une entreprise. Il y a eu un peu d’alternance pendant quelques années mais sans succès social, bien au contraire, le néo-libéralisme imprimant sa marque à tout le pays. L’ex-PCI a petit à petit dérivé en parti social-démocrate ordinaire qui, en s’alliant au centre, a pu mettre en échec Berlusconi mais pas de façon durable et sérieuse.
Bilan : un mouvement nouveau est né, pour dégager cette nouvelle caste politique sans démocratie chrétienne, le Mouvement 5 étoiles.
Alors du côté de La Ligue du Nord, Salvini a compris qu’il fallait changer totalement la stratégie (il bat Umberto Bossi à la tête de son parti) : plus question de désigner le Sud comme l’ennemi à abattre, mais désigner l’immigré pour la défense du pays. Il vole la vedette à un Berlusconi fatigué.
Résultat, depuis les dernières élections de 2018 la majorité sortie des urnes se traduit par un gouvernement Ligue+M5S. En un an Salvini devient l’homme fort d’une coalition où il était l’homme faible. Le M5S, sans habitude du pouvoir, ne peut contrôler un ministre de l’intérieur qui décide, bien relayé par la presse, de taper fort et le rapport de force s’inverse.
La coalition ne pouvait plus durer, les débats européens en furent la preuve. Tout comme en Espagne où l’affrontement entre PSOE et Podemos est marqué pour les désaccords européens, M5S et Ligue ne sont pas du tout dans le même groupe.
Leçons :
- Il ne suffit pas de dénoncer une caste pour empêcher qu’une autre prenne sa place.
- A s’allier avec l’extrême-droite on ne peut que faire le lit de l’extrême-droite.
- Quand les électeurs sont exclus des politiques d’alliance, par des modes de scrutin inadaptés, alors les pays ne sont plus gouvernés.
En juin 2018 le M5S avait-il une autre solution ? Faire revoter le pays ? C’est ce qui s’est passé en Espagne sans que ça ne change rien ! Si Mariano Rajoy est tombé c’est suite à une alliance des députés de toutes les oppositions qui ont installé au pouvoir Pedro Sanchez… qui a aussitôt oublié l’alliance qui l’a installé au pouvoir ! Avec une élection à deux tours, au second tour les votants peuvent décider de l’alliance qu’ils souhaitent pour permettre une gestion du pays. Moins un pays est géré et plus les puissances économiques s’en réjouissent.
La déclaration du PD que j’ai publiée montre toute l’hypocrisie de la situation :
- Le PD veut bien les élections que réclame Salvini car il ne peut mettre en doute cette option.
- En même temps le PD se dit favorable à un pacte avec le M5S en avançant cinq conditions.
- Et il commence par la soumission nécessaire aux pouvoirs européens que le M5S combat !
- Sur l’immigration, cheval de bataille de Salvini, la condition reste floue. Comment ne pas admettre que Salvini a raison de mettre au pied du mur l’Union européenne ? Dans sa bouche ce n’est qu’un prétexte électoraliste pour désigner les deux adversaires : les exilés et les institutions européennes. Dans les faits il sait bien que le sort de l’Italie se joue ailleurs !
- Pourquoi le PD reste sur la défensive ? En parti centriste il veut ménager la chèvre et le chou sauf que tout le monde sait bien qu’à la fin la chèvre mange le chou !
J-P Damaggio