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Vie de La Brochure
26 novembre 2019

Pétain et le rugby à XIII

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Le hasard a voulu qu’au moment même où à Larrazet il y avait de grands débats sur la deuxième guerre mondiale, une émission sur France Inter a rappelé l’interdiction du rugby à XIII. Pour un régime suscitant des passions pour le sport (sous l’angle militaire) comment expliquer ce phénomène ? D’une part il était antérieur à la défaite de 1940. J’ai déjà évoqué la question au sujet de Castelsarrasin qui refusa le terrain au nouveau sport dès 1935 (dans ses mémoires Ardouin évoque le sujet) et à la Libération les Résistants du Rugby à XIII ne furent pas célébrés bénéficiant juste du droit de s'appeler Jeu à XIII ! Un bel exempl qui montre que Vichy s'inscrit dans une histoire et n'est pas seulement une parenthèse de l'histoire.

Le motif de Vichy : en finir avec le professionnalisme sauf que d’autres sports qui n’étaient pas exclusivement amateurs eurent des délais pour se conformer aux nouvelles règles !

Sur la photo : Le colonel Joseph Pascot (catalan, enfant de la balle ovale), membre du gouvernement de Vichy du début à la fin. Directeur des sports du cabinet de Jean Borotra à partir d’août 1940, il devient ministre des sport en 1942 et le reste jusqu’en août 1944.

Autre article utile sur le sujet : ICIJean-Paul Damaggio

 

L'EXCLUSION DU RUGBY À XIII DE VICHY À NOS JOURS

L’Humanité Mercredi, 22 Octobre, 1997

L'ACTUALITE est à la demande du pardon. Une minorité de Français attend toujours que soit reconnue l'interdiction qui a frappé son sport favori. Vichy prononça en effet l'exclusion d'un seul sport, le rugby à XIII. Les régimes politiques successifs, l'émergence des médias n'ont rien changé au problème: l'effacer du paysage sportif sera la constante des présidents de la Fédération à XV.

Lorsque le rugby à XIII fait son entrée en France (1934), le rugby à XV est en plein doute - amateurisme marron, violence, dopage, scission des clubs et de la Fédération, radiations des joueurs de Lézignan et de Quillan, relations internationales rompues avec les Anglo-Saxons. C'est de cet isolement que naîtra la Fédération internationale rugby amateur. La Rugby League anglaise (rugby à XIII) mandate Jean Gallia, alors meilleur avant d'Europe, pour être le promoteur de ce néo-rugby en France. Son essor est rapide, les joueurs ont un statut professionnel avec obligation d'avoir un autre emploi salarié, le jeu aux règles simples, claires, compréhensibles par tous, va rapidement devenir populaire, de grands clubs quinzistes vont adhérer. En 1939, le rugby à XIII compte 225 clubs, le rugby à XV a vu fondre ses effectifs de 831 à 471 clubs. Ce développement n'est pas aussi serein qu'il y paraît, terrains interdits aux treizistes, joueurs radiés, intimidations, etc. Jean Zay et Léo Lagrange seront les défenseurs de ce sport.

«Assurément, les catastrophes réussissent bien à la FFR XV, la guerre lui avait rendu un indispensable adversaire (l'Allemagne), l'Occupation allait la délivrer d'un indésirable et dangereux rival, le rugby à XIII», écrit Henri Garcia dans son ouvrage «Rugby Champagne» (Table ronde).

DE FACTO, les joueurs treizistes seront obligés de pratiquer le rugby à XV dès le 3 octobre 1940. De juro par le décret du 20 décembre 1941, la Ligue française de rugby à XIII était dissoute. L'agrément lui ayant été refusé, ses biens confisqués et mis à la disposition du Comité national des sports, ceux-ci ne seront jamais restitués. A la Libération, le résistant Paul Barrière aura toutes les peines pour réactiver le rugby à XIII, le nom rugby ne lui sera même pas accordé, il sera connu sous la péjorative appellation «jeu à XIII».

En dépit d'un titre de champion du monde en 1952 - n'en déplaise au handball - d'une tournée triomphale en 1951 qui immortalisa «Pipette» Puig-Aubert, ce sport ne retrouvera jamais son élan d'avant guerre. La FFR XV, qui n'avait pas d'existence légale jusqu'en juin 1966, trouvera les ressources pour interdire l'utilisation du mot rugby par le rugby à XIII. La FFR XV sera déboutée et condamnée aux dépens et aux frais de justice par le Conseil d'Etat, dans l'indifférence médiatique générale le 31 mars 1989. Le rugby à XIII a donc retrouvé son appellation.

LE coup de grâce sera donné par Bernard Lapasset, président de la FFR XV, lors de la finale de France Rugby League prévue fin août 1995: «La FFR XV considère que l'organisation d'un match de rugby à XIII à Béziers est inacceptable (...), la venue des All Blacks... serait compromise (...). Afin de ne pas pénaliser l'ASB, le maire, M. Couderc, a préféré renoncer à louer le terrain au rugby à XIII.»

Depuis son arrivée en France, le rugby à XIII subit les coups les plus bas d'un lobby conscient que ce sport, par son image, représente un danger permanent pour le rugby à XV et pour tout ce qu'il n'est pas. L'empêcher d'accéder aux médias, dénigrer ses moindres actions, ce qui n'empêche pas de l'imiter à l'occasion. Le passage du rugby à XV au professionnalisme (!) est venu mettre un terme à cinquante ans d'hypocrisie. Il n'en reste pas moins vrai que, sous Vichy d'abord, depuis 1981 ensuite, des forces ont œuvré pour exclure et supprimer un sport représenté en France par 25.000 licenciés. Le préjudice est consternant. Le voilà réduit dans des places fortes, sortes de ghettos de tolérance, sans droit à la parole, sans droit à l'image. Il est aisé maintenant de parer le rugby à XV de toutes les vertus de l'innovation et du modernisme, dépouilles du rugby à XIII que l'on vient de spolier.

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